Allons voir les festivals japonais !

Trois grands festivals du Japon qui mettent les chevaux à l’honneur

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Depuis toujours, les chevaux ont joué un rôle important dans la société japonaise, que ce soit les destriers des samouraïs ou les chevaux de trait dans les fermes. Gros plan sur trois grands festivals au Japon autour de ces magnifiques montures.

Les chevaux, montures des dieux

Des études récentes indiquent que les chevaux ont été domestiqués il y a environ 4 000 ans en Asie centrale et la steppe eurasienne. Grâce à eux, les gens peuvent enfin se déplacer plus vite et beaucoup plus loin, et transporter des charges lourdes.

Les premiers chevaux arrivent au Japon aux alentours du Ve siècle. En provenance de Mongolie, ils s’acheminent vers le Japon par l’île de Tsushima, un grand centre de commerce et d’échanges culturels avec le continent. Ces bêtes agiles s’avèrent décisives, et pour le travail des champs, et pour la guerre où ils donnent à leurs cavaliers un avantage critique en combat. À partir de l’époque de Nara (710-794), ces animaux encore rares sont considérés comme les montures des dieux. Les chevaux blancs, en particulier, sont offerts aux sanctuaires shintô où ils sont vénérés comme des êtres sacrés. De leur utilisation à la guerre et à la ferme naissent nombre de festivals qui perdurent aujourd’hui. Nous vous présentons trois des plus grands dans cet article.

Le festival Chagu-Chagu Umakko

(En 2024, le 8 juin, villes de Takizawa et Morioka, préfecture d’Iwate)

Des chevaux aux magnifiques parures défilent à travers la campagne. (© Haga Library)
Des chevaux aux magnifiques parures défilent à travers la campagne. (© Haga Library)

Les plaines du nord-ouest de la préfecture d’Iwate sont une terre équestre le VIIIe siècle. Durant l’époque d’Edo (1603-1868), le clan de Nambu (clan de Morioka) qui contrôle cette région se spécialise dans l’élevage des chevaux, et les « chevaux de Nambu » deviennent très prisés comme montures de guerriers.

Au fil des années, les chevaux des guerriers se reconvertissent en chevaux de travail dans les fermes, ce qui les ancre encore plus dans la culture locale. Les chevaux locaux étant de petit gabarit, les Japonais commencent vers la fin du XIXe siècle à importer des grands chevaux de trait percherons et bretons de France pour les travaux agricoles. Dans les demeures typiques magariya en forme de « L », les chevaux choyés ont droit à la partie la mieux exposée comme écurie.

C’est Ukemochi, la divinité de la nourriture mais aussi la protectrice des chevaux, qui est vénérée au sanctuaire Onikoshi Sôzen de Takizawa. Le mois de juin est la période où l’on inonde les rizières et les laboure avant d’y transplanter les pousses de riz, et les agriculteurs emmènent leurs chevaux au sanctuaire pour se recueillir et prier les dieux pour leur bonne santé pendant cette période de dur labeur.

Cette tradition se perpétue aujourd’hui. Les chevaux sont vêtus de riches parures pour montrer leur grande valeur, et partent du sanctuaire Onikoshi Sôzen vers Morioka. Ils défilent, montés par des enfants, sur 13 kilomètres le long des rizières bordées d’iris, avec le mont Iwate en arrière-plan, et se dirigent vers le sanctuaire Hachimangû de Morioka. Le son des dizaines de clochettes cousues sur les parures est appelé « chagu chagu » en japonais. Ce festival unique est à admirer pour constater la magnifique complicité avec les chevaux et l’amour et le respect qui leur sont portés.

Le défilé de Takizawa à Morioka prend environ quatre heures. (© Haga Library)
Le défilé de Takizawa à Morioka prend environ quatre heures. (© Haga Library)

Le festival Onda-sai

(En 2024, les 6 et 7 juillet, ville de Misato, préfecture de Miyazaki)

Des chevaux de trait charpentés galopent à travers une rizière. (© Haga Library)
Des chevaux de trait charpentés galopent à travers une rizière. (© Haga Library)

Ondasai qui a lieu à Misato, dans la partie nord de la préfecture de Miyazaki, est sans doute la manifestation de repiquage de riz la plus turbulente du Japon. Dans ce festival millénaire, une charrue est vénérée comme une divinité au sanctuaire de Tashiro, sur les pentes du mont Gongen.

Sur les contreforts de la montagne, un prêtre du sanctuaire de Uenno monte à celui de Tashiro pour accueillir les divinités de la montagne. Une procession guidée par la divinité Sarutahiko et suivie d’un défilé d’autels portatifs mikoshi se dirige vers Tamiya, la rizière sacrée remplie d’une eau boueuse. Pour le repiquage.

Après une représentation de danses sacrées kagura dans la salle de prière, le clou du spectacle commence avec uma-ire, l’arrivée des chevaux. Des jeunes gens habillés de vestes happi et montés à cru sur les chevaux galopent autour de la rizière en piétinant la boue. Certains font même la course. Parfois les pieds des chevaux s’enfoncent dans la boue, et le cavalier peut finir dedans quand le cheval s’arrête brusquement... Une scène qui fait toujours rire les spectateurs. Et quand un cheval réussit à faire tout le tour de la rizière au galop, il est applaudi.

Les photographes qui réussissent à capturer les moments forts du festival sont toujours récompensés au concours photo. (© HagaLibrary)
Les photographes qui réussissent à capturer les moments forts du festival sont toujours récompensés au concours photo. (© HagaLibrary)

Les spectateurs risquent aussi de se retrouver couverts de boue, mais il paraît que c’est de bonne augure. Les photographes amateurs tentent de capturer le spectacle de ces cavaliers essayant de rester sur leurs chevaux dans cette course effrénée.

Une fois celle-ci terminée, les mikoshi sont portés dans la rizière qui est ensuite labourée avec des bœufs et des chevaux, et puis des jeunes femmes en kimono et chapeau de paille assurent le repiquage du riz. Les divinités des rizières ont promis de veiller sur les habitants et leur apporter une bonne moisson en automne.

Les femmes repiquent le riz au rythme de chansons traditionnelles dédiées à cette activité (taue-uta). (© Haga Library)
Les femmes repiquent le riz au rythme de chansons traditionnelles dédiées à cette activité (taue-uta). (© Haga Library)

Le festival Sôma Nomaoi

(En 2024, du 24 au 26 mai, villes de Sôma et Minami-Sôma, préfecture de Fukushima)

Des cavaliers vêtus en samouraï et portant des étendards font revivre un rituel millénaire. (© Haga Library)
Des cavaliers vêtus en samouraï et portant des étendards font revivre un rituel millénaire. (© Haga Library)

Le Sôma Nomaoi est un festival plus que millénaire, avec des origines qui remontent au guerrier rebelle, Taira no Masakado (903-40). Il est dit qu’il préparait ses soldats au combat en leur demandant de chasser et attraper des chevaux sauvages qui représentaient l’ennemi. Pour dissiper les soupçons de rébellion de la cour impériale, il faisait amener les chevaux aux sanctuaires et prétextait que c’était pour un « festival ». Le clan des Sôma, descendu du grand guerrier qu’était Masakado, a perpétué cette tradition au fil des siècles, et aujourd’hui, Sôma Nomaoi demeure comme l’un des grands spectacles de la fin du printemps dans la région de Fukushima .

Au matin du premier jour, le festival démarre avec la cérémonie de bienvenue, sôdaishô omukae, qui se tient au sanctuaire de Sôma Nakamura. De là, le commandant et ses guerriers à cheval se rendent vers le site de Hibarigahara, où se tient la grosse partie du festival. Cette parade reconstitue une troupe à cheval partant à la guerre.

Le deuxième jour, plus de 400 chevaux et cavaliers venant des alentours défilent le matin. Ils sont vêtus de katchû, l’armure traditionnelle du Japon, des sabres à la main, avec des étendards ornés de blasons familiaux ou autre, et forment un ensemble impressionnant. L’après-midi, les cavaliers enlèvent leurs casques kabuto pour participer à une série de courses sur 1 000 mètres appelées katchû keiba. Ensuite vient le shinki sôdatsusen où des petits étendards sont lancées en l’air à l’aide de feux d’artifice, et les cavaliers cherchent à les attraper à la descente dans une mêlée frénétique de chevaux.

Les cavaliers grouillent autour des petits étendards pour essayer de les attraper. Les gagnants, jubilant, galopent sur la colline pour présenter leur prix au général, dont le campement est au sanctuaire de Nakamura. (© Haga Library)
Les cavaliers grouillent autour des petits étendards pour essayer de les attraper. Les gagnants, jubilant, galopent sur la colline pour présenter leur prix au général, dont le campement est au sanctuaire de Nakamura. (© Haga Library)

La partie la plus importante du festival a lieu le troisième jour. C’est le nomakake, ou capture de chevaux sauvages. Des bêtes sans harnachement sont menées par des cavaliers vers un enclos dans le sanctuaire Odaka de Minami-Sôma. Là, des jeunes habillés tout en blanc essayent de capturer un cheval à mains nues pour ensuite l’offrir au sanctuaire.

Grâce à ce festival, les chevaux sont ancrés dans la vie de Sôma, avec des familles qui élèvent depuis des générations et de nombreux clubs hippiques. Beaucoup de familles ont cependant perdu leurs chevaux lors du séisme et du tsunami du 11 mars 2011. Cette année-là, le festival a quand même eu lieu, mais à petite échelle, avec seulement les cérémonies religieuses. Le commandant a annoncé lors de la cérémonie de bienvenue : « Portés par l’esprit des samouraïs, nous arriverons à vaincre séismes, tsunamis, et même catastrophes nucléaires. » L’année suivante 400 cavaliers ont participé devant 40 000 spectateurs.

Le rite du nomakake reste inchangé depuis toujours. (© HagaLibrary)
Le rite du nomakake reste inchangé depuis toujours. (© HagaLibrary)

(Photo de titre : la course Katchû au festival Sôma-Nomaoi. © Haga Library)

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