La déclaration de l’ancien Premier ministre Koizumi en faveur de la sortie du nucléaire

Politique

Pendant la conférence qu’il a donnée le 12 novembre 2013 au Japan National Press Club, l’ancien Premier ministre Koizumi Junichirô a affirmé qu’une sortie du nucléaire était possible si le Premier ministre Abe Shinzô le voulait.

La remise en route des centrales nucléaires, alors que le Japon ne dispose pas d’un lieu stockage final des déchets hautement radioactifs, préoccupe l’ancien Premier ministre qui a visité Onkalo, le site de stockage finlandais en cours de construction sur l’île d’Olkiluoto en Finlande. Il a tiré de cette visite la conclusion que construire l’équivalent au Japon serait difficile .

L’ancien Premier ministre Koizumi Junichirô, le 12 novembre 2013 au Japan National Press Club (Photo prise par l’auteur)

Sa déclaration a été qualifiée d’irresponsable par des membres du parti auquel il a appartenu, le Parti libéral démocrate, ce à quoi il a répliqué en utilisant le même terme : « Penser que l’on peut construire un lieu de stockage final des déchets nucléaires, ça c'est faire preuve d’un optimisme irresponsable ».

Depuis octobre, M. Koizumi a réitéré le même point de vue à l’occasion de deux allocutions couvertes par les médias. A la mi-octobre, il a aussi répondu à un éditorial du journal Yomiuri Shimbun qui critiquait sa proposition de sortie du nucléaire.

Mais sa conférence du 12 novembre 2013 était la première consacrée exclusivement à ce sujet et elle a attiré une grande attention. 350 journalistes et reporters étaient venus, une assistance record pour ces dernières années, et tous n’ont d’ailleurs pas pu entrer dans la salle.

Les médias réagissent de façon diamétralement opposée

Cette conférence a suscité des réactions diamétralement opposées. Trois des six quotidiens nationaux, l’Asahi, le Mainichi et le Tokyo, l’ont saluée. Ce dernier, qui est à l’avant-garde des opposants au nucléaire, a titré « M. Koizumi a raison : relancer les centrales nucléaires n’est pas réaliste ». Mais les trois autres, le Yomiuri, le Nikkei et le Sankei, n’ont pas accordé une large place à cette conférence et ont exprimé leurs doutes sur le réalisme d’une sortie du nucléaire. Les chaînes de télévision ont fait grand cas du retour de la politique à spectacle à la mode Koizumi en s’interrogeant sur l’impact qu’aurait cette déclaration.

Le PLD, qui est actuellement au pouvoir, s’est contenté d’éviter de réagir de manière excessive, comme l’exemplifie la déclaration de son vice-président Hosoda Hiroyuki, jadis porte-parole du gouvernement de M. Koizumi : « (sortir du nucléaire) signifie dépendre des centrales thermiques au charbon, ce qui serait bien plus nocif pour l’humanité. Je le [M. Koizumi] respecte, mais sa conclusion n’est pas la bonne. »

Au sujet de l’énergie, la PLD a pour position qu’il faut veiller à ce qu’il y en ait assez pour relancer l’économie japonaise et le quotidien des Japonais, tout en faisant le maximum pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ce « réalisme politique » le conduit à critiquer M. Koizumi, et  Ishiba Shigeru, son secrétaire général, a déclaré le 16 novembre que la ligne du parti ne serait pas infléchie.

Le PLD a brillamment remporté les élections de juillet 2013 en affirmant son intention de revoir sur une base zéro la politique énergétique, tout en s’engageant à faire redémarrer les centrales nucléaires que l’Autorité de régulation nucléaire aura déclarées sûres. Il est à noter que les partis qui s’étaient engagés à une sortie du nucléaire ont tous été défaits lors des élections de décembre 2012, qui ont vu le retour au pouvoir du PLD. Le nucléaire n’a pas joué un rôle décisif dans ces deux élections, et il est certain que les partisans de son abandon n’ont pas le vent en poupe. Selon M. Koizumi, le PLD est divisé entre ceux qui en sont partisans et ceux qui s’y opposent, mais en réalité les opposants au nucléaire ne font pas sentir leur présence de manière marquante au sein du parti.

Pas de lieu de stockage final avant l’horizon 2040 

Actuellement, 17 000 tonnes de combustible nucléaire usé sont stockées au Japon à l’intérieur des centrales nucléaires.

Le gouvernement a créé en 2000 la Société de gestion des déchets nucléaires (NUMO dans son acronyme anglais) pour sélectionner des sites candidats pour le stockage définitif de déchets nucléaires hautement radioactifs et souhaitait faire son choix au vu des propositions de collectivités locales. La municipalité de Tôyô, préfecture de Kôchi, s’était portée candidate en 2007, mais son maire a par la suite dû démissionner en raison d’une intense opposition de la population locale. Le gouvernement va probablement changer d’approche et sélectionnera lui-même les sites qui lui paraissent possibles. Grâce à cette déclaration de M. Koizumi, les médias ont commencé à parler de ce changement.

Des essais de traitement de déchets hautement radioactifs sont prévus à Horonobe sur l’île d’Hokkaidô à partir de l’été 2014. Mais l’implantation du centre de stockage n’est pas encore décidée. Dans l’état actuel des choses, une telle installation ne pourra commencer à fonctionner au plus tôt qu’à l’horizon 2040 et selon les calculs de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), elle devrait coûter autour de 3 500 milliards de yens.

Koizumi Junichiro : « Le pouvoir du Premier ministre est énorme. S'il proposait de renoncer à l'atome, il ne soulèverait aucune objection. » (Photo prise par l’auteur)

L’impact de la déclaration de M. Koizumi sur le monde politique et les médias s’amenuise au fur et à mesure que les jours passent. Nombreux sont ceux qui soulignent que s’il est vraiment partisan de la sortie du nucléaire, il devrait aussi revenir sur ce qu’il a fait par le passé pour promouvoir le nucléaire, et indiquer un itinéraire pour la sortie du nucléaire. Le Japon dépense chaque jour environ 10 milliards de yens en achat de pétrole, de gaz naturel et de charbon pour compenser l’arrêt de ses centrales nucléaires, et un nombre croissant de personnes s’inquiètent du risque de voir s’installer un déficit chronique de la balance internationale.

Les craintes soulevées par l’accident de Fukushima Daiichi, et la difficulté d’en traiter les conséquences soulèvent cependant des questions multidimensionnelles complexes qui affectent l’humanité toute entière et ne se limitent pas un simple problème politique et économique. La déclaration de M. Koizumi est peut-être un tournant important en ce qu’elle fait renaître les inquiétudes et les préoccupations du public à ce sujet. Les vagues qu’elle a soulevées diminuent peut-être, mais le problème est loin d’être résolu.

(D’après un original en japonais écrit le 25 novembre 2013.)

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