La modernité de l’esthétique traditionnelle

Les cosmétiques de Tôei, des trésors de beauté faits mains

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En route pour Tôei, une petite bourgade située dans une région luxuriante de la préfecture d’Aichi. Pourquoi cet endroit ? Tout simplement car c’est le seul au Japon à extraire de la séricite, un minéral essentiel à la fabrication des cosmétiques vendus dans le monde entier. Un atelier tenu par une jeune femme proposant de fabriquer ses propres produits cosmétiques 100 % naturels connaît un succès de plus en plus grand.

La ville de Tôei est située dans le nord-est de la préfecture d’Aichi, près de la limite avec celle de Shizuoka (voir carte à la fin de l’article). Avec ses vallées montagneuses et ses forêts naturelles, dont il est recouvert à 90 %, le bourg de Tôei jouit d’un environnement riche ; des montagnes dont les sommets peuvent culminer à 1 000 mètres et des ruisseaux dont les eaux claires sont connues pour un poisson d’eau douce appelé ayu, autrefois réputé comme le meilleur du Japon. 

Ces champs de thé appartiennent au restaurant Chazen’ichi. Connu pour ses nouilles soba biologiques infusées au thé, l’établissement et figure dans le guide Michelin.
Ces champs de thé appartiennent au restaurant Chazen’ichi. Connu pour ses nouilles de sarasin (soba) biologiques infusées au thé, l'établissement et figure dans le guide Michelin.

La séricite, véritable or blanc de la région

La ville de Tôei regorge également d’autres tréors, mais ils se trouvent sous terre. Il s’agit de la séricite, un minéral utilisé pour fabriquer des cosmétiques à base de poudre. Misaki Jun’ichi, PDG de la société Sanshin Mining, basée à Tôei, revient avec nous sur les débuts de l’industrie d’extraction locale.

« Tout cela a commencé lorsque mon grand-père est venu ici chercher de l’or. Au lieu de cela, il a trouvé de la séricite. »

C’est à Shitara, à l’ouest de Tôei, que se trouve la mine de Tsugu, dont le puits de mine légendaire de Shingen – du nom du seigneur féodal Takeda Shingen, connu pour en avoir extrait une énorme quantité d’or – existe encore aujourd’hui. Inspiré par ce dernier, le grand-père de Jun’ichi a commencé à creuser dans les montagnes d’Okumikawa. Même s’il n’a pas trouvé d’or, il a fait une découverte non moins intéressante : de la séricite dans la mine d’Awashiro.

L'entrée d'un tunnel de la mine de séricite d’Awashiro à Furikusa, dans la ville de Tôei.
L’entrée d’un tunnel de la mine de séricite d’Awashiro, dans la ville de Tôei.

Misaki Jun’ichi, mineur de la troisième génération. Il espère pouvoir continuer l’exploitation de la séricite pendant au moins les 30 prochaines années à venir.
Misaki Jun’ichi, mineur de la troisième génération. Il espère pouvoir continuer l’exploitation de la séricite pendant au moins les 30 prochaines années à venir.

La séricite est un minéral appartenant à la famille des mica. Souvent utilisée dans la fabrication des peintures, la séricite est connue pour sa résistance à la chaleur et ses propriétés isolantes. Une fois raffinée, elle devient une poudre blanche à l'éclat soyeux. La séricite de la mine d’Awashiro est extrêmement pure, et d’une incroyable finesse.

Le grand-père de Jun’ichi a commencé à exploiter la mine Sanshin peu après la Seconde Guerre mondiale. Des usines achetaient la séricite obtenue pour l’utiliser comme lubrifiant et solvant de soudage. Ce n’est qu'à partir des années 1960, sur une idée de son fils, que la séricite fut commercialisée pour la fabrication de cosmétiques. Agréable au toucher et ne contenant aucune impureté nocive pour la santé, la séricite était autrefois utilisée dans pas moins de 80 % de tous les fonds de teint en poudre mis sur le marché mondial. Et cela n’a pas changé. Si la Chine et la Malaisie elles aussi produisent désormais de la séricite, c’est toujours la mine d’Awashiro qui alimente la part la plus importante du marché. Et de loin, puisqu’elle fournit 80 % du marché japonais et 50 % du marché mondial. La séricite de la société Sanshin Mining est indispensable, notamment pour la fabrication des cosmétiques de haut de gamme. Non pas de la poudre aux yeux, mais pour les yeux.

Dans la mine, il fait une température ambiante constante de 17° C, toute l'année.
Dans la mine, il fait une température ambiante constante de 17° C, toute l’année.

L’extraction de la séricite se fait entièrement à la main.
L’extraction de la séricite se fait entièrement à la main.

À droite, la séricite extraite par Sanshin Mining. Elle est beaucoup plus blanche que celle produite par un concurrent (à gauche). Son grain est également plus fin.
À droite, la séricite extraite par Sanshin Mining. Elle est beaucoup plus blanche que celle produite par un concurrent (à gauche). Son grain est également plus fin.

Des cosmétiques faits main par une entrepreneure Japonaise

Le Japon possédait d’autres mines de séricite, mais celle d’Awashiro est la seule qui fonctionne encore à l’heure actuelle. Tout comme Misaki Jun’ichi, Ôoka Chihiro a elle aussi décidé d’utiliser le statut unique de Tôei de producteur de séricite. Elle a bâti une véritable entreprise avec pour objectif de donner un coup de fouet au tourisme dans la région.

Ôoka Chihiro a grandi dans la préfecture de Wakayama. Très vite, alors qu’elle n'était encore qu'étudiante à l’université, elle s’est intéressée au festival de fleurs de Tôei. Après avoir terminé ses études, elle s’est installée à Tôei.  Elle avait pour tâche d’aider à promouvoir la région. S’inscrivant dans le cadre du concept « acheter local », en collaboration avec Sanshin Mining, Ôoka Chihiro a créé une entreprise qui fabrique des cosmétiques faits main à partir de séricite produite localement. Après la fin de son affectation, Ôoka Chihiro a choisi de rester à Tôei et a créé Naori, le premier opérateur de « tourisme de beauté » au Japon.

Ôoka Chihiro
Ôoka Chihiro

Naori prend ses quartiers dans une école désaffectée. L'établissement a connu une deuxième vie pour devenir l'école Nokiyama, un lieu d’apprentissage et d'échange pratique pour l’organisation d’ateliers de fabrication de cosmétiques. Les participants peuvent ainsi fabriquer eux-mêmes leurs propres cosmétiques, tels que du fond de teint à base de poudre minérale, du fard à joues et du fard à paupières, ou encore de la poudre corporelle.

Une école désaffectée réhabilitée pour devenir l'école Nokiyama.
Une école désaffectée réhabilitée pour devenir l'école Nokiyama

Vous aurez l’impression de retourner sur les bancs de l’école ! Les ateliers proposés par l’école sont variés ; culinaires avec la préparation de pizzas cuites dans un four en pierre ou musicaux avec des cours de wadaiko, un instrument de percussion.
Vous aurez l’impression de retourner sur les bancs de l'école ! Les ateliers proposés par l'établissement sont variés ; culinaires avec la préparation de pizzas cuites dans un four en pierre ou musicaux avec des cours de wadaiko, le tambour japonais.

« Si Naori peut être un déclencheur pour le tourisme de beauté, il peut de fil en aiguille également dynamiser celui du festivals de fleurs, des sources chaudes et d’autres encore, et donner du cœur à l’ouvrage à la population locale. Qui sait, certains pourraient même choisir de s’installer ici », explique Ôoka Chihiro.

Ôoka Chihiro pratique ce qu’elle prêche puisqu’elle utilise elle-même des cosmétiques faits main pour sa consommation personnelle.

« Avant, mon maquillage me donnait des éruptions cutanées, mais dès l’instant où je suis passée à un produit à base d’ingrédients naturels adapté à mon type de peau, j’ai constaté la différence. Je n’ai plus eu ces problèmes », dit-elle. Forte de cette expérience, Ôoka Chihiro peut maintenant vanter les mille et un bienfaits des cosmétiques faits main en toute confiance et en connaissance de cause.

« Lors des ateliers, nous commençons par expliquer quels ingrédients nous allons utiliser. La séricite est l’un d’entre eux. La plupart des participants ne savent pas quels ingrédients entrent dans la composition des cosmétiques qu’ils utilisent au quotidien, explique Ôoka Chihiro. Nos ateliers durent entre 1 heure et 1 heure 30. N’impliquant aucune manipulation difficile, ils sont facilement abordables à tous. »

Fabriquer son propre fond de teint ; c’est l’expérience que peuvent faire les participants dans les ateliers proposés. Placez une quantité suffisante de séricite dans un mortier, puis ajoutez de l’argile de kaolin, connu pour ses propriétés hydratantes et astringentes, de la perle de mica pour le lustre, du dioxyde de titane et de l’oxyde de zinc pour la protection anti-UV et enfin un peu de couleur, et le tour est joué ! Votre fond de teint est prêt !

Les ingrédients sont ensuite bien mélangés puis tamisés. Les participants apprécient notamment le fait qu’un grand nombre d’ingrédients utilisés sont produits au Japon et que le mélange peut être ajusté pour donner un produit sur mesure, au ton et au degré d'éclat souhaités.

Les quantités peuvent être ajustées pour chaque type et chaque couleur de peau.
Les quantités peuvent être ajustées pour chaque type et chaque couleur de peau.

Ce fond de teint est encore en cours de fabrication, mais il fait déjà envie.
Ce fond de teint est encore en cours de fabrication, mais il fait déjà envie.

Les participants rentreront chez eux avec environ trois mois de stock de fond de teint, d’une durée de conservation d’environ six mois. La séricite produite par Sanshin Mining n’est pas commercialisée aux particuliers. Les participants qui souhaitent continuer à utiliser un fond de teint fait maison doivent donc revenir à Tôei. Et ça marche. La petite entreprise ne connaît pas la crise. Selon Ôoka Chihiro, entre 20 % et 30 % des participants reviennent, ne pouvant se passer de leur fond de teint de qualité supérieure. Les ateliers sont extrêmement prisés et fin septembre 2019, lorsque nous nous sommes rendus sur place, les week-ends étaient déjà complets jusqu’au début de l’année 2020.

Pour ceux qui veulent approfondir l’expérience, ils pourront, un samedi sur deux, participer à des ateliers proposant également une visite de la mine de séricite. À l’instar de gourmets aimant à se rendre sur place sur les terres natales de leurs plats préférés, les amateurs de beauté peuvent fabriquer leurs propres cosmétiques mais également voir d’où proviennent les ingrédients qu’ils utilisent.

Vous n’utilisez pas de cosmétiques ? Ôoka Chihiro anime également un atelier de fabrication de bombes de bain. Les participants peuvent mélanger miel, thé vert et herbes, tous bien sûr produits localement, pour fabriquer des bombes de bain aux senteurs de leurs choix.

Bombes de bain infusées à l’aide de bicarbonate de soude, d'acide citrique et de miel.
Bombes de bain infusées à l’aide de bicarbonate de soude, d’acide citrique et de miel.

Participants à l’atelier de visite de la mine tenant dans la main de la séricite fraîchement extraite.
Participants à l’atelier de visite de la mine tenant dans la main de la séricite fraîchement extraite.

Naori

  • Adresse : École Nokiyama, 13-7 Shimoda-nokiyama, Tôei-chô, Kitashitara-gun, Aichi-ken
  • Fermé les mercredis, jeudis et jours fériés
  • Ateliers et visites : atelier de fabrication de fond de teint à base de poudre minérale : 3 000 yens (1 h 30). Visite de la mine de séricite : 3 000 yens (1 h 30). Atelier de fabrication de bombes de bain : 2 000 yens (1 h). ll existe également des ateliers de fabrication du fard à joues et du fard à paupières, du baume à lèvres et de la poudre corporelle.
  • Réservations : site officiel (japonais). Les ateliers et visites ont repris depuis le 19 juin.
  • Accès : prendre la ligne JR Iida de la gare Toyohashi et descendre à Tôei (1 h 30 de trajet), puis prendre le bus de ville de la ligne Tôei jusqu'à l’arrêt Tôei Onsen-mae (20 minutes). Naori se trouve à 20 minutes de marche de l

(Texte, reportage et photos de Nippon.com)

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