L’état actuel de la production d’hydrate de méthane

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L’hydrate de méthane est une source d’énergie nouvelle et prometteuse, susceptible de fournir au Japon un approvisionnement énergétique stable à long terme, qualité d’autant plus précieuse que le pays est pauvre en ressources énergétiques. Des progrès encourageants ont été accomplis en vue de son exploitation. Un préforage a notamment été effectué en février 2012 en préparation de la première tentative mondiale de production d’hydrate de méthane en mer. Narita Hideo, directeur du Centre de recherche sur l’hydrate de méthane, se penche sur la situation actuelle et les perspectives d’avenir de cette nouvelle source d’énergie.

Une source d’énergie attrayante

Pour la majeure partie de son approvisionnement en gaz naturel, le Japon est tributaire du gaz naturel liquéfié qu’il importe de l’étranger. En 2011 le volume annuel de ses importations de GNL a pour la première fois dépassé les 100 milliards de mètres cubes, pour un coût record de 4 800 milliards de yen, en augmentation de 37 % par rapport à l’année précédente. Ce pic de consommation était en partie dû à la fermeture en série des centrales nucléaires consécutive au Grand séisme de l’Est du Japon. On prévoit certes que la stabilité des approvisionnements en gaz naturel va s’améliorer grâce à l’augmentation de la production de gaz de schiste aux États-Unis, mais la question des prix reste préoccupante. D’après la Revue des statistiques de l'énergie mondiale (Stastitical Review of World Energy, 2011), le coût des importations japonaises de GNL (prix CAF(*1)) est 2,5 fois plus élevé que les prix au carrefour Henry(*2) aux États-Unis ; L’impact est considérable tant sur le prix de l’électricité au compteur que sur la balance commerciale du Japon.

Dans ces circonstances, les ressources d’hydrate de méthane existant dans la zone économique exclusive du Japon ont un coût attrayant pour ce pays pauvre en ressources. Le gaz méthane produit à partir des ressources d’hydrate de méthane est le principal composant du gaz naturel. La mise au point d’une technologie de production à coût raisonnable, qui offrirait au Japon la garantie d’un approvisionnement stable et à long terme, augmenterait par la même occasion son taux d’autosuffisance énergétique. Elle constituerait en outre une carte maîtresse dans le cadre des négociations portant sur les importations de GNL. Le ministère japonais de l’Économie, du commerce et de l’industrie encourage l’exploitation des ressources d’hydrate de méthane et tout est désormais en place pour que les essais de production en mer commencent dès l’année prochaine.

L’hydrate de méthane est un clathrate hydrate qui ressemble en apparence à la glace. Un mètre cube de cette « glace qui brûle » peut produire environ 170 m3 de gaz méthane, en condition normale. Dans la nature, l’hydrate de méthane apprécie les températures relativement basses et les pressions élevées. Les dépôts se rencontrent en général soit dans les zones de pergélisol soit dans les régions océaniques en bordure de continent, mais on en a aussi trouvé en eau profonde, par exemple en mer Caspienne ou dans le lac Baïkal. Quant aux estimations du volume total de ces réserves, elles varient considérablement, allant de quelques centaines de milliers de milliards de mètres cubes à dix mille fois plus. Mais nombre de rapports récents donnent des chiffres de l’ordre de plusieurs millions de milliards de mètres cubes. Dans le voisinage du Japon, des réflecteurs de simulation du fond ont suggéré la présence d’hydrate de méthane en divers endroits : dans une zone maritime du littoral de Tokachi qui s’étend d’Erimo à Hidaka à Hokkaidô, au sud-ouest de Sado, dans les eaux au large de Kashima et dans l’océan Pacifique au large du département de Shizuoka et jusqu’à Shikoku et la côte est de Kyûshû, pour une surface totale estimée à 122 000 km2.

L’exploitation des ressources d’hydrate de méthane

Combustion d’hydrate de méthane (photo : Centre de recherche sur l’hydrate de méthane)

En juillet 2001, Le ministère de l’Économie, du commerce et de l’industrie a annoncé son intention d’exploiter l’hydrate de méthane au Japon. C’est en vue de réaliser ce projet que le Consortium de recherche pour les ressources d’hydrate de méthane (également connu sous le nom de Consortium de recherche MH21) a été mis sur pied en mars 2002. La première phase (2001-2008) a permis d’estimer à environ 1 140 milliards de m3 le volume des ressources primaires d’hydrate de méthane de la partie est de la fosse de Nankai entre le littoral du Tôkai et les eaux au large de Kumano. Compte tenu de la consommation annuelle du Japon à cette époque, ce volume équivalait à onze années d’importation de GNL. C’est aussi pendant la première phase du projet qu’a été mise au point une technique de dépressurisation assurant un haut rendement de production énergétique. Des technologies essentielles à la commercialisation ont également été développées, notamment des procédés de mesure et d’évaluation des propriétés et des caractéristiques de dégradation des couches d’hydrate de méthane dans les conditions in situ, un simulateur de production pour l’exploitation des ressources d’hydrate de méthane (MH21-HYDRES) et un simulateur de déformation de strate (COTHMA). En vue de confirmer l’efficacité de la technique de dépressurisation, un test a été effectué dans une zone de pergélisol située dans le delta du Mackenzie, au Canada. Ce test de six jours a montré que la méthode de dépressurisation permettait de produire en continu. En 2009, on est passé à la deuxième phase du projet, mise en œuvre par un consortium auquel participaient la Société nationale japonaise du pétrole, du gaz et des métaux ainsi que l’Institut national des sciences et des technologies industrielles avancées.

Dans la nature, il existe trois grandes catégories d’hydrate de méthane, selon qu’il se trouve dans les couches supérieures des sédiments océaniques (en grandes quantités), le long des fissures de couches de boue ou dans les pores de couches sableuses. Le filon d’hydrate de méthane qu’on prévoit aujourd’hui d’exploiter se trouve dans des couches sableuses situées deux ou trois cent mètres en dessous du fond de la mer. Des filons d’hydrate de méthane présents dans ce genre de formation font aussi l’objet de projets d’exploitation aux États-Unis, parce que la bonne perméabilité des couches sableuses permet un écoulement relativement rapide du gaz méthane décomposé et laisse donc espérer une production en grandes quantités. Encourageant aussi est le fait qu’une bonne partie de l’arsenal des technologies conventionnelles accumulées au fil des ans pour l’exploitation des champs de pétrole et de gaz naturel pourra être mise à contribution. Outre cela, étant donné que l’hydrate de méthane se trouve dans les pores des couches sableuses, il n’est pas besoin de provoquer de grands bouleversements dans la structure de ces couches, même quand l’hydrate de méthane est séparé en gaz méthane et en eau avant extraction. Si bien que le risque d’affaissement ou de perturbation des couches géologiques est atténué.

Dans les champs de pétrole et de gaz conventionnels, le gaz à haute pression est stocké, entre autres, dans des grès consolidés, d’où il sort naturellement lorsqu’on perce le grès. L’hydrate de méthane, en revanche, ne s’écoule pas naturellement, car il se trouve sous forme solide dans les espaces poreux des couches sableuses. C’est pourquoi il faut le décomposer afin de le récupérer sous forme gazeuse.

La méthode de dépressurisation consiste à faire baisser la pression de la couche d’hydrate de méthane en pompant l’eau à partir de forages pour que le clathrate se décompose et libère du gaz méthane. La décomposition se poursuit jusqu’à ce que la température de la couche baisse au niveau d’équilibre de l’hydrate de méthane. C’est pourquoi la température initiale de la couche joue un rôle important dans la détermination des taux de production et de récupération obtenus avec la méthode de dépressurisation. Fondamentalement, la production ne réclame pas d’autre énergie que celle nécessaire à l’alimentation de la pompe servant à l’évacuation de l’eau souterraine. Ce haut rendement énergétique promet à la technique de la dépressurisation un brillant avenir commercial.

Le chemin de la viabilité commerciale

Le forage préalable effectué en février 2012 en vue du premier essai mondial de production a eu lieu au volcan sous-marin d’Atsumi II, situé à environ 70 km au sud-ouest de la péninsule d’Atsumi et 50 km au sud-est de la péninsule de Shima. Outre le puits de production, plusieurs puits de contrôle ont été percés. Dans le puits de production, le filon d’hydrate de méthane sera perforé en janvier 2013, préalablement aux essais de production, après quoi le puits sera achevé et l’on procédera à l’installation des équipements : séparateur de gaz, pompe à eau électromagnétique et capteurs. Les puits de contrôle, disposés à des intervalles de 20 mètres environ, serviront à mesurer les variations de la température de la couche d’hydrate de méthane tout au long du processus de production. Des inclinomètres et autres appareils seront posés sur le fond de la mer. On prévoit que les mesures ainsi fournies permettront d’améliorer la précision du simulateur de production et du simulateur de déformation de couche, mis au point dans une phase antérieure. L’un des objectifs essentiels du recours à la méthode de dépressurisation est de montrer qu’elle permet une production stable, même pour l’exploitation de filons d’hydrate de méthane situés en mer.

Depuis le Grand séisme de l’Est du Japon, on assiste à un regain d’intérêt pour l’hydrate de méthane en tant que source potentielle de gaz naturel. L’exploitation d’une nouvelle ressource de ce type exige de solides acquis techniques qui passent par des tests de contrôle répétés. Des essais de production en mer sont prévus pour l’année prochaine ; plus on en effectue, meilleurs sont les résultats en termes de précision de la technologie concernée. Dans le même temps, la technologie de base mise au point à travers l’exploitation des ressources d’hydrate de méthane peut avoir un effet de ricochet et déboucher sur des applications bénéfiques à l’exploitation des champs de pétrole et de gaz conventionnels, voire sur l’élaboration d’une technologie japonaise originale d’exploitation des ressources. Ceci étant, il va falloir former les chercheurs et les ingénieurs qui se chargeront de mener à bien ce projet d’avenir.

(D’après un original écrit en japonais le 2 avril 2012)

(*1) ^ Ces prix incluent les coûts de transport et d’assurance. Les statistiques japonaises du commerce utilisent les prix CAF pour le calcul des importations.

(*2) ^ Les contrats à terme sur le gaz naturel échangés à la Bourse de commerce de New York (NYMEX). Le prix des GNL sert d’indicateur aux États-Unis.

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