Les frontières de la science

Le laser à électrons libres SACLA

Science Technologie

Un travail scientifique révolutionnaire est en cours à l’unité SACLA de l’Institut RIKEN de Harima. Cette unité vient de mettre au point un laser à électrons libres X (XFEL) qui génère la longueur d’onde la plus courte au monde et permet ainsi d’observer la matière au niveau atomique et électronique. Les applications pratiques de la recherche basée sur la technologie XFEL sont gigantesques.

L’unité de laser à électrons libres X de l’Institut RIKEN de Harima, dans la préfecture de Hyôgo, vient de mettre au point un laser à électrons libres X (XFEL) qui génère la longueur d’onde la plus courte jamais obtenue. Cette unité SACLA (SPring-8 Angstrom Compact free electron Laser), achevée en mars 2011, produit un rayonnement XFEL grâce à des faisceaux d’électrons générés par un canon à électrons. Le XFEL est un nouveau genre de lumière qui permettra aux chercheurs d’étudier, au niveau atomique, la structure de la matière et les changements instantanés qui s’y produisent. L’unité est actuellement en train d’effectuer des tests de façon à pouvoir procéder aux réglages nécessaires ; les utilisateurs japonais et étrangers devraient y avoir accès en mars 2012.

Le faisceau lumineux « voit » les changements atomiques momentanés

Le XFEL et le rayon X ont des longueurs d’onde qui se situent dans la même gamme. Le rayon X a une courte longueur d’onde et une grande capacité de pénétration de la matière compacte ; en ce qui concerne le laser, dont les applications se retrouvent dans les communications optiques à grande vitesse et les DVD, toutes les ondes de cette forte lumière sont parfaitement alignées. Grâce à l’association des propriétés remarquables de ces deux technologies, le XFEL est un milliard de fois plus brillant qu’un rayonnement généré par les sources existantes de rayons X et a une longueur d’onde plus courte que les lasers conventionnels. Si bien que le faisceau laser qu’il produit peut être utilisé pour effectuer des observations ultra-précises au niveau des atomes et des électrons. Parmi les applications qu’on peut envisager pour le XFEL, figure l’analyse de la structure moléculaire des protéines constituant les membranes cellulaires, une avancée qui rendrait de grands services à la recherche pharmaceutique, puisque 60 % des médicaments qui sont aujourd’hui disponibles agissent sur les protéines membranaires. Qui plus est, l’extrême brièveté du rayonnement XFEL (environ 10-13 secondes) permettra qu’on s’en serve comme d’un flash photographique à très grande vitesse pour obtenir des images de changements momentanés dans l’agencement des atomes ou de réactions chimiques extrêmement rapides. Pour la première fois au monde, les chercheurs seront alors en mesure d’étudier les changements instantanés qui se produisent dans le monde de l’infiniment petit.

Un instrument compact et économe en énergie

L’installation toute en longueur baptisée SACLA est constituée d’un bâtiment abritant un accélérateur, d’un bâtiment abritant un ondulateur et d’un bloc d’expérimentation, tous raccordés en ligne droite sur une longueur d’environ 700 mètres. Le canon à électrons placé à l’entrée de l’accélérateur génère un faisceau d’électrons, lequel est porté par l’accélérateur, long de 400 mètres, à une vitesse proche de celle de la lumière. Dans le bâtiment suivant, l’ondulateur, un instrument composé de puissants aimants disposés côte à côte, produit des rayons XFEL à partir du faisceau électronique. Les aimants contraignent les électrons à se déplacer selon une trajectoire ondulante. À la sortie de l’ondulateur, le rayonnement XFEL est pris en charge par la ligne de faisceau, qui l’adapte en fonction des expériences auxquelles il est destiné.

Il n’existe que deux installations XFEL au monde ; l’une se trouve aux États-Unis, l’autre est le SACLA. Des projets sont également en cours en Europe, mais le SACLA a ceci de particulier qu’il est à la fois compact et économe en énergie. L’accélérateur qui vient d’être mis au point a une capacité d’accélération deux fois plus forte que tous ceux qui existaient jusque-là, si bien que la longueur de ses tubes a pu être raccourcie. Outre cela, les ondulateurs font appel à une technologie, baptisée « à vide », qui leur permet de produire le rayonnement XFEL à partir d’un faisceau d’électrons de plus basse énergie que ceux utilisés par les autres installations. Comme l’explique Ishikawa Tetsuya, le directeur de l’Institut RIKEN de Harima : « En mettant à contribution les capacités technologiques exceptionnelles du Japon, nous avons pu construire une installation dont la taille est réduite au quart de celles qui existent aux États-Unis et en Europe. »

La technologie ouvre de nouvelles avancées à la recherche

Le SACLA est sensible aux plus infimes changements de l’environnement. Ainsi, lors de l’installation et de l’alignement des ondulateurs qui produisent le rayonnement laser, il a fallu prendre en compte jusqu’à la sphéricité de la Terre pour faire en sorte que la lumière suive un chemin absolument rectiligne. Grâce à cette infime modification, l’axe du faisceau dévie de son chemin d’à peine un dixième de millimètre sur les 120 mètres que mesure l’alignement des ondulateurs. C’est à travers d’infimes réglages de ce genre que le SACLA a pu être mis au point et achevé. Mais, comme l’explique un de ses concepteurs, il n’y a pas de place pour la complaisance : « Nous arrivons maintenant au moment crucial, car des phénomènes imprévus peuvent se produire lorsque l’installation va devenir opérationnelle. »

Il aura fallu cinq ans pour achever l’installation et il semble qu’au début tout le monde n’était pas convaincu de la faisabilité de ce projet. Maintenant que les travaux se sont achevés sans contretemps et que le rayonnement laser a été généré avec succès, un sentiment d’anticipation et d’excitation règne tant parmi les chercheurs qui vont utiliser l’installation que parmi les gens qui l’ont construite. Les utilisateurs potentiels voient en elle exactement le genre de dispositif dont ils avaient besoin, tandis que les constructeurs espèrent que le plus grand nombre possible de chercheurs se serviront de la nouvelle technologie.


La salle de l’ondulateur XFEL ; le rayonnement XFEL est généré à partir des ondulateurs alignés à l’arrière plan de cette photo.

Le 13 juillet, un faisceau XFEL ayant la longueur d’onde la plus courte jamais produite — 0,08 nm (1 nm = 1 milliardième de mètre) — a été obtenu. « En ajustant le faisceau », dit fièrement M. Ishikawa, le directeur, « nous serons en mesure de générer une longueur d’onde encore plus courte. »

Pour l’analyse des données, il est prévu que l’installation s’associe avec le meilleur ordinateur mondial de la prochaine génération, « l’ordinateur K », situé à Kobe dans le laboratoire de science du calcul de l’Institut RIKEN. Le directeur, M. Ishikawa, a un ambitieux projet. Il espère que la collaboration « ouvrira de nouveaux horizons pour la science ».

Le dépassement des limites de la technologie existante a ouvert le chemin à des découvertes révolutionnaires telles que l’explication de la structure et de la fonction des protéines membranaires, essentielle pour la recherche pharmaceutique et la technologie de la nano-fabrication ultra-précise. Dans les années à venir, la recherche menée à l’installation SACLA devrait déboucher sur des applications pratiques de ces avancées.


La galerie des klystrons XFEL ; la batterie d’appareils de commande que l’on voit ici forme le cœur de l’installation SACLA.

(Original en japonais écrit par Satô Narumi, écrivain indépendant. Photographies de Hans Sautter.)

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