Le b.a.-ba du Japon

Le « rakugo », l’art de conter une histoire

Culture Art

Le rakugo date de l’époque d’Édo (1603-1868) et reste populaire encore aujourd’hui. L’éloquence du conteur, plutôt que les décors ou les accessoires, occupent une place essentielle dans cet art.

Inspirer l’imagination du public

Le rakugo, l’art traditionnel japonais du conte humoristique, s’est développé en une forme de divertissement pour les citoyens ordinaires au cours de l’époque d’Édo (1603-1868). Au début, des artistes de différents genres se sont lancés dans cet art du monologue – généralement humoristique –, mais peu à peu des spécialistes ont émergé : les rakugoka.

Vêtu d’un kimono, le conteur reste assis tout au long de la performance et incarne plusieurs personnages dans de différentes scènes avec comme seuls accessoires un éventail et une petite serviette tenugui. Il est impossible au conteur de se servir de costumes ou de décors ; en effet, il doit être capable d’inspirer l’imagination du public grâce à son habileté à décrire l’histoire et son univers. La chute de l’histoire est appelée ochi en japonais (signifiant littéralement « chute »). Une bonne élocution est essentielle pour une représentation réussie. Une prononciation alternative du kanji pour ochi (落) est raku, d’où vient le nom de rakugo (落語).

Une popularité durable

Il existe encore aujourd’hui des théâtres traditionnels, les yose, qui proposent des spectacles de rakugo presque tous les jours. Parmi les adresses célèbres de Tokyo, on peut citer Shinjuku Suehirotei, où les billets pour adultes coûtent environ 3 000 yens, Suzumoto Engeijô à Ueno, Asakusa Engei Hall et Ikebukuro Engeijô. À Osaka, Tenma Tenjin Hanjôtei est un théâtre renommé.

Les principaux yose à Tokyo

- Shinjuku Suehirotei : 3-6-2 Shinjuku, Shinjuku-ku, Tokyo 160-0022 / Métro : Shinjuku 3 chôme / Ouvert tous les jours de 11h40 à 19h45

- Ueno Suzumoto Engeijô : 2-7-12 Ueno, Taitô-ku, Tokyo 110-0005 / Métro : Ueno-Hirokôji / Ouvert tous les jours de 9h00 à 19h00

- Asakusa Engei Hall : 1-43-12  Asakusa, Taitô-ku, Tokyo 111-0032 / Métro : Asakusa / Ouvert tous les jours de 11h40 à 21h00 /

Le théâtre Shinjuku Suehirotei, décoré avec les noms des humoistes.

Les histoires (neta) qui sont contées sont généralement composées de situations dramatiques entrecoupées de farces et de calembours, et mettent en scène des personnages typiques d’Edo (l’ancien nom de Tokyo) ou d’Osaka. Il y a encore aujourd’hui des rakugoka qui se spécialisent dans les contes classiques de la période d’Edo qui ont été transmis de maître à disciple à travers les années. Ces contes célèbres reposent sur l’éloquence du rakugoka. Cependant, les œuvres plus récentes, notamment à partir du XXe siècle, sont souvent contées par l’auteur lui-même, de sorte que l’histoire, plus que les qualités oratoires, est mise en avant. Beaucoup de ces nouveaux neta sont des satires de la société et sont accueillies favorablement dans le monde du rakugo.

Le rakugo, en tant qu’art classique représentatif du Japon, conserve sa popularité. Une enquête récente a révélé que 26,4 % de la population japonaise avaient assisté à un spectacle de rakugo, devançant d’autres formes de divertissements traditionnels telles que le kabuki, le nôgaku et le buyô (danse traditionnelle). Les écoles invitent souvent un rakugoka pour jouer devant les enfants qui étudient les arts traditionnels : 62,1 % des Japonais qui ont actuellement la vingtaine ont assisté à leur première représentation de rakugo à l’école(*1).

(*1) ^ Selon un sondage réalisé par Hapiken, Asahi Group Holdings.

Internationalisation du rakugo

Récemment, les rakugoka se produisent de plus en plus au-delà des frontières du Japon. Katsura Kaishi est un conteur qui joue en anglais. San’yûtei Ryûraku, en plus de l’anglais, joue en six langues, dont le français, l’italien et l’allemand.

Diane Kichijitsu, une conteuse d’origine britannique résidant actuellement à Osaka, raconte ses histoires en anglais et en japonais. Le Niçois Cyril Coppini, quand à lui, travaille au Département des relations publiques de l’Institut francais au Japon tout en poursuivant une carrière de rakugoka. Il a également accompagné San’yûtei Ryûraku en tant que coordinateur et interprète pour ses spectacles en France. En 2014, il a joué au Festival d’Avignon.

« On s’fait tourner le chôzu », le rakugo en français par Cyril Coppini (Japan Tours Festival 2016)

Histoire et origines

Des rakugoka venant d’être promus au grade de shin’uchi.

Le plus ancien ouvrage relatif au rakugo est Seisuishô, qui remonte à 1623. Le titre signifie « Rire pour se réveiller ». Au tournant du XVIIIe siècle, les premiers yose commençaient à proposer des spectacles de rakugo à Edo, Osaka et Kyoto.

Après que le rakugo se soit établi dans ces trois villes, il s’est développé de manière différente dans chacune d’elles. Le rakugo d’Edo est encore joué à Tokyo, tandis que celui d’Osaka est connu sous le nom de Kamigata rakugo. L’école de Kyoto, cependant, a disparu.

Il existe trois grades de rakugoka : le plus bas est zenza, puis futatsume et enfin shin’uchi. Le classement est décidé selon le groupe auquel appartiennent les rakugoka. Une fois qu’ils ont atteint le grade shin’uchi, ils peuvent former leurs propres disciples.

Le rakugo apparaît également à la télévision dans le programme de variété humoristique Shôten, qui est diffusé chaque dimanche soir depuis 1966. Il y a également des manga et des anime sur le thème du rakugo , comme Shôwa Genroku rakugo shinjû de Kumota Haruko.

(Photo de titre : le rakugoka San’yûtei Enjô en train de conter une histoire, Jiji Press. Photo de Shinjuku Suehirotei : James Justin.)

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