Ce qui se passe au Japon

Le club égyptien Al Ahly, Champion d’Afrique de football, fait passer un émouvant message

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Le club de football cairote Al Ahly, qui s’enorgueillit de ses cent ans d’histoire, a fait le déplacement au Japon pour participer à la Coupe du Monde des clubs FIFA 2012 en tant que vainqueur de la Ligue des champions de la Confédération Africaine de Football. C’était déjà la quatrième fois qu’Al Ahly participait à la Coupe du Monde des clubs de la FIFA, mais leur participation cette année a revêtu pour le club égyptien un sens particulier. Qu’est-ce qui a décuplé leur ardeur ?

La Coupe du Monde des clubs de la FIFA s’est déroulée plusieurs années de suite au Japon. Formée à partir d’une extension de la Coupe Toyota qui se déroulait depuis 1981, cette compétition est devenue à partir de 2005 une Coupe du Monde des clubs pour laquelle s’affrontent les clubs vainqueurs des six confédérations continentales.

L’édition 2012 s’est déroulée du 6 au 16 décembre 2012 au stade de Toyota, dans la préfecture de Aichi et au International Stadium de Yokohama, dans la préfecture de Kanagawa.

Le match d’ouverture opposait l’équipe Al Ahly du Caire (Égypte), vainqueur de la Ligue des Champions de la CAF, aux champions du pays hôte, à savoir les Sanfrecce Hiroshima. Al Ahly mit en place un marquage très précis des avants grâce à une étude minutieuse du football offensif des Sanfrecce pendant leur saison de J-Leage 2012 et cette stratégie leur a permis de remporter le match 2 à 1.

Al Ahly « Le National »

Le lendemain du match, l’entraîneur égyptien Hossam Al Badry pouvait être fier. Comme il le déclara : « se battre avec la victoire pour unique objectif, c’est cela le football d’Al Ahly ».

Hossam Al Badry, entraîneur d’Al Ahly, né au Caire en 1960. Lui-même ancien joueur du club comme milieu de terrain, et ancien international pour l’équipe nationale d’Égypte. Entraîneur adjoint du club cairote à partir de 2006 auprès de Manuel Jose, il devient entraîneur titulaire en 2012.

Le club a été fondé en 1907 et s’enorgueillit de son histoire plus que centenaire. C’est à ce jour le seul club africain à avoir remporté 7 fois la coupe de la Ligue des Champions d’Afrique (CAF). C’est aussi le club égyptien le plus titré puis qu’il a remporté 38 fois le championnat de première division de son pays. Il a été élu meilleur club africain du XXe siècle.

Le club a environ 60 millions de supporters en Afrique et au Moyen-Orient. Son nom signifie « Le National », et il est tellement célèbre dans toute cette partie du monde que pour ses supporters, son nom ne se rapporte pas seulement à un grand club égyptien mais au digne représentant de toute l’Afrique et du monde arabe.

C’était en 2012 sa quatrième participation à la Coupe du Monde des clubs de la FIFA. Mais cette année, le chemin fut plus tourmenté que d’habitude.

En hommage au souvenir des « 72 supporters martyrs »

« Gagner était un engagement, une promesse que nous nous devions de tenir » a insisté l’entraîneur Al Badry.

En février 2012, dans la ville égyptienne de Port-Saïd, après la fin d’un match ou Al Ahly était en déplacement, des supporters ont déferlé des tribunes et ont déclenché de terribles violences, faisant au total 72 morts. L’affaire était si grave que le championnat national fut interrompu pendant près d’un an. Plusieurs joueurs ont envisagé de prendre leur retraite à ce moment. Néanmoins, malgré cette tragédie, Al Ahly a tenu à rester dans la course pour le titre de Champion d’Afrique, étape indispensable pour obtenir son billet pour la Coupe du Monde des clubs.

Pour M. Khaled Murtagi, la situation interne en Égypte était difficile, et le club a connu des problèmes de gestion.

L’un des gestionnaires du club, M. Khaled Murtagi se souvient de cette époque dramatique :

« L’interruption du championnat national a entraîné une coupure totale des revenus du club. Nous avons donc négocié avec nos sponsors : nous serons Champion d’Afrique, nous en faisons le serment. Maintenez le club en vie ! Nous avons réussi à sauver l’essentiel, même si les joueurs n’étaient plus payés. Mais tous aiment tellement leur équipe qu’ils ont montré leur détermination à rester dans l’équipe et à jouer. Je pense que les joueurs ont très bien compris dans quelle situation se trouvait le club. »

Malgré l’énorme handicap qu’a représenté la suspension de la compétition nationale, de nombreux joueurs d’Al Ahly restent sélectionnés dans l’équipe nationale égyptienne pour représenter leur pays dans les compétitions internationales. Ils ont profité de ces occasions, y compris les matchs de l’équipe d’Égypte et les matchs amicaux contre des clubs étrangers, pour se maintenir à niveau et entretenir leur motivation. C’est grâce à cette détermination qu’Al Ahly a réussi l’incroyable prouesse de devenir Champion d’Afrique 2012 en battant en finale son éternel rival et tenant du titre, l’Espérance de Tunis (Tunisie).

Les joueurs d’Al Ahly ont joué leurs matches de la Coupe du Monde des clubs de la FIFA avec un brassard de deuil au bras. Les victimes du drame de Port-Saïd étaient ainsi avec eux par la pensée sur le terrain.

Après leur victoire sur Sanfrecce Hiroshima, Al Ahly s’est incliné 0-1 devant les Corinthians de Sao Paulo (Brésil), champion d’Amérique du Sud, puis 0-2 contre Monterrey (Mexique), le champion d’Amérique centrale, terminant finalement à la quatrième place du tournoi. L’équipe a néanmoins impressionné par sa détermination à jouer jusqu’à la dernière minute, son courage à chercher le but par tous les moyens, à la limite de leurs capacités physiques.

L’équipe la mieux organisée du continent Africain

« Mon impression est que Sanfrecce Hiroshima et l’équipe nationale du Japon sont plus rapides que l’équipe égyptienne. Avant cette Coupe, nous avons étudié en détail les matchs japonais, et nous avons également assisté au match des Sanfrecce contre Oakland City » (Abdel Hafeez, entraîneur adjoint).

Al Ahly a établi une position inébranlable dans le Moyen-Orient et Afrique. Voici comment l’entraîneur adjoint de l’équipe, Sayed Abdel Hafeez analyse la force de l’équipe :

« Je crois que le système et la solidité de l’organisation sont les éléments les plus importants. Quand l’organisation est ferme, la combativité des joueurs est plus forte. De ce point de vue, Al Ahly est l’équipe la mieux organisée d’Afrique, nous sommes sur un pied d’égalité avec les clubs européens. Nous avons un contrôle très strict de la condition physique et diététique des joueurs. Tout comme l’Espérance de Tunis, qui a représenté le continent africain lors de la précédente Coupe du Monde de clubs (2011).

La majorité des joueurs titulaires d’Al Ahly sont régulièrement sélectionnés dans l’équipe d’Égypte, et plusieurs d’entre eux ont joué sous contrat dans des clubs des ligues européennes. C’est en particulier le cas du capitaine Hossam El Sayed Ghaly, qui a joué dans le championnat néerlandais puis en Premier League en Angleterre, avant de revenir au Caire en 2010.

Concernant sa relation avec les joueurs, l’entraîneur Al Badry a déclaré : « Je suis très près des joueurs depuis bientôt 10 ans, nous avons une relation intime et chaleureuse. Une relation de travail, bien entendu, mais nous avons construit une amitié, ou peut-être même nous sommes comme des frères. »

L’esprit d’entraide, qualité commune entre l’Égypte et le Japon

Mohamed Aboutrika est né à Gizeh en 1978. Il a été capitaine de l’équipe olympique d’Égypte à Londres en 2012 en tant que l’un des trois joueurs de plus de 23 ans autorisés par équipe. Il était présent lors des quatre participations d’Al Ahly à une Coupe du Monde des clubs de la FIFA, et a été sacré meilleur butteur du tournoi en 2006.

L’équipe Al Ahly du Caire a effectué plusieurs visites au Japon. Les joueurs n’ont-ils pas ressenti quelque incommodité lors de leurs séjours au Japon, du fait de la différence de culture et d’environnement ?

« Chaque fois que je viens au Japon, je me sens comme si j’avais voyagé dans le futur. Les Japonais sont travailleurs, le système et les organisations sont efficaces. Ils sont polis, on peut dire que c’est l’idéal. J’ai aussi été très ému de voir que les supporters de Sanfrecce Hiroshima ont remercié leur équipe même après leur défaite contre nous. J’aimerais que cet esprit sportif se développe au Moyen-Orient et en Afrique », déclare l’entraîneur Al Badry.

« Je me sens bien au Japon, il n’y a aucun problème, continue l’entraîneur adjoint Abdel Hafeez. Au moindre souci, les officiels du tournoi font tout leur possible pour aider à le régler. Je ne sens presque pas la barrière de la langue. Cet esprit de ne pas laisser les gens dans la difficulté existe aussi chez les Égyptiens. C’est certainement le point commun qui rapproche le plus le Japon et l’Égypte, à mon avis. »

Nous avons également demandé à l’entraîneur Al Badry son impression du football japonais.

« Le football japonais s’est énormément développé. Quand j’observe le football que jouent actuellement les Japonais ou les Coréens, je me dis que le football asiatique rattrapera bientôt le football européen. »

Le joueur japonais le plus célèbre

L’entraîneur Al Badry, qui ne connaissait pas Captain Tsubasa, se le fait présenter par de jeunes reporters arabes enthousiastes de la « génération Tsubasa ».

Mohamed Aboutrika, surnommé « le Zidane égyptien », confirme le très rapide développement du football japonais ces dernières années. Mais quel est le footballeur japonais le plus célèbre parmi les joueurs égyptiens ? Nagatomo ? Kagawa ? Aucun de ces deux-là. C’est Ôzora Tsubasa, le héros du dessin animé Captain Tsubasa (Olive et Tom), plus connu dans le monde arabe sous le nom de « Captain Majid ». Plusieurs jours professionnels ont été inspirés dans leur enfance par Captain Tsubasa !

« Moi, j’aimais beaucoup Captain Majid et Bassam (Hyûga Kojirô), ajoute Abdel Hafeez. De nombreux joueurs d’Al Ahly ont grandi avec eux. Ceci dit, concernant Bassam, le rival de Tsubasa, son caractère têtu et sévère lui poserait quelques difficultés s’il voulait jouer en Égypte. Je ne suis pas sûr qu’il trouverait sa place à Al Ahly (rires) ».

La star de l’équipe, Aboutrika, est lui aussi un grand fan de Captain Tsubasa. « Je regardais régulièrement le dessin animé à la télé quand j’étais gosse. Mais sa technique est très difficile à copier (rires) ».

Jouer pour son pays

Les sympathiques sourires des joueurs d’Al Ahly ont impressionné tout le monde au cours de l’interview. Ils montrent alors un visage bien différent de celui qu’ils ont sur la pelouse. C’est au contraire leur pugnacité, leur courage à se lancer vers le but qui marquait les spectateurs.

« En tant que club représentant le continent africain et l’Égypte dans cette Coupe du Monde des clubs, nous souhaitons faire mieux connaître le football égyptien. Nous voulons montrer avec fierté le football africain à son plus haut niveau, et nous y mettons tout notre cœur. Notre plus grand souhait est de faire plaisir à nos fans en Égypte, dont la situation est encore très difficile ».

Nul doute que ces pensées d’Aboutrika sont partagées par tous les joueurs et tout le staff du club.

L’entraîneur Al Badry (à droite) et Aboutrika (à gauche) ont accepté de bon cœur notre demande d’autographe.

« C’est toujours un honneur de venir au Japon. Tous mes vœux de prospérité et de bonheur pour le Japon » (entraîneur Al Badry, à droite). « Tous mes vœux de bonheur pour le peuple japonais » (Aboutrika, à gauche).

Remerciements à : Al Ahly Sports Club, Ambassade d’Égypte (section Presse et Médias)

(Photo bannière : Getty Images)

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