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Le ninja, entre réalité et fiction

Culture

Comme chacun le sait, les ninjas sont des professionnels incontestés de l’espionnage. Mais leur image s’est bien embellie au fil des années. Les véritables ninjas se sont révélés principalement actifs lors des périodes tumultueuses du XVe et XVIe siècles, où ils jouaient le rôle d’éclaireurs dans les batailles entre les seigneurs féodaux.

Définition du ninja

Le personnage du ninja est une figure légendaire à travers le monde entier : un être tout de noir vêtu, aux pouvoirs surhumains, et maîtrisant l’art secret du ninjutsu (les techniques martiales du ninja). Cependant, le terme « ninja » n’est devenu assez courant au Japon qu’à partir du boom des romans populaires historiques, aux alentours de 1955. Ces récits fictionnels ont largement étoffé cette image du guerrier-agent secret, qui s’est en fait développé après leur principale période d’activité.

« Shinobi » (忍び) était le terme d’origine qui leur était attribué. L’idéogramme utilisé est le même que pour celui du premier caractère du mot ninja (忍者), et se lit « nin ». Il est difficile de définir de manière précise ces personnages, et encore peu de choses sont connues à leur sujet. Le shinobi servait le plus souvent d’espion, en observant discrètement les mouvements ennemis et en transmettant des informations stratégiques, un rôle qu’ils ont le plus intensivement accompli lors de la période très agitée des Provinces combattantes (Sengoku jidai, 1467-1590).

L’émergence et les différents rôles du ninja

Durant l’époque de Nara (710-794), les aristocrates, les puissants seigneurs locaux, ainsi que les temples et sanctuaires commençaient à prendre possession et élargir de larges parcelles de terre, appelées shôen, et cela a provoqué des luttes de domaines. À ce moment, des groupes de guerriers hors-la-loi, appelés akutô ont commencé à apparaître. Au XIIIe siècle, ces individus, bien que qu’assez désorganisés, ont constitué une force majeure d’opposition au système des shôen et celui du shogunat (le gouvernement militaire en place). Les akutô sont considérés comme les précurseurs des shinobi ou des ninjas.

Les premières apparitions des shinobi dans les documents historiques datent du XIVe siècle. Lors de la période des Provinces combattantes, les daimyô (les seigneurs féodaux) les employaient régulièrement comme éclaireurs à des fins stratégiques. Certaines régions sont devenues célèbres par la présence de nombreux ninjas qui y ont été formés, comme celle d’Iga (préfecture de Mie), de Kôka (préfecture de Shiga), de Togakushi (préfecture de Nagano), ou de Kai (préfecture de Yamanashi). Le terme attribué à ces personnages différait parfois selon les localités, comme par exemple rappa, suppa, kusa, dakkô, ou kamari.

Mais la collecte d’informations n’était pas la seule mission des ninjas. Ils étaient aussi employés à exécuter des tactiques guérilla, à travers incendie, sabotages et embuscades. Toutefois leur rôle étant principalement de rapporter les mouvements ennemis, ils veillaient à ne pas s’impliquer dans des luttes inutiles. Quant à leur art du ninjutsu, il était utilisé en priorité, dit-on, comme technique de défense.

Démonstration d’une technique de ninjutsu : le katana-kakushi, une méthode pour sortir en un clin d’œil un sabre du sol où il était dissimulé.

À jamais immortels dans l’imaginaire des gens

La victoire du seigneur Tokugawa Ieyasu à la bataille de Sekigahara permet au Japon de s’installer dans une relative période de paix durant l’époque d’Edo (1603-1868). Les ninjas ont commencé alors à être couramment engagés en tant que garde du corps individuel.

Au milieu du XVIIe siècle, des livres sur le ninjutsu comme Bansenshûkai (le traité des dix mille rivières) et Shôninki (l’authentique manuel des ninja) présentent les méthodes et l’état d’esprit des shinobi. Bansenshûkai introduit les différents objets qu’ils utilisaient, ainsi que leurs techniques de tromperie, d’infiltration, de mémorisation et de conversation.

Un des armes fétiches des ninjas, les shuriken, exposés au Musée de ninjutsu de Kôka.

La stabilité croissante du régime shogunal de Tokugawa a engendré une baisse des besoins en shinobi. Ils ont disparu petit à petit de la réalité, pour réapparaître sous une autre forme : la fiction, à travers des arts comme le kabuki ou l’ukiyo-e. Ils y figurent le plus souvent affublés de leurs habits noirs, passant à l’attaque leurs shuriken en main, une image qui perdure encore de nos jours.

Certains descendants de ninjas vivent encore là où résidaient leurs ancêtres. Ces célèbres endroits sont désormais devenus des lieux touristiques, profitant de leur profonde attache avec les légendaires maîtres de l’espionnage. Grâce à la découverte de leurs anciennes habitations, de musées ou même de parcs à thèmes, les visiteurs sont invités à un voyage initiatique à travers les histoires et les mystères des ninjas.

L’entrée de la Maison de ninja, à Kôka, dans la préfecture de Shiga. Un musée dédié au ninjutsu, l’art martial des ninjas, avec des activités pratiques.

(Photo de titre : © Ōshima Takuya)

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