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Le Japon peut-il remédier à son faible taux de natalité ?

Économie Société

La dénatalité est un enjeu commun à beaucoup de pays d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie de l’Est. Le Japon, qui connaît un fort déclin démographique, ne fait pas exception. La baisse du nombre d’enfants pose un grave problème pour la santé économique et sociale du pays. Pour y pallier, le gouvernement veut rehausser l’indice synthétique de fécondité à 1,8.

Plus que 97 millions de Japonais en 2050

Parmi les nombreuses prédictions économiques sur le Japon, les plus fiables sont probablement les projections de population. Selon celles de l’Institut national de recherches sur la population et la sécurité sociale, qui se fonde sur les recensements nationaux effectués tous les cinq ans, le pic démographique du Japon a été atteint en 2010 avec 128 millions de recensés, puis a depuis baissé progressivement. La population devrait diminuer de 20 millions de personnes en 2040 pour n’en compter que 107,3 millions. Le ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme (MLIT) estime que le Japon passera sous la barre des 100 millions de recensés en 2050.

Même à court terme, l'impact du déclin démographique menace la société japonaise de diverses façons. La diminution de la population active (15 à 64 ans) entraînera une baisse du taux de croissance potentielle et du produit intérieur brut. Il deviendra difficile de maintenir le système de retraite ainsi que d’autres services de protection sociale, ce qui constitue une menace pour le niveau de vie général du Japon. D’après certains rapport, le dépeuplement et la dénatalité qui affectent les zones rurales mettent en danger l’existence même de certaines municipalités.

La clé pour contrer ces problèmes est la relance de la natalité. L’indice synthétique de fécondité (ISF)(*1) du Japon était de 1,43 en 2013. L’indice requis pour maintenir une population est de 2,7 à 2,8, le seuil de remplacement des générations.(*2)  En dessous de ce seuil, la population diminue.

Au plus bas en 2005 avec un indice à 1,26

En observant la progression de l’ISF après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’il n’a fait que baisser progressivement année après année. On peut voir sur le graphique ci-dessous que 1966 à été une année à part avec une baisse subite à 1,58. Cela représente une réduction de 25 % par rapport à l’année précédente. Cela était dû au fait que 1966 a été « l’année du cheval de feu».(*3) Les Japonais ont donc évité de faire des enfants cette année-là.

Mais c’est 1989 qui a vraiment inquiété les spécialistes : l’indice a chuté à 1,57, en dessous du précédent record de 1966. On a même parlé du « choc 1,57 ». Les chiffres ont continué à baisser les années suivantes, touchant le fond en 2005 avec un indice à 1,26. Bien que les chiffres se soient faiblement améliorés depuis, rien ne semble pouvoir freiner la diminution des naissances.Les causes de la dénatalité sont multiples. Le MLIT cite par exemple l’augmentation des frais d’accouchement puis d’éducation des enfants. Il explique aussi que l’amélioration des conditions de travail des femmes grâce à la promulgation de la loi pour l’égalité homme-femme des chances d’emploi de 1986 a freiné le taux de fécondité. Généralement, on considère que la dénatalité est le fruit de facteurs tels que les mariages de plus en plus tardifs, l’accroissement de la population célibataire, l’augmentation du nombre de femmes diplômées, la détérioration de la conjoncture ou encore les changements de l’environnement social et de l’habitat. Bien que l’État ait pris des mesures pour inverser la tendance, elles ne sont pas suffisamment drastiques pour remédier à ces problèmes.

(*1) ^ Indice synthétique de fécondité : calculé en combinant les taux de fécondité par âge des femmes en âge de procréer (15 à 49 ans), il indique le nombre moyen d'enfants qu'une femme a au cours de sa vie. Par contraste, le « taux brut de natalité » représente le nombre de naissances pour 1000 personnes sur une année. Il indique le ratio des naissances sur l’année par rapport à la population en milieu d'année.

(*2) ^ Seuil de remplacement des générations : l'indice nécessaire pour que la population actuelle puisse se maintenir. Selon les statistiques de 2013 de l’institut national de recherches sur la population et la sécurité sociale, il était de de 2,07 en 2010 au Japon.

(*3) ^ « L'année du cheval de feu » se produit une fois tous les 60 ans. Une superstition datant de l'époque d'Edo (1603-1868) veut que les filles nées cette année auront un tempérament rude qui raccourcit la vie de leurs maris.

La France, un modèle de relance de la natalité

Comparons le taux de natalité du Japon à celui d’autres pays. Selon un rapport publié par le MLIT, le taux est maintenu au dessus de 2,0 pendant les années 1960 dans six pays occidentaux dont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Puis dans les années 1970 et 1980, la hausse du coût d’éducation des enfants, le changement des mentalités sur le mariage et les enfants et la diffusion des moyens de contraception ont entraîné la baisse de la natalité.

Mais dans les années 1990 le taux de natalité a progressé différemment dans chaque pays ; aujourd’hui certains pays connaissent une inversion de la courbe. En France et en Suède notamment, les deux pays jouissent respectivement d’un taux de 2,01 et 1,9 en 2011 après avoir chuté jusqu’à 1,6.

Le monde entier se réfère à la France sur ce sujet parce qu’elle est devenue l’exemple d’un pays qui a réussi à contrer le vieillissement de sa population en relançant la natalité. Outre les allocations familiales proportionnelles au nombre d’enfants, c’est grâce à un système développé de garde d’enfant et l’établissement d’un environnment où de divers choix sont possibles en matière d’accouchement, d’éducation des enfants et de carrière professionnelle. C’est donc en mettant l’accent sur une politique d’équilibre entre travail et famille que la France a connu le succès.

Les couples français sont également plus ouverts à la notion d’union libre : alors qu’il n’y avait que 6 % d’enfants nés hors de mariage en 1970, ils sont 52 % en 2008. C’est la présence d’une législation adaptée et de valeurs familiales tolérantes qu’il est possible que la moitié des naissances survienne hors mariage . C’est un point qui démarque profondément la France du Japon.

Dans les pays d’Asie tels que la Thaïlande, Singapour, la Corée du Sud, Hong Kong ou Taïwan, le taux de natalité était déjà supérieur à celui du Japon dans les années 1970. Mais il a ensuite commencé à baisser et est aujourd’hui sous le seuil de remplacement des générations. Hormis la Thaïlande, tous ces pays sont en dessous du Japon en 2011 : Singapour (1,2), Corée du Sud (1,24), Taïwan (1,07).

L’objectif du Japon : revenir à 1,8

On ne relance pas la natalité d’un pays du jour au lendemain. Établi par le gouvernement Abe II en automne 2014, le Service pour dynamiser les villes, les citoyens et l’emploi a pour vision long terme de refréner le dépeuplement. Le but est de maintenir la population du pays à 100 million d’ici 2060. Et pour ce faire, il entend rehausser le taux de natalité à 1,8.

Même si le Japon est aujourd’hui un pays développé et les modes de vie des jeunes sont variés, ils sont nombreux à vouloir se marier ou avoir des enfants. Le Service estime que « plus la natalité rependra vite, plus elle pourra arrêter efficacement le dépeuplement ». Il veut apporter aux jeunes générations des aides pour le travail, le mariage et l’éducation de leurs enfants. Espérons que des mesures efficaces pour les familles japonaises soient mises en place afin de relancer la natalité.

(Photo de titre : la diminution constante du nombre d’enfants au Japon – une école primaire de la ville de Hiroshima. Jiji press)
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