À la recherche d’une évolution de l’ordre dans la région Asie-Pacifique

Politique

Conflit au sein du Parti démocrate sur la participation aux négociations du TPP

Le 11 novembre, le Premier ministre Noda Yoshihiko, a déclaré que le Japon entrerait en concertation avec les pays concernés dans la perspective d’une participation aux négociations du Partenariat transpacifique (TPP) et présenté une orientation de participation au processus des négociations à ce traité. Le Premier ministre a également fait part de cette orientation au Président Obama et aux autres dirigeants des pays en relation avec le TPP, lors de la réunion au sommet de l’APEC (Coopération Economique pour l’Asie-Pacifique) qui s’est tenue à Hawaï, à partir du lendemain 12 novembre. Il est très appréciable que M. Noda ait pris, deux mois seulement apres sa nomination, des décisions sur la taxe pour la reconstruction et la participation aux négociations du TPP, alors que depuis deux ans et demi apres la formation d’un gouvernement autour du Parti démocrate, les Premiers ministres, en particulier Kan Naoto, avaient donné jusqu’à présent la priorité au maintien du parti au pouvoir, sans prendre aucune décision en assumant leur propre responsabilité, aussi bien sur ces questions en suspens que sur la reconstruction après le séisme ainsi que sur les mesures en matière d’énergie apres l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Le gouvernement sera ensuite successivement confronté avec les problèmes qui divisent le pays en deux, comme la revision des trois principes fondamentaux relatifs aux exportations d’armes, l’augmentation de la taxe à la consommation et la réforme de la sécurité sociale. Le travail du Premier ministre est de prendre lui-même et d’appliquer les décisions qui s’imposent sur ces questions en suspens. Les résultats obtenus jusqu’à présent sont bons. Nous souhaitons que le Premier ministre continue à faire preuve de leadership à l’avenir également. C’est là le seul chemin pour que le gouvernement actuel et le Parlement, tombés à terre après le séisme, retrouvent la confiance du peuple japonais.

Mais il faut tout de même constater que, comme pour la décision sur la taxe pour la reconstruction, le Parti sémocrate est resté très divisé jusqu’à ce que le Premier ministre Noda prenne la décision de participer aux négociations du TPP cette fois-ci. Lors de son discours de politique générale prononcé le 28 octobre, le Premier ministre a déclaré, à propos de la participation aux négociations du TPP : « Je tirerai la conclusion le plus rapidement possible, après des débats approfondis. » Par la suite, durant les réunions de l’équipe du projet du Parti démocrate sur le TPP, les opinions de prudence et les avis contraires ont toujours été en nombre supérieur aux opinions en faveur de ces négociations et l’équipe du projet a donc dû demander, en définitive, au Premier ministre “de décider avec prudence” sur ces négociations.

C’est le « Comité de réflexion prudente sur le TPP » présidé par Yamada Masahiko, précédent ministre de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, qui a principalement clamé son opposition à la participation aux négociations du TPP au sein du Parti démocrate. Même si Ozawa Ichiro, ancien président du Parti démocrate, ne s’est pas prononcé sur ce sujet, chacun sait qu’un grand nombre de parlementaires appartenant à la faction Ozawa sont membres de ce comité. Ce sont également ces hommes politiques qui se sont principalement opposés au sein du Parti démocrate à la taxe pour la reconstruction. Pour en dire plus, ce sont également eux qui ont soutenu Kaieda Banri, ancien ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie, rival de Noda durant les élections du président du Parti démocrate qui ont eu lieu le 29 août lors de l’assemblée générale des parlementaires des deux Chambres. L’excellent exposé de T.J. Pempel, professeur de l’Université de Californie à Berkeley, intitulé “Between Pork and Productivity : The Collapse of the Liberal Democratic Party” (Entre saupoudrage et productivité : La chute du Parti libéral-démocrate, paru dans The Journal of Japanese Studies, Volume 36, Numéro 2, Eté 2010, pp. 227-254), démontre que la défaite totale du Parti libéral-démocrate lors des élections générales du 30 août 2009 est due au fait que tous les gouvernements successifs, à l’exception de celui de Koizumi Jun-ichiro, n’ont pas été capables d’adopter une politique effective en vue de la reprise économique du pays en raison des dissensions internes du parti sur le choix entre électoralisme ou productivité.

Il en est effectivement bien ainsi, mais on peut dire la même chose pour ce qui est du Parti démocrate. En d’autres termes, il existe une faction en faveur de la productivité et une faction en faveur du saupoudrage (l’électoralisme) aussi bien dans le Parti libéral-démocrate que dans le Parti démocrate. Mais avec le système électoral actuel, basé sur le découpage en petites circonscriptions, les candidats, même en ayant des opinions identiques soit en faveur de la productivité soit en faveur du saupoudrage, sont obligés de s’affrontrer dans une même circonscription selon qu’ils appartiennent au Parti libéral-démocrate ou au Parti démocrate. En résultat, une restructuration politique, départagée selon l’axe de l’opposition productivité-saupoudrage, ne peut pas avoir lieu. C’est pour cela qu’il est encore impossible de sortir de l’impasse politique malgré le changement de gouvernement.

Dans la controverse au sein du Parti démocrate sur la participation aux négociations du TPP, la faction contraire dirigée par Yamada Masahiko, a collaboré avec les hommes politiques du Parti libéral-démocrate et du Parti Kômeitô opposés à cette participation et ont ébranlé le bureau exécutif du Parti démocrate. Lors de la réunion entre le gouvernement et les trois principaux représentants du parti qui s’est tenue le 10 novembre, les participants côté parti ont déclaré qu’il était possible que des parlementaires appartenant à la faction de prudence quittent le parti en cas d’annonce d’une décision sur la participation aux négociations. À l’heure actuelle, 20 novembre, aucun parlementaire n’a quitté le parti. Toutefois, si une restructuration devait avoir lieu à cette occasion selon l’axe de la productivité ou du saupoudrage, elle serait véritablement la bienvenue pour que le Japon puisse sortir de son impasse politique.

La mise en doute de l’ordre dans la région Asie-Pacifique

Lors de la réunion au sommet de l’APEC qui s’est tenue à Hawaï le 12 novembre, outre le Japon, le Canada et le Mexique ont annoncé leur participation aux négociations. Le Président chinois Hu Jintao a également mentionné le TPP lors de son discours et a montré une attitude de compréhension de ce traité en tant que cadre économique venant à la suite de l’Accord de libre-échange (FTA) préconisé par la Chine entre l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et le Japon, la Chine et la Corée du Sud. Toutefois, en Chine, les cadres du Ministère des Affaires étrangères ont protesté en disant qu’ils n’avaient pas été avertis à ce sujet et les craintes vis-à-vis d’un “blocus de la Chine” sont extrêmement présentes. Ces inquiétudes se sont probablement accrues lors de la réunion au sommet de l’ASEAN Plus qui a commencé le 18 novembre, en particulier après la réunion des dirigeants des pays de l’Asie de l’Est du 19. La déclaration conjointe du Japon et de l’ASEAN, adoptée le 18, a non seulement fait mention d’une coopération pour l’aménagement des infrastructures d’un montant total de 2 mille milliards de yens en vue d’encourager la construction de la communauté de l’ASEAN et d’approfondir les relations entre le Japon et l’ASEAN, mais a confirmé également des orientations visant à la création d’un cadre juridique multilatéral en relation avec les conflits territoriaux en mer de Chine méridionale. Lors de la réunion des dirigeants des pays de l’Asie de l’Est du 19 également, les Etats-Unis et la Chine se sont directement opposés sur ce problème.

Cependant, considérer cette série d’actions comme un blocus ou un freinage de la Chine revient une perte d’équilibre. Ce qui fait problème dans le TPP, c’est de savoir dans quelle envergure continuer la construction de l’Accord de libre échange Asie-Pacifique (FTAAP). Et pour ce qui est des conflits territoriaux en mer de Chine méridionale, c’est de construire des normes d’action effectives sur le plan juridique en vue d’une solution pacifique à ces conflits. C’est ici la création de règles qui est en cause dans l’un et l’autre cas. Dans ce sens, il faut remarquer avec attention le discours prononcé par le Président Obama le 17 novembre lors de sa visite en Australie. Durant ce discours, le Président Obama a non seulement confirmé le fait que les Etats-Unis continueraient à participer à la sécurité et à la stabilité de la région Asie-Pacifique en tant que nation du Pacifique, mais il s’est également déclaré en faveur de la construction d’un ordre économique mondial libre, équitable et ouvert, basé sur des règles communes, pour ce qui est des échanges commerciaux. La répartition de la richesse et de la puissance connaît actuellement de brusques changements, aussi bien au niveau mondial qu’au niveau régional, en raison de l’émergence de nouveaux pays comme la Chine et l’Inde. Dans ce contexte, ce qui est nécessaire aujourd’hui, c’est une évolution de l’ordre dans la région de l’Asie de l’Est et de l’Asie-Pacifique. Le Président Obama a montré son intention de s’affronter directement à ce problème. Nous approuvons totalement cette attitude.

(D’après un original en japonais.)

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