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Les gâteaux aux marrons d’Obuse et le développement de la culture locale

Économie Culture

Hokusai, le célèbre peintre d’estampes, appréciait grandement Obuse, cette commune de la région de Nagano. Une vieille enseigne de confiseries aux marrons y tient à bout de bras la haute réputation de la localité : Obusedô, une maison créée au milieu du XVIIIe siècle par une famille de fabriquant de saké.

La Culture d’Obuse prospère pendant la période d’Edo

Obuse-machi est une commune de 12 000 habitants, située sur le cône alluvial formé au confluant de la Matsu avec la Chikuma, deux rivières de la préfecture de Nagano.

Au début de l’époque d’Edo (1603-1868), la ville était très active grâce au commerce des céréales, de l’huile de colza et du sel. C’est vers le milieu de l’époque d’Edo que le transport fluvial fut développé sur la rivière Chikuma assurant ainsi la prospérité de la ville en tant que centre commercial de la région de Kita-Shinano. Les commerçants aisés, les paysans prospères qui apparurent alors furent à l’origine de l’invitation de personnalités comme Hokusai ou le poète de haïku Kobayashi Issa, ce qui favorisa l’épanouissement d’une culture unique que l’on appelle la « Culture Obuse ».

Vue générale d’Obuse des contreforts du mont Karita. Bois de châtaigniers, vergers de pommiers et de cerisiers s’étendent à l’ouest de la gare. Dans le fond, le mont Iizuna et le mont Kurohime.

Néanmoins, l’ouverture du chemin de fer sur la rive opposée de la Chikuma en 1888 modifia les flux de circulation des personnes et des marchandises et précipita le déclin de la ville. L’économie locale se tourna un temps vers la sériciculture, avant de se centrer sur la culture fruitière, pommes et raisins en particulier.

Obuse souffrit également de l’exode rural de la période de croissance économique à grande vitesse des années 1960. Les jeunes d’Obuse se sont expatriés dans les grandes villes, laissant péricliter une culture qui avait mis des siècles à se construire.

Si vous allez à pied de la gare d’Obuse vers la rivière Chikumagawa, vous découvrirez les étendues boisées de châtaigniers, paysage typique du pays d’Obuse.

Le tournant vint en 1969, quand feu M. Ichimura Ikuo, patron de la maison Obusedô, devint maire d’Obuse-machi. Il s’attacha à promouvoir son commune sur les objectifs de « Diversité, Vitalité et Autonomie ».

Pendant les 10 ans de son mandat de maire, M. Ichimura travailla au développement urbain sur une thématique historique. Il inaugura le musée Hokusai comme lieu d’exposition de nombreuses peintures originales de Hokusai et permit à Obuse de se relever comme destination touristique sur la base de la survivance de sa culture unique.

Les confiseries aux marrons, la spécialité d’Obuse

Les châtaignes sont une spécialité d’Obuse. La tradition en remonterait, selon certains, pendant la période Muromachi au milieu du XIVe siècle.

Dès la gare d’Obuse, l’hiver, les châtaignes sont mises en valeur pour accueillir les visiteurs.

La plus ancienne confiserie à la châtaigne (kuri en japonais) de la région est le kuri-rakugan, un délice fait de farine de marron pressée dans un moule en bois et séché, qui fut inventé par le fondateur de la maison Sakurai-Kanseidô, le plus ancien confiseur de la ville, en 1808. Son apparition marque le début de la tradition des confiseries à la châtaigne d’Obuse.

Le kuri-yôkan (pâte de fruit de châtaigne) fut créé en 1819, puis en 1892 le kuri-kanoko, marrons confits plongés dans une crème de marrons.

Des gâteaux frais aux marrons dans les grands magasins

(à gauche) L’entrée de la brasserie Masuichi. (à droite) Dégustation au comptoir.

À l’origine, on trouvait des commerces de toutes sortes, sel en gros, thés en gros, huileries de colza, brasseries de saké ou pharmacies traditionnelles. La brasserie Masuichi Ichimura, fondée en 1755 était au centre de toutes ces activités. Masuichi se lança dans la fabrication de confiseries aux marrons vers 1900, avant de prendre le nom d’Obusedô en 1923.

Le noren (enseigne en tissu) d’Obusedô aux trois châtaignes détourées de blanc.

La maison produisit également un temps de la sauce de soja et du miso, mais s’est reconcentrée actuellement sur ses deux métiers principaux : le saké et les confiseries aux marrons. Ce sont ces dernières qui représentent l’essentiel de l’activité puisque le chiffre d’affaires du saké ne représente qu’un dixième de celui de la confiserie.

Bocal de kuri-kanoko. Délicieux sur du pain, même si ce n’est pas une façon traditionnelle de le consommer.

Selon M. Ichimura Tsuguo, patron actuel de Masuichi et d’Obusedô et représentant la XVIIe génération de la famille des fondateurs : « La confiserie est devenue graduellement un produit industriel avec la division du travail. Mais nous devons revenir à l’origine de la confiserie, quand la sélection des ingrédients, la fabrication manuelle et la vente était faite directement par les artisans ».

(à gauche) Gâteau frais à la châtaigne d’Obusedô ; (à droite) Grand magasin Shinjuku Isetan.

Son rêve s’est réalisé avec l’ouverture d’un point de vente dans le grand magasin Isetan de Shinjuku. À côté de ses spécialités de confiserie, Obusedô propose à la vente des gâteaux frais (namagashi), rivalisant avec de célèbres maisons de pâtisseries japonaises comme Toraya.

C’est le patronage d’un dandy qui a attiré Hokusai à Obuse

Katsushika Hokusai, mondialement connu pour ses Trente-six vues du mont Fuji a visité Obuse quatre fois entre 1842 et 1848. C’était à la fin de sa vie, il était âgé de 83 à 89 ans. À chaque fois, ce fut à l’invitation de Takai Kôzan (connu également sous le nom d’Ichimura Sankurô, XIIe chef de la famille Ichimura), riche marchand d’Obuse.

Pour Hokusai, Kôzan, qui avait fait des études à Edo et Kyoto dans sa jeunesse, était un « patron ». Kôzan non seulement finançait Hokusai, mais lui procurait un environnement sensible et cultivé, grâce auquel les deux hommes bâtirent une relation de confiance. Hokusai a laissé plusieurs tableaux pendant son séjour à Obuse.

Le « Phœnix scrutateur » (temple Ganshôin). Quand vous levez les yeux au plafond, l’œil de l’oiseau sacré de la Chine ancienne vous voit jusqu’aux tréfonds de votre âme.

Le Happônirami Hôô-zu (« Phœnix scrutateur ») dessiné par Hokusai au plafond de la salle principale du temple Ganshôin un an avant sa mort est un chef-d’œuvre. Les pigments minéraux utilisés ont été importés tout spécialement de Chine. Malgré les 166 ans qui se sont écoulés, les couleurs en sont toujours aussi vives, sans qu’il ait été besoin de le restaurer. 

Kôzan est une personnalité marquante, un représentant de l’époque où la culture d’Obuse était au faîte de sa prospérité. Il pratiquait son métier de commerçant sur la base des valeurs et des connaissances auxquelles il adhérait, conformément à l’enseignement néo-confucianiste de l’école du Yômei-gaku, en particulier par une action dédiée au monde vers l’idéal de sauver le peuple de ses souffrances. Cette vision sociale semble être une tradition séculaire dans la famille Ichimura.

Une activité de « restauration de paysages urbains »

Un point très particulier de la maison Obusedô est son profond investissement en faveur de l’environnement urbain. C’est ainsi qu’Obusedô est engagée dans une activité de « restauration de paysages urbains ».

Comme l’explique M. Kawamukai Masato, professeur de l’Université des Sciences de Tokyo et directeur de l’Institut d’urbanisme d’Obuse, il s’agit de restaurer des quartiers urbains par accumulation de réparations graduelles et partielles des rues et des maisons anciennes, qui bien sûr tient compte de l’histoire de la ville, sans exiger pour autant une reconstitution du paysage historique à l’identique, en faisant plus porter l’attention sur le sentiment des habitants, et la coexistence du présent et du passé ».

(à gauche) Le Musée Hokusai, dédié aux peintures originales de Hokusai. (à droite) La « ruelle de la châtaigne » qui relie le Mémorial Takai Kôzan au Musée Hokusai, très proches l’un de l’autre, est symbolique de cette conception du paysage aménagé.

Pour rectifier un paysage, la solution peut parfois résider dans le fait de faire glisser un bâtiment, de démonter pour reconstruire ailleurs, ou de construire du neuf. L’orientation ou la hauteur d’une maison peut également être modifiée, plusieurs fois même, jusqu’à ce que l’harmonie du paysage soit trouvée. Ce qui est essentiellement différent d’une reproduction totale visant à conserver tel quel le paysage historique d’une ville ou d’un quartier.

Ichimura Tsuguo, président d’Obusedô

Lorsque vous entrez dans la ville d’Obuse en voiture, le paysage change, soudain les enseignes lumineuses géantes si répandues dans tant de villes japonaises ont disparues. Le cœur de la ville aussi bien que les vergers alentours sont parfaitement entretenus, et c’est beau. 1,2 million de touristes visitent la ville, peut-être attirés par cet espace agréable créé par la restauration du paysage urbain.

Depuis 1984, Obusedô a créé une division culturelle au sein de l’entreprise, qui organise des expositions, des concerts et des conférences internationales sur Hokusai. Un effort significatif est mis sur la revitalisation de la culture locale, par exemple par l’hébergement du Marathon d’Obuse depuis 2003.

Ichimura Tsuguo déclare à ce propos : « Les services sociaux de la région ont été développés par les entreprises japonaises selon un système traditionnel. Je pense que le secteur privé à un autre rôle à jouer que celui de l’administration centrale ».

Informations sur l’entreprise
Nom de la société : Obusedô Co., Ltd.
Addresse : 808 Obuse-machi, Kamitakai-gun, Nagano-ken 381-0293
Représentant : Ichimura Tsuguo, président
Activité : Fabrication et vente de sucreries japonaises, restauration, hôtellerie
Capitalisation : 20 millions de yens
Effectifs : 100
Site internet (japonais)

(Texte et reportage de Nagasawa Takaaki)

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