Première grande victoire au Derby japonais pour Christophe Lemaire

Culture

Calme et témérité : Christophe Lemaire tient les rênes d’une main de maître

Le jockey français Christophe Lemaire, implanté au Japon depuis 2 ans après une longue carrière dans son pays natal, a remporté avec Rey de Oro son premier Derby japonais le 28 mai.

Cette 84e édition du Derby japonais mettait en concurrence les 18 meilleurs chevaux de 3 ans parmi les 7 015 pur-sang nés en 2014, sur la piste de 2 400 mètres de l’hippodrome de Fuchû.

Au milieu de la course, Lemaire, contrairement à ses habitudes, prend de la vitesse pour rejoindre le peloton de tête. Il s’agit d’une course de longue haleine, sur 2 400 mètres. Fatiguer d’emblée sa monture, c’est prendre le risque de l’épuiser sur la dernière ligne droite qui se prolonge sur plus de 500 mètres. Les tribunes s’agitent, puis soupirent.

Mais Christophe Lemaire reste maître du jeu. Au bout de 1 000 mètres, convaincu que le rythme restera mesuré, il se positionne à la 2e place légèrement à l’extérieur du groupe principal. Effectivement cette fois, le jockey français a bien compris qu’en restant en arrière, pour choisir de tout donner sur la dernière ligne droite comme il le fait toujours, il court à sa perte. Et plus encore, lorsqu’il s’agit du Derby, la course la plus célèbre du Japon, manquer le podium sur un cheval 2e favori lui vaudra une volée de critiques.

Désormais en bonne position, Lemaire choisit de ralentir la cadence de Rey de Oro. Son objectif ? Économiser son cheval avant de déployer toute sa vitalité sur la dernière ligne droite. Sans nul doute a-t-il déjà conçu des centaines de scénarios au cours de la préparation de cette course sur un cheval qu’il a monté depuis ses deux ans. Ce jockey de génie est un homme qui n’épargne pas ses efforts pour arracher la victoire sur une course du Groupe 1.

Sur les derniers 400 mètres, il se hausse à la 1re place et laisse éclater toute la puissance de Rey de Oro. Laissant ses poursuivants loin derrière lui, il franchit la ligne d’arrivée d’une traite. Lemaire décroche enfin le Derby japonais, un titre convoité depuis qu’il a obtenu sa licence permanente de la JRA (la fédération japonaise des courses hippiques) il y a deux ans.

Une belle revanche sur le Derby de l’année dernière : son cheval Satono Diamond avait perdu son fer durant la course, terminant deuxième.

Christophe Lemaire remporte le 84e Derby japonais (G1) sur Rey de Oro. Le 28 mai 2017, à l’hippodrome de Fuchû, à Tokyo. (Jiji Press)

Reproduire l’exploit du Mémorial Arima en 2005

Au mois de novembre de l’année dernière, Christophe Lemaire avait bien voulu se prêter à une interview en français dans les locaux de Nippon.com (voir article : Christophe Lemaire, le jockey français qui triomphe au Japon). Si, après chacune de ses courses, il se doit de répondre en japonais aux questions des médias, pouvoir s’exprimer dans sa langue maternelle lui a permis d’approfondir sa réflexion et a mis en relief sa grande détermination, lui qui a choisi le Japon comme nouvelle terre de défi pour sa passion. Si Christophe Lemaire a décidé de s’installer au Japon, et donc de quitter la France, pays organisateur du prix de l’Arc de Triomphe, considéré comme la plus grande course du monde, « c’est pour les extraordinaires facultés des pur-sang japonais », dit-il.

Cette interview dessinait déjà sa victoire au Derby de cette année. En 2005, lorsqu’il avait concouru pour la Japan Cup sur le cheval Heart’s Cry, muni d’une licence temporaire, la victoire lui avait échappé de quelques centimètres à peine derrière l’anglais Alkaased. Dans une course au rythme mesuré, le sprint qu’il avait effctué de sa position arrière sur la dernière ligne droite s’avère insuffisant.

« Une victoire sur une course du Groupe 1 au Japon m’a tout juste échappé des mains… J’étais vraiment déçu. Je sais qu’il ne faut pas rester sur une défaite. Mais celle-là, c’était spécial, il m’a fallu deux semaines pour m’en remettre (rires). »

Et un mois plus tard, au Memorial Arima, une autre prestigieuse course du Groupe 1, qui se déroule à chaque fin d’année, il a pris sa revanche en battant Deep Impact, l’un des meilleurs chevaux de l’histoire hippique japonaise. Son audacieuse stratégie de s’être positionné devant dès le début de la course a été ainsi merveilleusement couronnée de succès.

Le frustrant échec d’il y a 12 ans et les leçons qu’il en a tirées sous-tendent donc ce fabuleux exploit du 28 mai 2017.

Après le Derby, le champion a répondu avec le sourire à la nuée de journalistes qui l’entourait, et en japonais – langue apprise à marche forcée lors de son hospitalisation après une chute de cheval en 2014.

« Cette fois, comme le rythme était vraiment lent, j’ai décidé de me positionner dès le début dans les premiers. Ma monture était très détendue... dans les 100 derniers mètres, j’ai compris que j’avais gagné. Une superbe sensation ! Gottsuan desu (« merci » en argot du sumo) ! »

Christophe Lemaire, les rênes fermement en main, continue à prouver que les pur-sang japonais ont désormais atteint un niveau d’excellence. Le Prix de l’Arc de Triomphe l’attend en France le 1er octobre cette année. Il espère relever le défi sur un cheval japonais : c’est son regard qui nous le dit.

(D’après un original japonais de la rédaction de Nippon.com. Photo de titre : Jiji Press)

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