L’admission aux négociations du TPP, la visite d’Aung San Suu Kyi

Politique Économie

Le Japon doit rejoindre en juillet les négociations du TPP

Le 12 avril, les consultations bilatérales entre Washington et Tokyo sur la participation du Japon aux négociations du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) ont abouti. Non seulement, les gouvernements des deux pays ont confirmé leur objectif, proclamé dans la déclaration commune du 22 février, de « parvenir à un accord global de haut niveau, tel qu’il est décrit dans l’accord-cadre du TPP », mais ils ont convenu de travailler conjointement au renforcement de la croissance économique, au développement du commerce bilatéral et à la consolidation de l’état de droit.

En vue de réaliser ces objectifs, Washington et Tokyo ont convenu, parallèlement aux négociations du TPP, d’étudier la mise en place de mesures non tarifaires dans divers domaines, dont les assurances et les normes, d’engager des négociations sur le commerce des véhicules à moteur, un secteur où les États-Unis ont formulé des revendications, et de procéder à l’élimination progressive, sur une période la plus longue possible en conformité avec les négociations du TPP, des droits de douane américains sur les véhicules à moteur. Le 20 avril, le processus d’approbation par les onze participants que compte aujourd’hui le TPP a été mené à terme. L’étape suivante devrait intervenir au mois de juillet, avec l’entrée du Japon dans les négociations.

D’autres pactes commerciaux sont en vue

Dans le même temps, le Japon a progressé dans ses négociations en vue de nouer des accords de libre-échange (ALE) ou de partenariat économiques (APE) avec d’autres interlocuteurs clés. Le 25 mars, lors de discussions au sommet menées au téléphone plutôt que de personne à personne à cause de la crise de Chypre, le Japon et l’Union européenne ont convenu d’entamer des pourparlers en vue de la mise en place d’un APE. Et du 26 au 28 mars, s’est tenue à Séoul la première session des négociations consacrées à l’établissement d’un APE entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud. La décision de lancer ces négociations avait été prise le 20 novembre dernier à l’occasion d’une réunion trilatérale des ministres du commerce. Lors de cette première session, les trois pays se sont entendus, non seulement pour mettre sur pied des groupes de travail dédiés au commerce des marchandises, aux échanges dans le domaine des services et à l’investissement, mais encore pour entamer, dès la prochaine session, des négociations sur des questions comme les règles d’origine, les procédures douanières, la facilitation des échanges et la concurrence. Outre cela, et conformément à un accord lui aussi conclu le 20 novembre lors d’une réunion au sommet de l’ASEAN + 6 (les membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est plus le Japon, la Chine, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Inde), la première session des pourparlers sur un projet de Partenariat régional économique global (RCEP) a été prévue pour le mois de mai au Brunei, suivie d’une seconde en Australie au mois de septembre.

Outre ces initiatives régionales ou multilatérales, des avancées ont été enregistrées dans le domaine des accords bilatéraux. Les négociations en vue d’un APE entre le Japon et l’Australie, entamées en avril 2007, sous le gouvernement précédent d’Abe Shinzô, piétinaient sur la question de l’élimination des droits de douane appliqués au blé, à la viande de bœuf, aux produits laitiers et au sucre, jusqu’à ce que, dans leur entretien téléphonique du 28 décembre dernier, Abe Shinzô et Julia Gillard, son homologue australien, s’engagent à joindre leurs efforts pour parvenir à la conclusion d’un accord et, au début du mois d’avril, les deux parties ont jeté les bases d’un accord concernant la viande de bœuf et divers produits agricoles, au titre duquel le Japon, tout en maintenant le principe des tarifs élevés, autoriserait les importations, à des tarifs moins élevés, de quotas des produits en question. Pour peu qu’ils arrivent à trouver un terrain d’entente sur les divergences qui persistent entre eux à propos des droits appliqués aux véhicules automobiles, peut-être les deux pays parviendront-ils à conclure un APE bilatéral dès cet été.

Le Japon et le Canada se sont engagés dans des négociations bilatérales en vue d’un APE en novembre dernier et, le 11 avril, s’est tenue une réunion au cours de laquelle leurs ministres du commerce ont confirmé leur intention de donner à ces négociations leur plein essor. Outre cela, le Japon est entré en pourparlers bilatéraux en vue d’un APE avec la Mongolie en juin dernier et, en mars, quand le premier ministre Abe s’est rendu dans ce pays, les deux parties se sont engagées à œuvrer énergiquement à la conclusion rapide d’un tel accord.

Jouir des avantages du libre échange

En résumé, depuis que M. Abe est revenu au pouvoir et exerce son second mandat de premier ministre, le Japon s’est enfin engagé sérieusement sur la voie des ALE et des APE, tant au niveau bilatéral, que régional et multilatéral. Le cycle de Doha des négociations multilatérales sur le commerce menées sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce, qui a commencé en 2001, s’est trouvé bloqué du fait d’un désaccord entre le camp des pays avancés, représenté par les États-Unis et l’UE, et celui des pays émergents et en voie de développement, représenté par la Chine et l’Inde. Dans ce contexte, les règles des échanges au XXIe siècle seront dans une large mesure déterminées par les accords commerciaux et les partenariats économiques régionaux et multilatéraux, tels que le TPP, le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (le TTIP, à propos duquel les dirigeants des États-Unis et de l’UE ont convenu le 13 février d’entamer les négociations), l’APE Japon-Union européenne, le projet de RCEP ASEAN +6 et celui d’ALE tripartite réunissant le Japon, la Chine et la Corée du Sud.

Pour évaluer l’importance de ces divers pactes, il est intéressant d’examiner les parts que leurs participants occupent dans l’économie mondiale. Le TPP, en y incluant le Japon, regroupe douze pays qui se partagent 38 % de l’économie mondiale. Le RCEP se compose quant à lui de 28 pays avec une part de 28 %, chiffres qui atteignent 34 pays et 34 % dans le cas de l’APE Japon-Union européenne. Si les négociations aboutissent toutes, le Japon sera lié par des ALE et APE avec la majorité de ses grands partenaires commerciaux du monde entier et les avantages qu’il tirera du libre-échange en seront multipliés sans qu’il se trouve lui-même dans une position concurrentielle désavantageuse vis-à-vis d’un autre pays.

Dans le même temps, il est important de noter que tous ces ALE et APE se rangent dans deux grandes catégories. Il y a d’une part les pactes qui mettent en jeu des pays avancés, comme le TPP, le TTIP entre l’Europe et les États-Unis et l’APE Japon-Union européenne. L’importance de ces pactes réside au premier chef dans le rôle qu’ils jouent dans la formulation des règles du commerce international pour le XXIe siècle. Le TPP en a fait très tôt l’un de ces objectifs déclarés, mais la même chose vaut pour le TTIP : la déclaration commune émise par les États-Unis et l’UE à l’occasion du lancement des négociations préalables à ce pacte stipulait que « à travers ces négociations, les États-Unis et l’Union européenne auront l’opportunité non seulement de développer les échanges et l’investissements entre les deux rives de l’Atlantique, mais encore de contribuer à l’élaboration de règles mondiales capables de renforcer le système multilatéral des échanges ».

La seconde catégorie de pactes est constituée d’accords comme le RCEP et le projet d’ALE entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud (même si ce dernier risque, à mon avis, de ne pas aboutir avant un certain temps). Ces pactes ont pour objectif de soutenir les réseaux régionaux de production qui ont servi de moteur à l’intégration de facto de l’économie est-asiatique au cours des trente dernières années et de formuler des règles qui vont aider ces réseaux à prendre encore plus d’expansion. Vu sous ce jour, le point clé est de concevoir des accords dont les entreprises pourront aisément tirer parti. En participant au processus d’élaboration des règles présidant aux ALE et APE dans ces deux catégories de pacte, le Japon va pouvoir profiter au maximum des avantages que lui procure sa situation en Asie, région qui constitue l’épicentre de la croissance économique mondiale au XXIe siècle.

Aung San Suu Kyi et le Japon

Aung San Suu Kyi, figure emblématique du mouvement démocratique du Myanmar (Birmanie), a reçu un accueil chaleureux lors de la visite qu’elle a effectuée au Japon à la mi-avril. Outre les discussions qu’elle a eues avec le ministre des Affaires étrangères Kishida Fumio et le premier ministre Abe Shinzô, elle a rencontré le prince héritier Naruhito. La dirigeante de l’opposition birmane a été traitée à l’instar ou presque d’un chef d’État.

J’ai longtemps cru que le Japon figurait très bas dans la liste des priorités d’Aung San Suu Kyi. Et l’énumération des pays qu’elle a visités depuis 2011, année où le Myanmar s’est doté d’un gouvernement civil et où elle a été autorisée à se rendre à l’étranger, semble confirmer ce jugement. Sa première destination a été l’Europe, suivie par les États-Unis. Avant d’aller au Japon, elle s’est également rendue en Thaïlande, en Inde et en Corée du Sud. Le seul pays de l’ASEAN qu’elle ait visité reste la Thaïlande, ce qui est tout à fait surprenant compte tenu de l’importance que cette association régionale revêt pour le Myanmar.

Les discussions qu’elle a eues avec des représentants de haut rang du gouvernement japonais m’ont aussi suggéré qu’elle désapprouvait sans doute la tolérance manifestée par Tokyo et l’ASEAN à l’égard du régime militaire qui a régné tant d’années au Myanmar, même si cette tolérance n’a jamais basculé dans le soutien direct. Il me semble également probable qu’elle n’a guère apprécié les mesures prises pour résoudre le problème de la dette du Myanmar envers le Japon et qu’elle n’a pas une bonne opinion de l’aide fournie par celui-ci à son pays depuis le retour des civils au pouvoir.

Outre cela, il m’a semblé que les initiatives prises par le gouvernement japonais et divers groupes du secteur privé en vue de promouvoir la paix entre le gouvernement du Myanmar et les minorités de ce pays lui étaient inconnues ou la laissaient indifférente. On peut supposer que Tokyo l’a invitée en connaissant ses opinions sur ces questions et que l’accueil chaleureux qu’elle a reçu tenait à l’importance du Myanmar. J’espère que sa visite lui a donné l’occasion d’approfondir un peu sa compréhension tant des relations du Japon avec le Myanmar que de la coopération que notre pays a offerte au sien.

(D’après l’original éctit en japonais le 20 avril 2013.)

TPP Myanmar chronique