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Des risques de mort par surmenage dans plus de 20 % des entreprises japonaises

Société

En octobre 2016, le conseil des ministres a approuvé le premier Livre blanc sur le karôshi, la mort par surmenage au travail. Le document révèle que dans 22,7 % des entreprises, des employés effectuent plus de 80 heures supplémentaires par mois.

Les longues heures de travail nuisent gravement à la santé des travailleurs, les épuisant physiquement et mentalement, jusqu’à les mener dans certains cas au karôshi. Bien que reconnu comme un véritable enjeu de société depuis la fin des années 1980, ce n'est qu'en 2014 qu'une loi de prévention du karôshi a été votée par la Diète japonaise. Le 7 octobre 2016, le gouvernement a publié le premier rapport présentant la situation actuelle et les mesures de prévention concernant ce très grave problème.

Les chiffres officiels ne seraient que la partie visible de l'iceberg

Le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales se repose sur les normes officielles définissant le surmenage afin de déterminer si la mort (suicide compris) est lié au travail. Selon le livre blanc, au cours de l’année fiscale 2015 (avril 2015-mars 2016), les indemnités de décès suite aux accidents du travail ont été versées à 96 personnes victimes d’insuffisances cardiaques ou d’accidents vasculaires cérébraux, et à 93 personnes qui se sont suicidées (ou ont tenté de se suicider) à cause de problèmes de santé mentale.

En comparant avec les années 2000, les chiffres du premier groupe sont en légère baisse. Cependant, les indemnisations de personnes ayant mis fin à leurs jours sont de plus en plus nombreuses. En 2015, 1 515 demandes d'indemnités ont été constatées pour cause de dépression, ou autres maladies mentales dues aux pressions psychologiques au travail, un chiffre dix fois plus élevé qu’en 1999.

Le livre blanc inclut également des données de l'Agence nationale de la police et du bureau du Cabinet. Selon elles, en 2015, 2 159 suicides seraient liés à des problèmes d’ordre professionnel. Ce chiffre le suggère : les décès officiellement reconnus comme étant causés par le surmenage ne sont que la pointe de l'iceberg.

Parmi tous les cas recensés par les autorités en 2015, la quasi-totalité des travailleurs décédés d'un accident cardiaque ou vasculaire cérébral avaient effectué plus de 80 heures supplémentaires par mois, et une grande partie de ceux qui se sont suicidés en raison de problèmes mentaux en avaient fait plus d’une centaine. Pour 18 des 93 cas de suicides, le chiffre s’élève même à 160 heures.

Les employés continuent à travailler de longues heures

Les employés japonais ont travaillé en moyenne 1 741 heures en 2014. Certes inférieur à l'année 1995, lorsque la moyenne avait dépassé les 1 900 heures, ce chiffre reste bien plus élevé que dans beaucoup de pays occidentaux. De plus, la baisse du nombre d’heures de travail est en grande partie le résultat d'une proportion croissante de travailleurs à temps partiel, car les employés à temps plein passent chaque année près de 2 000 heures au travail.

De décembre 2015 à janvier 2016, le ministère de la Santé a mené une enquête auprès de 20 000 employés et 10 000 entreprises (dont 1 734 ont répondu). Dans 22,7% d’entre elles, des employés avaient effectué plus de 80 heures supplémentaires par mois.

Selon les normes relatives aux accidents de travail, le seuil à partir duquel le risque de mourir de surmenage augmente est de 80 heures supplémentaires.

Les proportions les plus élevées d’employés présentant ce risque concernaient les secteurs des technologies de l'information (44,4 %), de la recherche universitaire, des services spécialisés et techniques (40,5 %) et des transports et services postaux (38,4 %).

L'enquête révèle aussi que 36,9 % des employés à temps plein souffraient d'un haut niveau de stress. La hausse de cette proportion va de pair avec celle des heures supplémentaires : 54,4 % des travailleurs faisant plus de 20 heures supplémentaires par semaine subissaient un stress élevé.

D'après une autre enquête sur la santé des employés menée par le ministère en 2013, 52,3 % des sondés ont déclaré ressentir de l'anxiété, de l’inquiétude et du stress dans leur travail et leur vie professionnelle. Trois raisons étaient fréquemment données : « la qualité et la quantité de travail » (65,3 %), « les erreurs au travail » (36,6 %)et « les relations humaines » (33,7 %).

(Photo de titre : la mère d'une employée du géant de la publicité Dentsu qui s'est suicidée, participant à une conférence de presse à Tokyo, le 7 octobre 2016. Sa fille, Takahashi Matsuri, a mis fin à ses jours à 24 ans en décembre 2015 après avoir travaillé un an dans l'entreprise. Le surmenage au travail a été reconnu comme étant la cause de son suicide. La vive réaction du public japonais sur cette affaire a poussé les autorités à ouvrir une enquête sur cette entreprise. Yomiuri Shimbun/Aflo)

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