Les fruits japonais : le goût de la perfection

Les pêches les plus sucrées du monde sont cultivées au Japon !

Culture

La pêche est un fruit juteux, charnu, sucré et très apprécié. D’après le Livre Guinness des records, la variété qui a le taux de sucre le plus élevé du monde est cultivée dans la préfecture de Fukushima, au nord-est du Japon. Pour en savoir davantage, nous avons rendu visite à Furuyama Kôji, un de ces jeunes producteurs de la région qui sont en train de changer le visage de l’agriculture japonaise.

Un record absolu de teneur en sucre

En 2016, les Vergers Furuyama (Furuyama Kajuen) ont eu l’agréable surprise de constater que la teneur en sucre de leurs pêches de la variété Akatsuki Neo avait atteint 32 degrés sur l’échelle de Brix, un résultat sans précédent. Ce chiffre se situe en général entre 11 et 14 degrés Brix (°Bx), le record enregistré par le Guinness Book étant de 22°Bx. Furuyama Kôji, le propriétaire de l’exploitation, dit qu’il envisage de postuler pour le record mondial en 2017. Le secret de la réussite de ce Japonais de 40 ans s’explique à la fois par un effort continu d’amélioration des sols depuis 10 ans, et par les résultats d’un projet expérimental d’amendement des terres lancé il y a trois ans par l’Association pour les recherches sur l’agriculture naturelle de la préfecture de Miyagi.

De belles pêches de la variété Tôkô en train de mûrir sur l’arbre. © Kodera Kei

L’exploitation fruiticole de Furuyama Kôji se trouve au centre de la préfecture de Fukushima, et on y cultive 16 variétés de pêches différentes. En principe, on cueille ce type de fruits relativement fragiles quand ils atteignent leur pleine maturité. Mais beaucoup de fruiticulteurs préfèrent les récolter un peu avant et les laisser finir de mûrir durant leur transport pour éviter qu’ils ne se gâtent ou qu’ils soient abimés par les insectes et le vent. Cette pratique a l’inconvénient de faire perdre aux pêches une partie de leur saveur et de leur fraîcheur.

Lors de notre visite aux Vergers Furuyama, en août 2016, quatre variétés de pêches – Akatsuki Neo, Kawanakajima Hakutô, Tôkô et Ôgontô – étaient en train de mûrir. Cette exploitation a la particularité de laisser les fruits atteindre leur pleine maturité sur l’arbre. « Une pêche doit être dégustée le lendemain du jour de sa cueillette », affirme Furuyama Kôji. Il explique avec une certaine fierté qu’il connaît par cœur les caractéristiques de chacun de ses 230 pêchers. « La maturation sur l’arbre est possible parce que nous sommes une entreprise de petite taille. C’est le fin du fin en matière de culture des pêches.

Laisser mûrir les pêches avec soin et amour

Les Vergers Furuyama cultivent aussi des pommiers et de ce fait, ils ne commencent à s’occuper de leurs pêchers qu’au mois de janvier, à la fin de la récolte des pommes. La taille des 230 pêchers de l’exploitation a lieu entre janvier et mars. Pour obtenir des pêches de toute première qualité, il est préférable de faire preuve de patience. D’après un ancien dicton japonais, il faut attendre trois ans avant qu’un arbre donne des pêches, mais à en croire Furuyama Kôji, le délai pour obtenir des pêches est d’au moins cinq ans, et on doit patienter dix ans de plus avant de pouvoir expédier celles-ci en toute sécurité.

En avril, on procède à un éclaircissage des bourgeons floraux, en réduisant leur nombre de moitié. À l’issue de cette opération, il ne reste que 1 500 bourgeons par arbre. Ensuite au mois de mai, on effectue une pollinisation croisée à la main après quoi, il n’y a plus qu’à attendre que les fruits se forment et mûrissent.

Quand vient le moment de la récolte, on vérifie visuellement et manuellement le degré de maturité des pêches, une par une, et on cueille uniquement les plus beaux spécimens. Chaque arbre donne environ 500 pêches par an et il faut une dizaine de jours pour récolter les fruits de chaque variété. Furuyama Kôji est convaincu que l’efficacité joue un rôle essentiel dans la saveur incomparable de ses pêches mais il croit aussi que le secret de ses fruits réside dans le temps et les soins qu’il leur accorde.

Un ingénieur reconverti dans la culture des fruits

Les Vergers Furuyama ont été créés en 1883. Furuyama Kôji, le propriétaire actuel des lieux, est l’héritier à la cinquième génération du fondateur de l’exploitation. À la fin de ses études universitaires, il est entré en tant qu’ingénieur de production chez un grand fabricant d’appareils électroménagers de la région où il est resté durant 14 ans. En travaillant dans un secteur où l’efficacité et les résultats avaient une importance primordiale, il a acquis la conviction que ce système pouvait s’appliquer à une entreprise agricole.

En juillet 2010, Furuyama Kôji a décidé de quitter son emploi d’ingénieur pour se reconvertir dans l’agriculture et se consacrer entièrement aux vergers familiaux en utilisant de nouvelles méthodes. Mais dès le mois de mars 2011, il a dû faire face à la crise majeure provoquée par l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi. Les commandes de fruits de haute qualité pour les cadeaux ont baissé de 60 % et les expéditions se sont avérées impossibles jusqu’à ce que l’entreprise se dote d’un compteur Geiger permettant de mesurer le taux de radioactivité de la production. Pendant la première année qui a suivi la catastrophe de Fukushima Daiichi, les pêches des Vergers Furuyama ont affiché un taux de radioactivité de moins de 100 becquerels pour 700 grammes, nettement inférieur à la limite légale. Et l’année suivante, les appareils de mesure n’ont plus détecté aucune substance radioactive. Furuyama Kôji a dès lors diffusé ces résultats sur Internet et commencé à vendre ses fruits directement en ligne.

Cool Agli : un groupe de jeunes agriculteurs dynamiques

Furuyama Kôji fait partie d’une nouvelle génération d’agriculteurs dynamiques de la région de Fukushima qui s’entraident et se stimulent les uns les autres en mettant en œuvre des méthodes innovantes de culture et de vente. Le 11 mars 2015, quatre ans jour pour jour après l’accident nucléaire désastreux de Fukushima Daiichi, un groupe de jeunes exploitants agricoles locaux âgés de 30 à 49 ans a créé un organisme appelé Cool Agri avec l’objectif de « changer l’image classique de l’agriculture en faisant connaître les plaisirs, les beautés et les charmes qui lui sont propres ». Outre Furuyama Kôji, les membres de Cool Agri incluent le célèbre cuisinier japonais Hagi Harutomo – propriétaire du restaurant français « Hagi France Ryôriten » situé à Iwaki, dans la province de Fukushima (voir article Un restaurant français, un groupe de personnes par jour, des produits de Fukushima) – et Shiraishi Nagatoshi, un des fournisseurs de cet établissement.

Furuyama Kôji (à gauche) et le célèbre chef Hagi Harutomo (à droite), dans les Vergers Furuyama. © Kodera Kei

Cool Agri a, entre autres, organisé une série de visites d’exploitations agricoles qui s’inscrit dans le cadre du « tourisme du fruit ». Les personnes et les groupes intéressés ont ainsi l’occasion de se rendre dans des vergers de la région et d’acheter directement leur production, notamment des poires et des fraises. Le premier de ces « tours », spécialement conçu pour des professionnels de la cuisine, a eu lieu au cours de l’automne 2015. Seize chefs ont visité trois exploitations locales différentes où ils ont pu discuter directement avec les agriculteurs et voir de près leurs produits.

Comme de plus en plus de jeunes agriculteurs, Furuyama Kôji n’a pas recours aux services de la Fédération japonaise des coopératives agricoles pour transporter et commercialiser sa production. Il préfère traiter directement avec les consommateurs par le biais d’Internet et des « magasins-antennes » (antenna shops) de Tokyo qui vendent des spécialités locales japonaises, ainsi qu’avec les grossistes et les détaillants constituant sa clientèle habituelle.

Pour faire connaître ses fruits, Furuyama Kôji participe aussi à des manifestations organisées à Tokyo et dans le reste du Japon et il présente ses obtentions les plus récentes à des chefs cuisiniers réputés. Un pâtissier de la capitale qui avait visité ses vergers en 2015 lui a proposé de créer un dessert avec lui.

« Pêche Melba », un dessert réalisé par la pâtisserie Anniversary de Tokyo en collaboration avec Furuyama Kôji. Il se compose d’une délicate mousse de pêche, d’un coulis de framboise et d’une sublime gelée de pêche couronnés par des tronçons de pêche. © Anniversary Co., Ltd.

Les fruits déclassés, un véritable trésor à la portée de tous

Les fruits de haute qualité font partie des produits que les Japonais offrent le plus volontiers (voir article Pourquoi les fruits sont-ils hors de prix au Japon ?). Ces cadeaux traditionnels comptent encore pour une bonne part dans les ventes des Vergers Furuyama. Malheureusement, les pêches de la région du Tôhoku ne sont pas tout à fait mûres au moment des cadeaux de l’été (chûgen). Furuyama Kôji envisage donc de cibler les amateurs de fruits en tant que nouveau segment de marché.

Un carton de pêches des Vergers Furuyama destiné à une manifestation spéciale organisée dans le quartier de Kasai, à Tokyo où les fruits se vendront à 300 yens l’unité, c’est-à-dire un sixième de leur prix habituel (1 800 yens). © Kodera Kei

Furuyama Kôji et les jeunes fruiticulteurs de Fukushima essaient d’attirer le plus grand nombre de personnes possible dans leurs vergers pour leur faire découvrir le goût fabuleux des pêches tout juste cueillies.

« Je conseille avant tout aux gens de nous rendre visite quand les Akatsuki Neo sont à point, avec une teneur en sucre de 30 degrés sur l’échelle de Brix » déclare Furuyama Kôji. « Dans la récolte du jour, il y a toujours des fruits déclassés qui sont de véritables trésors. Si vous venez au moment où la saison des Akatsuki Neo bat son plein, vous aurez de grandes chances de déguster une pêche déclassée incroyablement délicieuse. »

Mais Furuyama Kôji ne se contente pas d’attendre que l’on vienne chez lui. Le lendemain de notre visite, il avait prévu d’aller dans le quartier de Kasai, à Tokyo, et d’y proposer pour à peine 1 800 yens des boîtes de 2 kilos contenant six pêches, vendues normalement 18 000 yens sur Internet. « Depuis la catastrophe de Fukushima Daiichi, je vais à Tokyo avec mes pêches chaque année, à la fin de l’été. Les gens font la queue pour les acheter », précise le fruiticulteur de Fukushima qui n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il voit que l’on apprécie le fruit de son travail.

Furuyama Kôji n’a aucun regret, malgré les difficultés qu’il a rencontrées lors de sa reconversion dans la fruiticulture. « Les pêches font partie du monde du vivant et à ce titre, elles sont susceptibles de nous trahir. Pour moi, tout faire pour éviter que cela se produise est une façon de progresser. Un ingénieur résout les problèmes en prenant la décision adéquate. Mais un agriculteur dispose d’une infinité de possibilités et il peut toujours améliorer les choses tant qu’il continue à faire des efforts. Et je dois dire que pour moi, c’est un véritable plaisir. »

Les Vergers Furuyama

Adresse : 26, Aza Tsuruta, Kamata, Fukushima-shi, Fukushima-ken 960-01029

Propriétaire : Furuyama Kôji
http://furukaju.jp/

(D’après un texte de Doi Emiko, de Nippon.com. Photographies : Kodera Kei. Photographie du titre : Furuyama Kôji avec une pêche dans sa main droite. Ses ongles sont ornés de lettres formant le mot anglais « peach ». © Kodera Kei)

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