Les « minshuku », l’atout charme du Japon

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Si les minshuku attirent de moins en moins les habitants de l’Archipel, ils sont en revanche très appréciés par les touristes venus de l’étranger. Les secrets de ces chambres d’hôtes ? Des rapports humains chaleureux, et un sens de l’hospitalité qui fait la différence.

Les chambres d'hôtes à la japonaise

Les minshuku sont souvent décrits comme des chambres d’hôtes louées à des voyageurs par des habitants de l’Archipel disposant d’espace sous leur toit. Autrefois, les maisons japonaises n’avaient pas de serrures et il n’était pas rare que la partie occupée par les visiteurs soit séparée de celle où dormait la famille uniquement par des cloisons coulissantes en papier (fusuma).

Ce type d’hébergement existe toujours, mais il comporte à présent obligatoirement les équipements incontournables de notre époque, comme des portes fermant à clef. Toutefois, si les pièces réservées aux hôtes sont isolées du reste de la maison, la salle de bain et les toilettes sont souvent communes. À l’heure actuelle, les habitants de l’Archipel ont tendance à préférer les installations modernes offrant une plus grande intimité, tandis que les vieux minshuku, se retrouvant un peu dépassés par le temps, disparaissent petit à petit. Ce genre d’hébergement n’a plus vraiment la cote auprès des Japonais, mais heureusement, il est en train de séduire une autre clientèle, celle des touristes étrangers amateurs de nouvelles expériences ou d’accueil chaleureux à l’ancienne. Ce qui compense le manque à gagner pour les propriétaires de minshuku.

Un mode d’hébergement recherché par les touristes étrangers

Ariake est un quartier de la ville de Shibushi, dans la préfecture de Kagoshima, tout au sud de l’île de Kyûshû. C’est là que se trouve le « Suzukaze », le minshuku de Masuda Sadaaki. Durant sa jeunesse, ce Japonais de 71 ans a parcouru le monde sac au dos et fait l’expérience concrète des chambres d’hôtes. Et il y a dix ans, il a commencé à accueillir des voyageurs sous son toit.

La baie de Kagoshima est délimitée à l’ouest par la péninsule de Satsuma, riche en lieux touristiques, et à l’est, par celle d’Ôsumi, moins fréquentée, où se trouve Ariake. Pourtant Masuda Sadaaki affirme que depuis l’ouverture de son minshuku, il ne cesse pas de voir affluer les visiteurs étrangers. Son établissement affiche complet jusqu’au printemps. Il est vrai qu’avec ses chambres nettes et coquettes, le « Suzukaze » a bonne allure.

Le « Suzukaze » est très apprécié parce que c’est un endroit où l’on se sent chez soi. Ce minshuku se compose uniquement de deux chambres d’hôtes de style japonais situées dans une maison en bois de plain-pied.

Mais il existe d’autres minshuku rustiques à l’ancienne qui ont eux aussi du succès auprès des touristes non-Japonais. L’un d’eux, appelé « Sôsuke », est situé à Takayama, une ville de la préfecture de Gifu, au centre du Japon, qui accueille chaque année plus de 400 000 visiteurs étrangers. Takayama compte plusieurs grands hôtels ainsi que de magnifiques ryokan, mais on y trouve aussi une douzaine de minshuku installés dans des maisons de style japonais. Le « Sôsuke » accueille des voyageurs depuis 45 ans dans une ancienne maison traditionnelle japonaise (kominka) vieille de 180 ans, transférée de son site d’origine après avoir été démontée, puis remontée sur place.

C’est un établissement propice à la nostalgie, dû non seulement à son grand âge, mais aussi à ses bains et ses toilettes en commun, sans oublier ses planchers grinçants. Il dispose de 13 chambres en général réservées les jours ouvrables par des visiteurs étrangers, souvent des habitués. Tamai Keiko, la maitresse des lieux, raconte fièrement l’histoire d’une famille suédoise venue une première fois en tant que couple, puis une seconde avec leur fils et enfin une troisième, sous la forme de ce même fils devenu étudiant, en compagnie de sa petite amie. Elle montre aussi une photographie accrochée au mur où l’on voit un groupe de jeunes Australiens hébergés sur place à l’occasion d’un voyage scolaire. Des années plus tard, l’un d’eux s’est reconnu sur la photo quand il est revenu au « Sôsuke ».

Le « Sôsuke », un minshuku situé à Takayama dans la préfecture de Gifu, plait beaucoup aux touristes étrangers. En haut : la porte d’entrée de l’établissement. En bas : le salon du « Sôsuke » avec son foyer traditionnel (irori) encastré dans le plancher.

Le secret de la réussite : des rapports humains chaleureux

Depuis quelque temps, le ministère japonais de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche encourage les voyageurs en provenance de l’étranger à séjourner dans les minshuku situés en milieu rural, parce qu’il y voit un moyen de redynamiser l’économie régionale de l’Archipel.

Nakao Seiji, professeur à l’Université de Fukuchiyama, dans la préfecture de Kyoto, est le grand spécialiste japonais des recherches sur les minshuku. D’après lui, les chambres d’hôtes situées dans les communautés rurales offrent ce que le Japon avait de mieux il y a quarante ou cinquante ans. Ces établissements de taille modeste sont en général des maisons dont le propriétaire accueille des hôtes à titre onéreux pour améliorer ses revenus provenant de la pêche ou de l’agriculture.

Les minshuku situés à proximité des montagnes ou de la mer sont l’endroit idéal pour déguster les spécialités locales, une des expériences essentielles du séjour dans une chambre d’hôtes à la japonaise. « Ce qui fait l’intérêt des petits minshuku, ce n’est pas qu’on s’y retrouve en famille ou entre amis, mais qu’on y parle avec le propriétaire des lieux en s’immergeant dans l’atmosphère locale », précise Nakao Seiji.

Les Japonais sont souvent réservés et peu enclins à engager la conversation avec des inconnus et a fortiori des étrangers, sans doute à cause de leur manque de confiance dans leurs capacités linguistiques. Mais les échanges amicaux avec les hôtes font partie intégrante du séjour dans un minshuku.

Le « Kokuriko » est un minshuku situé à proximité d’Uchiko, une petite ville de la préfecture d’Ehime, dans l’île de Shikoku. Il a la particularité de disposer d’un bain constitué d’une grande cuve de métal (goemon-buro) installée dans un bâtiment isolé du jardin. L’expérience du goemon-buro vaut à elle seule le déplacement, mais la conversation avec le propriétaire des lieux est encore plus fascinante. Morinaga Teruhiro est un homme qui adore parler de sa région.

En haut : « Farm Inn Raum Kokuriko », un minshuku installé dans une ferme de la préfecture d’Ehime, à 10 minutes de la ville d’Uchiko. En bas : le jardin abrite un petit édifice contenant un bain constitué d’une grande cuve de métal (goemon-buro). Une expérience à ne pas manquer !

Morinaga Teruhiro aime s’entretenir avec ses hôtes. Il leur parle avec enthousiasme des fruits étonnants qu’il a trouvés dans la forêt et il les encourage à écrire des lettres sur des feuilles d’arbres et à communier avec la nature. Il les convie également à se rendre au premier étage de sa ferme où il a réuni une collection d’objets réalisés par des habitants des environs. Son épouse, Reiko, engage elle aussi volontiers la conversation avec les visiteurs, les conviant à s’asseoir avec elle pour boire un thé. « Je ne parle pas très bien l’anglais » confie-t-elle. « Je ne peux donc pas discuter de sujets compliqués avec eux, mais je pense que, d’une certaine façon, nous arrivons quand même à communiquer. »

Le sens de l’hospitalité fait partie du charme du « Kokuriko ».

Comment préserver les minshuku face à la concurrence ?

Mais il ne faudrait pas croire pour autant que la vie est toujours facile pour ceux qui louent des chambres d’hôtes. Reprenons l’exemple de Tamai Keiko, la propriétaire du « Sôsuke » de Takayama. Dans cette ville, le nombre des minshuku, des pensions (guest houses) et des petits établissements hôteliers du même genre a brusquement augmenté depuis 2015. En 2016, il est passé à 489, soit 92 de plus que l’année précédente. Le problème a été aggravé par la prolifération des minpaku, des logements loués par des particuliers à des touristes, souvent de façon illégale (voir notre article : Vers une autorisation d’hébergement de type Airbnb pour les touristes étrangers).

Certains propriétaires de minshuku se plaignent que le taux d’occupation de leurs chambres a baissé. En dépit des possibilités offertes par l’afflux grandissant de voyageurs venus de l’extérieur, plusieurs d’entre eux ont cessé leur activité sous prétexte qu’ils étaient trop âgés pour continuer, qu’ils avaient des difficultés à trouver un successeur, ou qu’ils étaient découragés à l’idée de devoir communiquer avec leurs hôtes dans des langues étrangères. Rénover ses locaux ou faire davantage de publicité peut s’avérer une stratégie efficace dans certains cas, mais quand on a un budget serré, il est bien difficile de s’engager dans des frais pour améliorer le décor ou les installations de son établissement.

Plutôt que de leur conseiller de procéder à un lifting de leur logement, il vaudrait mieux encourager les propriétaires de minshuku à changer d’état d’esprit pour faire face au problème de la concurrence. Voici ce que dit à ce sujet Kunishima Michihiro, le maire de Takayama. « Les habitants de cette ville sont nos atouts pour tirer profit du tourisme venu de l’extérieur de l’Archipel. » Autrement dit, Takayama ne devrait pas compter seulement sur son cadre pittoresque ou ses sources thermales (onsen). Il faudrait aussi que les gens qui y vivent apprennent à mieux communiquer avec les voyageurs étrangers.

À l’heure actuelle, les Japonais ont tendance à considérer les touristes venus de l’extérieur uniquement comme des consommateurs. Et ils ne donnent malheureusement pas aux conversations et aux échanges entre personnes l’importance qu’ils méritent. Or pour les minshuku de taille modeste, la seule solution pour s’en sortir, dans un marché de l’hébergement chez l’habitant envahi par de nombreux concurrents, est de privilégier la qualité des rapports humains. Quelles que soient les difficultés à s’exprimer de leurs propriétaires – réserve excessive, embarras avec les étrangers ou niveau très faible en anglais –, le sens de l’hospitalité et la chaleur humaine vis-à-vis des voyageurs dans lesquelles les minshuku excellent depuis toujours devraient contribuer à faire du Japon une véritable destination touristique internationale.

(Extrait d’un original en japonais du 4 janvier 2018. Photos : Himeda Konatsu. Photo de titre : le « Sôsuke », un minshuku de la ville de Takayama, dans la préfecture de Gifu.)

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