Japan Expo : l’engouement pour le Japon, une affaire qui rapporte

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La Japan Expo a lieu cette année du 2 au 5 juillet à Paris. Les jeunes fans de culture japonaise et de cosplay venus de toute l’Europe s’amusent beaucoup. Il n’en demeure pas moins que toutes les questions liées à l’exportation de la culture japonaise et à son exploitation commerciale ne sont pas résolues.

Cette manifestation culturelle qui a lieu tous les ans en juillet depuis 2000 attire des jeunes amateurs européens de culture pop japonaise et on attend pour sa 16e édition 250 000 visiteurs. J’y suis allé en 2012 et en 2014 pour voir de mes propres yeux à quoi ressemble cet univers. Ces dernières années, plusieurs tendances remarquables sont apparues.

La popularité incontournable des mangas et des animes en France

Si la culture japonaise bénéficie d’un tel succès en Europe, c’est avant tout grâce aux mangas et aux dessins animés japonais. Une enquête du site AnimeFrance.fr établit que 51 % des Français de moins de 19 ans passent au moins une heure par jour à regarder des dessins animés japonais. La Japan Expo a présenté de nombreuses expositions sur des animes et des mangas en invitant leurs auteurs, comme par exemple Hôjô Tsukasa, célèbre pour City Hunter connu en France sous le nom de Nicky Larson, ou Urasawa Naoki, connu pour Yawara ! et Monster, entre autres.

Les jeunes Européens chez qui les mangas et les animes font naître un énorme enthousiasme, qui se passionnent pour  Naruto de Kishimoto Masashi ou Pokémon, viennent à la Japan Expo habillés du costume de leurs héros favoris. La Japan Expo est pour les cosplayers européens le lieu où exprimer leur affection pour les personnages qu’ils incarnent et où se faire reconnaître par leurs pairs. Ils viennent pour montrer aux autres amateurs les costumes et le maquillage dont ils sont si fiers.

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Nombreux sont ceux que cette ferveur pour le Japon, éveillée par leur passion pour ses animes et ses mangas, a conduit à étudier le japonais à l’université. Cette fièvre atteint durablement un nombre croissant de jeunes Européens.

La chaîne française qui diffuse une programmation 100% nippone

Impossible de parler du succès de la culture populaire japonaise en France sans mentionner la chaîne câblée Nolife qui diffuse vingt-quatre heures sur vingt-quatre une programmation japonaise. Celle-ci comprend essentiellement des vidéos musicales de pop-music japonaise (J-Pop), des jeux vidéo, ou encore des dessins animés ainsi que l’émission Japan in Motion (produite par TSS) diffusée à partir de 2009, que tout jeune Français qui s’intéresse au Japon connaît. On peut la voir sur Nolife tous les jours sauf le lundi.

Japan in Motion présente des informations sur le « vrai Japon », que l’on ne trouve pas dans les guides touristiques, depuis les sites touristiques jusqu’à la culture underground en passant par le J-Pop et les festivals traditionnels. Nolife, qui a un vrai talent de découvreur, a notamment été le premier média à présenter la chanteuse Kyari Pamyu Pamyu avant qu’elle ne devienne célèbre. Les spectateurs de cette émission, qui sont avides d’informations sur le Japon, se recoupent avec ceux qui viennent à Japan Expo.

L’abus de Cool Japan

Cette manifestation a été crée par des jeunes Français amoureux du Japon. L’un d’entre eux, Thomas Sirdey, président de JTS Participations, a reçu en 2013 un prix du ministre japonais de la Culture.

Si la Japan Expo rassemble aujourd’hui des jeunes venus non seulement de toute la France mais de toute l’Europe afin de goûter au Cool Japan, sa première édition en 2000 n’avait attiré qu’autour de 2 000 visiteurs. 15 ans plus tard, on en prévoit 250 000. Lorsqu’en 2014, la fréquentation a dépassé pour la première fois le cap des 240 000 personnes, la diminution drastique de stands d’autres pays s’attribuant injustement le label Cool Japan a été un fait marquant.

Lors de ma première visite à la Japan Expo en 2012, il y avait de nombreux participants d’autres pays d’Asie que le Japon, notamment coréens, avec des stands qui, plus ou moins, « prétendaient être japonais ». On se moquait de ce phénomène sous des dénominations telles que « Korean Cool Japan » ou encore « Asian Cool Japan ». Considérant que cela posait problème, les organisateurs ont décidé de revenir à leur projet originel, à savoir offrir un lieu où les visiteurs trouvent des informations sur la vraie culture japonaise, et ils ont radicalement éliminé ces « versions pirates ». La manifestation est ainsi redevenue une célébration de la culture et du divertissement authentiquement japonais.

En 2014, les thèmes qui y étaient présentés ont commencé à dépasser l’univers originel des mangas, dessins animés et jeux vidéo. La présentation de la culture et de l’artisanat japonais traditionnel, ainsi que de la cuisine japonaise, constitue une nouvelle tendance remarquable.

Le stand Wabi-Sabi créé en 2011 par la société événementielle Biken International qui promeut activement à l’étranger les arts et la culture japonais en fait partie. L’an dernier, son stand présentait plus de 100 artistes invités qui ont fait des démonstrations et des performances artistiques et il a attiré en permanence une foule considérable. Ce succès indique que la nouvelle orientation choisie par les organisateurs répond aux demandes des visiteurs de ré-axer Japan Expo sur la véritable culture nippone.

Tôhan, la société qui prend en charge au Japon les planifications, la logistique, les services d’interprétariat et de promotion commerciale pour les exposants japonais, a présenté l’an passé des stands dédiés aux jeunes comiques japonais ou aux jeunes illustrateurs populaires à l’étranger. Les queues qui se formaient devant ces stands m’ont fait sentir que le vrai Cool Japan connaissait un succès encore plus large.

Il faut mettre en place une aide aux activités Cool Japan

Le Japon est très en vogue en Europe aujourd’hui, comme l'atteste le succès de la Japan Expo. Il reste cependant de nombreux problèmes à résoudre pour créer un système capable de le pérenniser , et d’en faire une source de revenus pour l’économie japonaise.

Je pense par exemple à DFS, la plus grande chaîne de magasins duty-free au monde, qui fait partie du groupe LVMH. Les touristes japonais rapportent beaucoup d’argent à cette société qui exploite 150 magasins duty-free dans quinze pays d’Asie.

Ce n’est pas tout. L’argent que dépensent les touristes étrangers au Japon, dont le nombre croît rapidement depuis quelques années, va aussi à des entreprises étrangères. Une grande surface duty-free Lotte, du groupe coréen éponyme, a ouvert en 2014 dans l’aéroport international du Kansai, et une autre doit ouvrir cette année dans le quartier de Ginza à Tokyo. Les touristes chinois qui achètent massivement quand ils voyagent feront donc fructifier cette société coréenne. Le gouvernement proclame son objectif de faire du Japon un grand pays touristique, mais la réalité est fort différente.

Tel est le contexte dans lequel le Japon a crée en 2013 le Cool Japan Fund pour soutenir financièrement l’expansion internationale des entreprises japonaises. Mais il serait difficile de dire que cette popularité du Japon à travers le monde conduit aujourd’hui à des revenus accrus pour le Japon.

La raison en est qu’il n’existe pas encore de système qui protège sur le plan juridique ceux qui veulent se lancer dans les affaires à l’international en assurant la promotion de la culture et de la nourriture japonaises. Aujourd’hui, le succès de la culture nippone ne se traduit pas par une plus grande facilité pour les Japonais qui se lancent dans de tels projets à l’étranger.

Paris déborde de produits japonais, mais il n’existe pas encore de structure permettant aux bénéfices réalisés par les produits japonais de revenir à l’Archipel. En effet, les sociétés qui fournissent ces produits japonais aux consommateurs sont français. De plus, ces produits qui sont essentiellement fabriqués par de grandes entreprises japonaises ne parviennent pas à répondre à la demande française. Une PME japonaise souhaitant s’implanter en France devra surmonter de nombreux obstacles.

Ce qui empêche les PME japonaises de progresser en Europe

Le gérant d’une société qui loue des espaces de vente et de promotion situés à Paris aux PME japonaises m’a expliqué que de nombreux problèmes se posent lorsqu’une entreprise veut y faire du commerce. Il y a par exemple la question du bail commercial, ou encore celle de la distribution. Les dirigeants de PME utilisent souvent les procédures douanières simplifiées, ce qui rend les produits plus chers. À moins que la distribution internationale ne soit améliorée, les PME continueront à avoir des difficultés à faire des affaires en Europe.

On voit que simplement fournir des fonds aux PME pour les aider à se lancer à l’étranger ne permettra pas d’assurer que la popularité de la culture nippone « rapporte au Japon ». Il est indispensable de comprendre la demande qui existe à l’étranger pour les produits et les services japonais et de fournir une aide adaptée aux entreprises qui souhaitent se lancer pour répondre à cette demande. Ce sont souvent des PME qui n’ont pas la capacité de résister aux entreprises étrangères.

Créer un fonds d’affaire

Le problème est de créer des opportunités d’affaires pour la culture pop japonaise, c’est-à-dire pour les artistes et leur production qui ont su se créer un public ou encore pour les créateurs japonais de mode, dont la Japan Expo prouve le succès qu’ils connaissent. Comment créer une structure qui fasse naître des profits en systématisant la marque japonaise inébranlable ?

La popularité du Japon est une réalité à travers le monde, ses ressources en matière de créativité sont aujourd’hui amplement reconnues dans le monde. La Japan Expo est le lieu où ce phénomène se manifeste le plus clairement. Il faut prendre conscience qu’aujourd’hui, 15 ans après la création de cette manifestation, il existe un risque que cela s’achève comme cela avait commencé. Le moment est venu pour le secteur public et le secteur privé d’unir leurs connaissances pour faire en sorte d’élargir ce succès aux entreprises japonaises à l’étranger.

(D’après un original en japonais du 15 juin 2015. Photo de titre prise par l’auteur)

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