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Rebaptiser le PDJ : du vieux vin dans une nouvelle bouteille ?

Politique

Le 27 mars, le Parti démocrate du Japon (PDJ) – jadis la première formation de l’opposition – a fusionné avec le plus petit Parti japonais de l’innovation (PJI), dans l’espoir d’unifier une opposition très divisée à l’approche des élections de l’été à la Chambre des conseillers.

Le Parti démocrate du Japon et le Parti japonais de l’innovation, qui souhaitaient améliorer leurs performances électorales, ont fusionné le 27 mars. Le fruit de cette union, forte de 150 politiciens dans les deux chambres de la Diète, a été baptisé Minshintô en japonais et Democratic Party (Parti démocrate) en anglais. Mais l’attribution d’un nouveau nom et l’adhésion d’une poignée de nouveaux politiciens suffisent-elles à effacer les stigmates des échecs passés du PDJ ?

À l’approche des élections de cet été à la Chambres des conseillers (alors que circulent en outre des rumeurs d’élection surprise à la Chambre des représentants), les forces très divisées de l’opposition japonaise, menées par le Parti démocrate du Japon, ont récemment fait un pas vers l’unification dans l’espoir de mettre un coup d’arrêt à la poussée irrésistible du Parti libéral-démocrate (PLD). Depuis le 27 mars, la principale force de l’opposition au Japon est le Nouveau parti démocrate (Minshintô), né de la fusion du Parti démocrate du Japon et du Parti japonais de l’innovation.

Une opposition en perpétuelle reconfiguration

Après avoir pris le pouvoir en 2009, et évincé le PLD qui était depuis longtemps aux commandes, le Parti démocrate du Japon s’est progressivement autodétruit, ouvrant ainsi la voie à un retour de son rival. À la veille de l’écrasante défaite subie par le PDJ lors des élections générales de décembre 2012, les membres déçus du parti ont commencé à abandonner le navire. Un groupe, mené par Matsuno Yorihisa, a rejoint le Parti de la restauration de Hashimoto Tôru, une formation pleine de promesses considérée par beaucoup comme une alternative viable et dynamique au PDJ et au PLD, bref une « troisième force » sur la scène politique japonaise.

Mais l’opposition centriste et conservatrice a fait obstacle à l’unification. Les changements de configuration se sont succédés pendant les trois années suivantes sans qu’une opposition crédible parvienne à émerger. Les deux dernières années ont vu la dissolution de Votre parti et la fracture du PJI, une émanation du Parti de la restauration de M. Hashimoto. Le PJI a perdu une grande partie de sa raison d’être l’an dernier, quand le clan Osaka, loyal à M. Hashimoto, l’a quitté.

Le PDJ et le PJI sont entrés en pourparlers en vue d’une fusion en août 2015, mais les négociations ont été interrompues quand une lutte fratricide a éclaté dans les rangs du PJI. Elles ont repris en octobre, après le départ du clan Osaka, et les deux formations ont convenu en décembre de constituer un bloc électoral unifié à la Chambre des représentants. En février 2016, les dirigeants Okada Katsuya (PDJ) et Matsuno Yorihisa (PJI) ont signé un protocole où ils affirmaient leur « intention de mettre sur pied un nouveau parti avant la fin du mois de mars ». Pour le moment, c’est M. Okada qui doit prendre la barre en tant que représentant. Un scrutin formel au sein du parti aura lieu après l’élection de cet été à la Cambre des représentants.

Un fourre-tout idéologique

La plateforme du parti unifié publiée par les dirigeants du PDJ et du PJI avant la fusion laisse à penser que le nouveau parti de l’opposition va mettre au premier plan la politique de défense et les questions liées à la Constitution, dans l’espoir de tirer parti de la rancœur que les lois sur la sécurité passées en force à la Diète l’an dernier ont laissé dans la population. (Ces textes, soutenus par le Premier ministre Abe Shinzô, ont suscité l’opposition d’une grande partie de la population.) Les signataires de la plateforme s’engagent à « défendre résolument la cause de la Constitution, qui est le fondement de la liberté et de la démocratie » et à maintenir une « posture militaire exclusivement défensive », tout en s’en tenant à une attitude « réaliste » dans leur politique étrangère.

Sur le front intérieur, la plateforme s’évertue à concilier les fondamentaux des lignes politiques des deux partis. Elle reprend à son compte la volonté affichée par le PDJ d’améliorer les conditions de vie des classes moyennes et des familles pauvres et de créer « une société où règne la diversité et où personne n’est marginalisé ». Elle se fait l’écho de l’attachement du PJI « à la réforme de l’administration, à la réforme politique et à la décentralisation du pouvoir politique. »

En ce qui concerne la politique énergétique, la plateforme se donne pour objectif de mettre fin à la dépendance au nucléaire. Quant à sa politique économique, c’est à l’évidence un fourre-tout où l’on retrouve pêle-mêle la déréglementation et le moins de gouvernement prônés par le PJI, aux côtés de l’engagement du PDJ à réduire les inégalités de revenus.

Malgré l’attachement affiché au respect de la Constitution et au maintien d’une attitude strictement défensive, la plateforme s’engage à « élaborer un projet de Constitution orientée vers l’avenir et adaptée à des tendances telles que l’expansion des droits de l’homme et la réforme de la souveraineté régionale ».

La force des groupes politiques à la Diète nationale

Chambre des représentants sièges Chambre des conseillers sièges
Parti libéral-démocrate 290 Parti libéral-démocrate 116
Kômeitô 35 Komeitô 20
Parti démocrate (Minshintô) 96 Parti démocrate (Minshintô), Indépendants 64
Parti communiste japonais 21 Parti communiste japonais 11
Initiatives d’Osaka 14 Initiatives d’Osaka 7
Parti de la vie du peuple, Tarô Yamamoto et compagnie 2 Assemblée pour dynamiser le Japon et les Indépendants 4
Parti social démocrate 2 Parti pour le kokoro japonais 4
Indépendants 13 Parti social démocrate 3
Parti de la vie du peuple, Tarô Yamamoto et compagnie 3
Club des indépendants 2
Nouveau Parti de la réforme et Groupe des indépendants 2
Indépendants 6
Sièges vacants 2 Sièges vacants 0
Total 475 Total 242

Données à la date du 27 mars 2016

Que recouvre un nom ?

Mais il s’est avéré que la plus grosse pierre d’achoppement à la fusion résidait dans le choix du nom à donner au nouveau parti. La préférence de la direction du PDJ allait à Rikken Minshutô (Parti démocratique constitutionnel) et celle du PJI à Minshintô, qui associe le min [民] de minshu [民主] (démocrate) à shin [進], qui signifie progrès (et rappelle le shin [新] de Ishin no tô [維新の党]). Dans un sondage d’opinion mené par les deux partis, la majorité des personnes interrogées se sont prononcées en faveur de Minshintô, et le PDJ a été obligé de céder. Mais il s’est arrangé pour avoir le dernier mot dans l’appellation retenue en anglais – Parti démocrate.

À la veille de la fusion, le PJI comptait 21 membres à la Chambre basse, dont près de la moitié avait préalablement appartenu au PDJ. Les espoirs suscités par la « troisième force » de M. Hashimoto étant en lambeaux, le rafistolage des différences et le retour au navire-mère sont peut-être apparus comme la seule option envisageable.

Vue sous ce jour, les électeurs risquent d’interpréter la fusion comme un expédient visant à redorer le blason d’un PDJ tombé dans la disgrâce plutôt que comme un pas appréciable vers une reconfiguration et la création d’une alternative politique conséquente. Il reste à savoir si l’attribution d’un nouveau nom et l’adhésion d’une poignée de nouveaux politiciens suffiront à surmonter les problèmes d’image auxquels le PDJ se trouve confronté.

(Photo de titre : Okada Katsuya et d’autres membres du Minshintô lors du lancement du nouveau parti à Tokyo le 27 mars 2016. Jiji Press)
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