Les frontières de la science

Fujifilm : de la photographie aux produits de beauté

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La firme Fujifilm a mis au point une ligne de produits de beauté appelée Astalift en utilisant la technologie qu’elle a développée pendant de nombreuses années dans le domaine de la photographie. Elle a cherché à embellir la peau en tirant parti de son savoir faire unique en matière de pellicules photographiques et des techniques d’analyse optique les plus avancées.

Des techniques photographiques pour prévenir le vieillissement de la peau

Fujifilm, fabricant à l’échelle mondiale d’appareils photo et de pellicules, s’est lancé dans le domaine des cosmétiques en 2006 et dès l’année suivante, il a mis sur le marché une ligne de produits de beauté pour la peau — Astalift — à base d’astaxanthine, un antioxydant particulièrement efficace. La ligne Astalift comporte, entre autres, deux soins anti-âge appelés respectivement « Jelly Aquarysta », un sérum concentré de jeunesse, et « Essence Destiny », un sérum fermeté. Depuis, Fujifilm a étendu la gamme de ses cosmétiques à des produits de maquillage, notamment des fonds de teint, que l’on trouve non seulement au Japon, mais aussi en Chine, en Asie du Sud-Est et en Europe.

La décision de Fujifilm de se lancer sur le marché des cosmétiques après celui de la photographie peut paraître quelque peu surprenante au premier abord, mais l’histoire de la ligne de produits de beauté Astalift montre à elle seule qu’il s’agit là d’un choix particulièrement judicieux.

Les quatre domaines explorés par Fujifilm pour fabriquer des pellicules qui ont joué un rôle déterminant dans la mise au point de la ligne de cosmétiques Astalift sont le collagène, l’analyse et le contrôle de la lumière, les antioxydants, et la nanotechnologie propre à cette firme. (Avec l’aimable autorisation de Fujifilm)

Le premier lien entre Fujifilm et les produits de beauté, c’est le pouvoir des antioxydants. La firme japonaise a fait des recherches approfondies pour éviter l’oxydation des couleurs des tirages photographiques provoquée par les rayons ultraviolets. C’est ainsi qu’elle s’est intéressée à un antioxydant naturel, l’astaxanthine qui est devenu par la suite un des ingrédients de base des produits de beauté Astalift. L’astaxanthine peut être utilisée à la fois dans les pellicules photographiques et dans les cosmétiques parce que si les rayons ultraviolets font la particularité de faire perdre leurs couleurs aux photographies, ils ont aussi celle d’accélérer le vieillissement de la peau. Les ultraviolets augmentent la production de mélanine et provoquent l’apparition de taches cutanées. Dans le même temps, le collagène et l’élastine, les protéines fibreuses auxquelles la peau doit son élasticité, se dissocient et entraînent l’apparition de rides et un relâchement des tissus.

Mais l’emploi de l’astaxanthine dans les produits de beauté a posé un certain nombre de problèmes. En effet cette substance, si elle est liposoluble, ne se dissout pas très bien dans l’eau ce qui a pour effet de rendre les produits instables. Fujifilm a réussi à surmonter cette difficulté grâce à des techniques utilisées dans le domaine de la photographie. Pour fabriquer une pellicule, on utilise une couche ultrafine — environ 20 micromètres (1 micromètre = 0,001 mm) — de collagène dans lequel on a émulsifié et dispersé plus de cent types de particules différentes, entre autres celles qui la rendent sensible à la lumière et lui permettent de produire des couleurs. On répète cette opération jusqu’à obtention de vingt couches successives. La nanotechnologie de l’émulsification et de la dispersion des particules utilisée par Fujifilm pour les pellicules lui a permis de stabiliser les produits de beauté à base d’astaxanthine tout en améliorant de façon considérable leur capacité de pénétration dans la peau. Il se trouve par ailleurs que le collagène est non seulement la matière première la plus employée pour fabriquer les pellicules mais aussi un des composants principaux de la peau. Fujifilm a tiré parti de sa longue expérience dans ce domaine pour trouver un type de collagène qui permette de conserver à la peau son humidité et sa souplesse.

Photo de gauche : l’astaxanthine et l’eau. Dans le flacon de gauche, l’astaxanthine a été émulsifiée et dispersée en utilisant la nanotechnologie mise au point par Fujifilm, et elle se dissout bien dans l’eau. Dans le flacon de droite, l’astaxanthine a été simplement versée dans l’eau et elle se dissout très mal. Photo de droite : mise en évidence de l’efficacité de la nanotechonologie de Fujifilm. Le contenu du flacon de droite, obtenu avec la nanotechnologie conventionnelle est plus trouble que celui du flacon de gauche préparé avec la nanotechnologie de Fujifilm.

Une belle peau grâce à la technologie photographique

Salle spéciale pour l’évaluation de l’état de la peau. La température ambiante est maintenue en permanence à 22° C, et l’humidité à 50 %. Le patient doit rester une vingtaine de minutes à l’intérieur avant qu’on mesure le degré d’hydratation, l’élasticité et la production de sébum de sa peau.

Le responsable de la mise au point des cosmétiques Astalift, c’est Nakamura Yoshisada, directeur de recherches des Laboratoires de recherches sur la santé et les produits pharmaceutiques de Fujifilm. Il a consacré la plus grande partie de  sa carrière dans cette entreprise au secteur des pellicules photographiques, si bien que lorsqu’on lui a demandé de travailler sur les produits de beauté, il s’est senti un peu désemparé. Mais au bout du compte, ce changement lui permis de mettre largement à contribution les recherches qu’il avait effectuées auparavant.

« Les gens pensent souvent, à tort, que le rôle d’une pellicule photographique c’est de reproduire fidèlement ce que voit le regard. Or ce que nous recherchons avant tout dans les photos, ce sont les couleurs que nous avons en mémoire, des couleurs beaucoup plus vives et plus belles que dans la réalité », explique M. Nakamura. « Et quand il s’agit de photos de femmes, on accorde une grande importance à la luminosité et à la transparence du teint. C’est pourquoi nous contrôlons la couleur de la pellicule de façon à ce qu’elle soit un peu plus lumineuse que celle de la peau dans la réalité. Nous avons passé de nombreuses années à chercher à mettre en valeur la beauté de la peau par la photographie et cette expérience s’est avérée très précieuse le jour où nous nous sommes lancés dans le domaine des produits de beauté. »

Les pellicules photographiques et les appareils photo numériques captent la lumière et ils la restituent sous forme de couleurs. Fujifilm a réussi à appliquer cette technique sophistiquée d’analyse et de contrôle optique au domaine des cosmétiques. La peau a un aspect nettement différent en fonction de la lumière — artificielle ou naturelle — qui l’éclaire. Pour créer un fond de teint qui mette en valeur la beauté du teint en toutes circonstances, Fujifilm a procédé à une analyse optique de la peau de façon à contrôler l’absorption et la réflexion de la lumière.

Nakamura Yoshisada, responsable du développement de la ligne Astalift. « Je suis le premier à utiliser et à tester tous mes produits, y compris les cosmétiques » dit-il en souriant.

Les anticernes et les antitaches se contentent en général de dissimuler les défauts de la peau sous une ou plusieurs couches de produits d’autres couleurs. Mais chez Fujifilm, ce type de produit a été réalisé à partir d’une analyse du spectre optique de façon à contrôler l’absorption et la réflexion de la lumière jaune qui caractérise les défauts de la peau. La firme japonaise a réussi à créer une « couleur intermédiaire » qui fait complètement disparaître les taches si bien qu’il n’y a plus aucune différence entre les parties traitées et le reste de la peau. Elle a mis au point un produit qui n’a pas besoin de se décliner dans une grande palette de couleurs pour s’accorder avec la teinte de chaque peau et qui n’implique pas non plus la superposition, pas très naturelle, de plusieurs couches de couleurs différentes. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles la ligne Astalift a autant de succès.

Par ailleurs, l’analyse optique des peaux qui manquent de transparence — le fameux « teint brouillé » — a révélé l’existence d’une légère altération, invisible à l’œil nu, qui empêche la lumière de se refléter complètement et uniformément sur l’épiderme. Les peaux transparentes, en revanche, renvoient très bien la lumière, et de façon uniforme, au point qu’on peut dire qu’elles sont « étincelantes ». Forte de cette expérience, Fujifilm a décidé de lancer Lunamer, une nouvelle ligne de produits spécifiques pour le traitement de l’épiderme, qui a été mise sur le marché en juillet 2012.

Le savoir-faire de Fujifilm au service de la santé

Fujifilm est l’une des firmes les plus connues dans le monde de l’industrie photographique. C’est elle, par exemple, qui a mis au point le premier appareil photo numérique, en 1988. Mais le succès fulgurant de ce type de produit a eu aussi pour conséquence une baisse si considérable de la demande en matière de pellicules que l’entreprise a dû envisager de diversifier ses activités. C’est ainsi que Fujifilm a commencé à mettre au point des cosmétiques, entre autres Astalift, des compléments alimentaires et des produits pharmaceutiques. Dans le même temps, elle a continué à fabriquer des films radiographiques et du matériel médical.

Deux soins anti-âge de la ligne de produits de beauté Astalift : à gauche, Essence Destiny, un sérum de fermeté ; à droite Jelly Aquarista, un sérum concentré de jeunesse.

Fujifilm s’est appelée Fuji Photo Film jusqu’en 2006, date à laquelle elle a décidé de changer de nom. Depuis son « deuxième départ », l’entreprise s’est lancée dans toutes sortes de nouvelles activités en tirant parti du savoir-faire qu’elle a accumulé de puis un grand nombre d’années. En avril 2006, elle a créé les Laboratoires de recherches approfondies Fuji qui ont pour mission de réunir et de fusionner les technologies développées par la firme dans différents domaines. Et c’est ainsi que la ligne de produits de beauté Astalift a vu le jour.

« Fujifilm a une longue histoire, celle d’une entreprise d’avant-garde qui ne craint pas de s’aventurer dans de nouveaux domaines, comme elle l’a prouvé avec les produits de beauté. Dorénavant, nous allons explorer de nouvelles possibilités en utilisant le savoir faire que nous avons acquis en tant que fabricant de pellicules », ajoute Nakamura Yoshihisa.

Le directeur de recherches des Laboratoires de recherches sur la santé et les produits pharmaceutiques de Fujifilm résume l’état d’esprit de son entreprise face à la crise et aux changements qu’elle a provoqué dans l’industrie : « Les activités d’une entreprise ont une durée de vie limitée, mais pas la technologie ».

(Texte de Ushijima Bifue)

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