Le futsal japonais à l’assaut du monde !

Culture Sport

La sélection nationale de futsal du Japon, qui a remporté deux fois de suite le championnat d’Asie, en 2012 et 2014, est à son plus haut niveau. Rencontre avec l’entraîneur espagnol Miguel Rodrigo, qui a fait grandir cette équipe.

Miguel Rodrigo Miguel RODRIGO

Né en 1970 à Valence en Espagne. Débute sa carrière d’entraîneur en 2000 avec l’équipe italienne A.S. Petrarca Futsal Padova. A également entraîné le MFK Dynamo Moscou en première division russe et le Luparense en Série A italienne. A partir de 2004, entraîneur de l’équipe espagnole de première division Caja Segovia. Elu meilleur entraîneur de la saison 2006-2007 par l’ANEFS. Vice-champion de la Supercoupe d’Espagne pour la saison 2008-2009. Entraîneur de l’équipe nationale japonaise depuis 2009, avec deux victoires consécutives en championnat d’Asie de futsal en 2012 et 2014.

Le mondial de football se déroule actuellement au Brésil, mais le futsal aussi a sa propre coupe du monde, depuis 1989, organisée tous les quatre ans à partir de la deuxième édition en 1992. L’équipe nationale du Japon y participe depuis sa création mais, sur six éditions, elle a échoué trois fois en phase de qualifications en Asie. Lors de la dernière coupe du monde, en 2012, elle s’est enfin hissée en huitièmes de finale.

Mais en Asie, la sélection nationale japonaise commence à se faire une place de choix. Depuis 2002, le Japon a été finaliste quatre fois de suite en championnat d’Asie, mais toujours défait par l’Iran. En 2006, la sélection japonaise prend enfin le dessus sur l’Iran en demi-finales et enregistre sa première victoire en faisant plier l’Ouzbékistan, pays organisateur. Depuis 2008, le championnat a lieu tous les deux ans et, en 2012, le Japon renoue avec la victoire à Dubaï. La 13e édition du championnat d’Asie de futsal, organisée du 30 avril au 10 mai 2014 à Hô-Chi-Minh-Ville au Vietnam, a vu pour la deuxième fois consécutive le sacre du Japon, qui a dominé l’Iran aux tirs au but.

Victoire historique pour le futsal japonais

—— Félicitations pour votre victoire au championnat d’Asie. Depuis quelques années, la sélection japonaise fait des merveilles.

MIGUEL RODRIGO  On peut parler d’une victoire historique. Le Japon, en 2012, après avoir remporté le championnat d’Asie au mois de juin, s’est qualifié pour la première fois de son histoire pour les huitièmes de finale de la coupe du monde, en novembre. Pourtant, l’équipe était dans un groupe extrêmement délicat, avec le Brésil, le Portugal et la Libye, championne d’Afrique. Et en 2014, le Japon a su conserver son titre. Lorsque j’ai signé comme entraîneur avec la Fédération japonaise de football en 2009, le président m’a demandé de pérenniser l’intérêt pour le futsal dans l’Archipel. J’y suis arrivé, et j’en suis ravi.

Miguel Rodrigo en conférence de presse à l’occasion de sa nomination au poste d’entraîneur de l’équipe nationale japonaise de futsal, en 2009. A gauche, Daini Kuniya, alors vice-président de la Fédération japonaise de football.

—— Dans quelle mesure l’intérêt pour le futsal a-t-il progressé au Japon ?

RODRIGO  Grâce à un succès croissant, il existe aujourd’hui une large palette de pratiquants de tous âges et des deux sexes. L’attrait de ce jeu est qu’il est ouvert à tous. Les joueurs et joueuses célibataires apprécient aussi les rencontres qu’ils peuvent faire par ce biais !

L’équipe japonaise de futsal, une vitrine

—— Parmi les joueurs de la sélection nationale, on peut noter la présence du joueur d’origine péruvienne Morioka Kaoru.

RODRIGO   C’est le meilleur buteur de la ligue, et aussi l’un des meilleurs joueurs du Japon. Mais il a traversé une période extrêmement difficile. A un moment, sa naturalisation a failli lui être refusée. Mais au bout du compte, il a réussi à l’obtenir avant le championnat d’Asie de 2012. Le dernier championnat a été le plus éprouvant, honnêtement, je m’étais résigné à une défaite en quarts de finale face à la Thaïlande. Mais lors de ce match crucial, Morioka a réussi à marquer le but décisif, malgré une blessure au genou. »

—— Sekiguchi Yûshi a été le héros du championnat de 2014 ; quels sont ses atouts ?

RODRIGO   Il a un physique avantageux, tout le monde le reconnaît. Le héros de l’équipe japonaise est un beau gosse, et ça, c’est un point fort ! Cela me rappelle une remarque du président de la Fédération de football : « Aucun enfant japonais n’a envie de devenir gardien de but, pour que cela change, il nous faut un gardien de but cool et efficace. »  De la même façon, le futsal aussi a besoin d’une image plus attirante, et je crois que Sekiguchi nous la fournit. Il était sélectionné pour la première fois, mais il a bloqué trois tirs au but en finale, ce qui a fait de lui un véritable héros. La décision de lui confier la cage pour le dernier match n’était pas facile à prendre, mais c’était la bonne. 

Japon et Europe : une différence de vitesse

—— Lorsque vous avez été invité à entraîner l’équipe japonaise, avez-vous immédiatement accepté ?

RODRIGO    Non, au début, j’ai hésité. Je ne connaissais pratiquement pas le Japon et j’adorais Ségovie, où était basée l’équipe que j’entraînais depuis 5 ans. Mais le club a connu un certain nombre de problèmes, et l’économie espagnole a commencé à décliner. Précisément à cette époque, la Caja Segovia a accueilli un joueur japonais (Takahashi Kensuke) et l’équipe a eu l’occasion d’aller au Japon. J’ai alors vu le Japon et la Fédération japonaise de football de mes propres yeux, et j’ai décidé de dire oui.

—— Quelle différence percevez-vous entre le futsal japonais et le futsal européen ?

RODRIGO    La vitesse. Les joueurs japonais sont très rapides, et les parties dynamiques. Mais la prise de décision, elle, est lente. A l’entraînement, j’ai toujours une longueur d’avance sur les joueurs. En ce sens, quand j’ai commencé à entraîner l’équipe, il y avait de nombreuses questions techniques et tactiques à résoudre. Pour être franc, mon impression était que le futsal au Japon était encore dans ses langes. En cinq ans, j’ai vu mes joueurs.

Rajeunissement de l’équipe et réformes

—— Vous a-t-il été difficile de vous habituer au Japon ?

RODRIGO     Au début, j’étais perdu, tout était si différent de l’Espagne. Par exemple, au supermarché, les produits m’étaient inconnus, j’achetais souvent au hasard. Dans mon travail, j’ai découvert le fonctionnement de la Fédération et les relations hiérarchiques propres au Japon. En Espagne, lorsque je voulais quelque chose, il me suffisait d’en parler au directeur sportif, mais ici, aucune décision n’est prise sans suivre un cheminement préétabli. Cela prend beaucoup de temps, mais j’ai dû m’y faire. En revanche, avec l’équipe, j’ai procédé comme en Espagne, en m’adressant aux joueurs avec franchise et sans détour.

—— Quels défis avez-vous eu à relever à votre arrivée ? Quels changements étaient nécessaires ?

Miura Kazuyoshi, surnommé « King Kazu », légende du football japonais, a intégré l’équipe nationale de futsal à 45 ans, une nouvelle qui a fait sensation (2012, Jiji Press)

RODRIGO     Lorsque je suis arrivé, l’équipe comprenait un grand nombre de vétérans et il m’a fallu prendre des décisions radicales, effectuer une refonte complète du groupe. Pour les joueurs, c’était une mauvaise nouvelle. De plus, la philosophie de l’entraîneur précédent était totalement différente de la mienne. J’ai aussi fait évoluer l’entraînement. Ma façon de procéder, c’est de faire réfléchir les joueurs. Ils tentaient de trouver une réponse unique quel que soit le cas de figure, mais c’est impossible. Chaque situation est différente en fonction du score, de l’heure, de la fatigue et du rythme de la rencontre. Faire évoluer leur façon de voir les choses m’a demandé beaucoup de travail.

—— Certaines décisions ont sans doute engendré des frictions avec la Fédération.

RODRIGO     Pour commencer, il a été nécessaire de rencontrer à plusieurs reprises les joueurs qui seraient éliminés de l’équipe. Voici ce que je leur ai dit : « Votre contribution a été immense, mais il n’y a pas de place pour vous dans la sélection nationale qui est la mienne. » Mais, en même temps, je leur ai aussi demandé de rester à mes côtés, car j’aurais sans doute besoin de leurs conseils. Ils font partie de la légende du futsal japonais, je leur devais des explications claires. Je pense qu’ils m’en ont été reconnaissants au bout du compte. Au début, nous avons connu de grandes difficultés, nous avons par exemple perdu 0 à 7 face à l’Iran. Mais après, la progression a été très rapide. Ma reconnaissance va à la Fédération, qui a su me faire confiance. »

—— Une dernière question : à l’avenir, souhaitez-vous entraîner la sélection nationale espagnole ?

RODRIGO     Si une telle offre devait m’être faite, j’espère qu’elle interviendra une fois que j’aurais passé suffisamment de temps au Japon. Parce qu’aujourd’hui, je me sens ici comme chez moi. Je ne suis pas simplement employé par la Fédération de football, je fais partie de la famille. Mon action est entièrement tournée vers la Fédération. Je me souviens de l’accident nucléaire de Fukushima, lorsque de nombreux étrangers ont quitté le Japon. A ce moment-là, j’ai discuté avec le président de la Fédération, auquel j’ai annoncé que je resterais s’il le souhaitait. Il m’a répondu, si vous voulez rester, votre maison est ici. Et puis, la préfecture d’Aichi a posé sa candidature pour accueillir la coupe du monde de futsal en 2020. Mon objectif est de participer à la coupe du monde au Japon, et d’aller au moins en quarts de finale.

 (Propos recueillis en espagnol en juin 2014. Photographie de Yamada Shinji )

Performances de l’équipe du Japon aux tournois principaux

Coupe du monde de futsal de la FIFA

AnnéeLieuRésultat
1989 Pays-Bas Tour préliminaire
1992 Hong Kong Non qualifiée
1996 Espagne Non qualifiée
2000 Guatemala Non qualifiée
2004 Taïwan Tour préliminaire
2008 Brésil Tour préliminaire
2012 Thaïlande Huitième de finale

 

Championnat d'Asie de futsal

AnnéeLieuRésultat
1999 Malaisie 4e place
2000 Thaïlande 4e place
2001 Iran 4e place
2002 Indonésie Finaliste
2003 Iran Finaliste
2004 Macao Finaliste
2005 Viêt Nam Finaliste
2006 Ouzbékistan Vainqueur
2007 Japon Finaliste
2008 Thaïlande 3e place
2010 Ouzbékistan 3e place
2012 Émirats arabes unis Vainqueur
2014 Viêt Nam Vainqueur

Football Espagne étranger sport Coupe du Monde Brésil joueur équipe