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Une oasis en plein Tokyo : le jardin historique de l’hôtel Chinzansô

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Le luxueux hôtel Chinzansô, à Tokyo, est en fait construit autour d’un célèbre jardin créé en 1877 par l’homme d’État Yamagata Aritomo. Le lieu est demeuré le même depuis sa création au début de l’ère Meiji, et la végétation y est luxuriante en toute saison. L’actuel chef jardinier évoque pour nous le travail minutieux qui se cache derrière la préservation de ce coin de paradis en pleine capitale nippone.

Un refuge pour un vieil homme d’État de l’époque Meiji

Yamagata Aritomo (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Yamagata Aritomo (avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Yamagata Aritomo (1838-1922) était un militaire et un homme d’État de haut rang, extrêmement influent, à l’ère Meiji (1868-1912) et à l’ère Taishô (1912-1926). Parmi ceux qui ont participé au renversement du shogunat Tokugawa dans les années 1860, c’est lui avait le plus d’années de service à son actif. Et c’est au cours de cette longue carrière qu’il joua un rôle clé dans la création de l’armée japonaise. Il occupera par ailleurs à deux reprises le poste de Premier ministre.

À l’extrême est des plaines de Musashino, à l’ouest de Tokyo, se trouve le plateau de Sekiguchi, célèbre pour ses camélias sauvages depuis le XIVe siècle. Pendant l’époque d’Edo (1603-1868), nombreux sont les seigneurs et les familles de samouraïs qui y possédaient des propriétés. La région sera même immortalisée dans les dernières années du shogunat Tokugawa par le grand artiste de l’estampe Utagawa Hiroshige dans sa série de gravures sur bois célèbre dans le monde entier, Cent vues d’Edo.

L’ermitage de Bashô et la colline aux camélias près de l'aqueduc à Sekiguchi par Utagawa Hiroshige. Cet endroit, situé près de l'hôtel Chinzansô, existe encore aujourd’hui. Il porte maintenant le nom de Sekiguchi Bashô-an (avec l'aimable autorisation de la bibliothèque de la Diète nationale)
« L’ermitage de Bashô et la colline aux camélias près de l’aqueduc à Sekiguchi », par Utagawa Hiroshige. Cet endroit, situé près de l’hôtel Chinzansô, existe encore aujourd’hui. Il porte maintenant le nom de « Sekiguchi Bashô-an »(avec l’aimable autorisation de la bibliothèque de la Diète nationale)

Vue de l'hôtel donnant sur le long de la rivière Kanda à la saison des cerisiers en fleurs. Cette vue est prise depuis un point opposé à celui de la gravure sur bois d’Utagawa Hiroshige.
Vue de l’hôtel donnant sur le long de la rivière Kanda à la saison des cerisiers en fleurs. Cette vue est prise depuis un point opposé à celui de la gravure sur bois d’Utagawa Hiroshige.

En 1878, Yamagata Aritomo rachète lui-même la parcelle de terrain où se trouve l’hôtel Chinzansô. C’est également lui qui en a conçu la villa et le jardin. Il a baptisé le domaine Chinzansô pour rendre hommage aux nombreux camélias qui fleurissent dans la région (chin signifie camélia). Le monument dans le jardin raconte comment, après l’instauration de la paix à la suite de la rébellion du fief de Satsuma en 1877, Yamagata Aritomo s’est souvent rendu dans ce lieu et en est tombé sous le charme. Il décidera d’y construire un refuge et d’en faire sa résidence.

Le monument Chinzansô, sur lequel sont gravés des écrits de Yamagata Aritomo, témoignage de son attachement pour ce lieu.
Le monument Chinzansô, sur lequel sont gravés des écrits de Yamagata Aritomo, témoignage de son attachement pour ce lieu.

Fleur de camélia dans le jardin de l'hôtel Chinzansô
Fleur de camélia dans le jardin de l’hôtel Chinzansô

Yamagata Aritomo n’était pas seulement un chef militaire. C’était également un homme de culture ; il composait des poèmes courts (waka) et aussi et surtout, c’était un passionné de jardins. En plus de celui de Chinzansô, il a conçu le jardin de sa villa Murin’an (à Kyoto) et un autre à Kokian (à Odawara), où il y a d’ailleurs passé ces vieux jours. Ces jardins devenus célèbres sont maintenant connus comme les « trois grands jardins de Yamagata Aritomo ». Les écrits sur le monument qui se trouve dans le jardin de l’hôtel Chinzansô évoquent le souhait de Yamagata Aritomo que ceux qui lui succéderont protègent la nature et se délectent des paysages et des bruits du jardin autant qu’il a lui-même eu le plaisir à le faire. Ces quelques mots sont une véritable ode du chef militaire à la quintessence des lieux.

Le jardin de l’hôtel reproduirait les paysages de la ville de Hagi, aujourd’hui dans la préfecture de Yamaguchi, qui a vu naître Yamagata Aritomo. Ce grand personnage avait vraisemblablement besoin d’une échappatoire vers laquelle se réfugier pour prendre un peu de recul face aux multiples pressions qui découlaient de ses fonctions. Et ce petit havre de paix, c’était ce jardin. Un épisode douloureux pour lui fut lorsqu’il dut malgré lui, en tant que ministre de l’armée et commandant suprême des opérations sur le terrain, réprimer la rébellion de Satsuma menée par Saigô Takamori, un samouraï du domaine de Satsuma (actuelle préfecture de Kagoshima), pour qui il avait une haute estime, où ce dernier trouvera la mort. L’année suivante, lorsqu’il commença à travailler à la création de ce jardin, Yamagata Aritomo dut également faire face au mécontentement des troupes, insatisfaites de leur solde. Ce jardin, bien que situé au cœur de Tokyo, était certainement un véritable refuge pour lui, lui rappelant la terre de ses ancêtres.

Nous aussi, avec le même esprit, flânons dans le jardin Chinzansô, qui était si cher à Yamagata Aritomo.

L'étang Yûsuichi : pièce maîtresse du jardin depuis l'époque de Yamagata Aritomo
L’étang Yûsuichi : pièce maîtresse du jardin depuis l’époque de Yamagata Aritomo

Vue depuis le Serenity Garden. Situé sur le toit de l'hôtel, il donne sur une véritable oasis en plein Tokyo.
Vue depuis le Serenity Garden. Situé sur le toit de l’hôtel, il donne sur une véritable oasis en plein Tokyo.

Rencontre avec le jardinier de ce lieu sublime

Cela fait 40 ans que Okayasu Akira est responsable du jardin de Chinzansô. Il nous explique que, comme le jardin a été conçu en suivant le relief naturel du terrain, les dénivelés sont nombreux, rendant son travail particulièrement difficile. Si l’hôtel avait été construit avant le jardin, les méthodes et les coûts d’entretien auraient été pris en compte. Mais dans le cas de l’hôtel Chinzansô, c’est le jardin qui a été conçu en premier. Les chemins plats sont peu nombreux et si étroits qu’ils rendent impossible l’utilisation de véhicules motorisés ; presque tout, jeunes arbres et outils, doit être transporté à la main. Même si Okayasu Akira admet que son travail est difficile, le sentiment de fierté qu’il éprouve à s’occuper de ce jardin se lit sur son visage.

« Le relief du terrain rend le travail difficile mais ce sont justement ces différentes élévations qui permettent au jardin d’être en fleurs toute l’année. En automne, où les feuillages se parent de mille et une couleurs, les arbres plantés dans les parties supérieures du jardin, là où se trouve la pagode, commencent à se colorer en premier, donnant un dégradé de rouge pourpre allant decrescendo vers les niveaux inférieurs. Le jardin possède également de nombreuses variétés de cerisiers, dont les saisons de floraison sont différentes, et ce pour la plus grande joie des visiteurs qui peuvent les admirer pendant une longue période lorsqu’ils sont en fleurs ».

Okayasu Akira, posant devant un arbre sacré de plus de 500 ans et heureusement épargné par la guerre.
Okayasu Akira, posant devant un arbre sacré de plus de 500 ans et heureusement épargné par la guerre.

En 1918, Yamagata Aritomo cède le jardin de Chinzansô au baron Fujita Heitarô, deuxième chef du conglomérat commercial Fujita-gumi. Fujita Kankô, l’une des principales entreprises hôtelières du Japon, qui gère aujourd’hui l’hôtel Chinzansô Tokyo, est intrinsèquement liée au conglomérat d’affaires Fujita-gumi.

Tout en ayant à cœur de préserver le jardin, Fujita Heitarô y apporta une touche artistique et le parsema de structures historiques glanées dans tout le pays ; la pagode Entsûkaku, vieille de près de 700 ans et transférée depuis la préfecture de Hiroshima, en est un bon exemple. Mais le jardin Chinzansô fut malheureusement touché par des bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale. Tout le jardin brûla et seuls la pagode et un arbre sacré furent épargnés. Après la guerre, alors que la capitale nippone était en cendres, Ogawa Eiichi, fondateur de Fujita Kôgyô, la société qui a précédé Fujita Kankô, se promit de faire de ce jardin une oasis urbaine. Il se mit donc au travail pour le reconstruire. Plus tard, en 1952, Ogawa Eiichi ouvrit le restaurant Chinzansô Garden.

Depuis lors, l’hôtel Chinzansô est renommé pour accueillir de somptueuses fêtes et cérémonies de mariage dans la capitale. Un restaurant japonais traditionnel ryôtei et une chapelle de mariage ont notamment été ajoutés au fil des ans, et l’hôtel Four Seasons Chinzansô Tokyo a ouvert en 1992. En 2013, ce dernier a été rebaptisé Hôtel Chinzansô Tokyo lorsque Fujita Kankô devint le gérant de la propriété.

La pagode Entsûkaku, avec en arrière-plan les cerisiers en fleurs : à ne pas manquer dans le jardin Chinzansô
La pagode Entsûkaku, avec en arrière-plan les cerisiers en fleurs : à ne pas manquer dans le jardin Chinzansô

Il y a quarante ans, lorsque Okayasu Akira a commencé à travailler à Chinzansô, dans le jardin, il n’y avait ni restaurant japonais ryôtei ni chapelle de mariage. Différentes structures ont peu à peu vu le jour au fil des années, à mesure que le site s’est agrandi.

« Avant que je ne commence à travailler ici, mes prédécesseurs m’avaient transmis des consignes pour l’entretien du jardin à l’année. Mais de nouvelles structures y ont été construites, telles que la chapelle de mariage ou encore le bâtiment de l’hôtel, modifiant la lumière du soleil et les vents dominants. Cela a eu des conséquences sur la croissance des arbres et engendré la prolifération d’algues dans l’étang. Nous avons donc dû adopter de nouvelles méthodes de replantation et de taille de la végétation. Mon équipe et moi devons trouver sans cesse de nouveaux moyens de préserver le jardin ».

La chapelle de mariage « Vent Vert » dans le jardin, avec l'hôtel en arrière-plan. Le jardin est un lieu privilégié pour les photos de mariage, créant une atmosphère chaleureuse pour la plus grande joie des convives réunis.
La chapelle de mariage « Vent Vert » dans le jardin, avec l’hôtel en arrière-plan. Le jardin est un lieu privilégié pour les photos de mariage, créant une atmosphère chaleureuse pour la plus grande joie des convives réunis.

L’élégante porte qui mène au restaurant traditionnel ryôtei. La clôture de bambou qui borde le chemin, fruit du travail de Okayasu Akira et de son équipe, est un véritable enchantement pour les clients étrangers.
L’élégante porte qui mène au restaurant traditionnel ryôtei. La clôture de bambou qui borde le chemin, fruit du travail de Okayasu Akira et de son équipe, est un véritable enchantement pour les clients étrangers.

Des petits trésors de visite

Le jardin offre mille et un visages tout au long de l’année : des camélias qui fleurissent de l’hiver au printemps, 120 cerisiers de 20 variétés différentes, une verdure fraîche au début de l’été sans oublier des feuilles colorées en automne. De la mi-mai à la fin juin, les visiteurs pourront apercevoir des lucioles voler dans le jardin et en hiver, devant la pagode Entsûkaku, des cordes de bambou sont solidement attachées aux branches des pins en cas de fortes chutes de neige.

« Les visiteurs peuvent profiter du jardin en toute saison, explique Okayasu Akira. En plein été, lorsqu’il y a peu de fleurs, la cascade Gojô et le doux murmure des lucioles sont une musique agréable à l’oreille, venant agrémenter une promenade dans le jardin. Des statues de pierre, telles que les sept dieux de la chance, ou encore des peintures de figures bouddhiques connues sous le nom de rakan ponctuent çà et là le parcours, ajoute-t-il. Les visiteurs aiment à rechercher les emplacements de ces trésors. »

La cascade Gojô coule sur des rochers recouverts de mousse verdoyante. Très prisé des visiteurs, un couloir vitré niché derrière la cascade offre une vue imprenable sur le jardin à travers les embruns.
La cascade Gojô coule sur des rochers recouverts de mousse verdoyante. Très prisé des visiteurs, un couloir vitré niché derrière la cascade offre une vue imprenable sur le jardin à travers les embruns.

Une statue de pierre Daikokuten, l'un des Sept Dieux de la Chance, associée à la richesse et à la prospérité. Les statues des Six autres Dieux de la Chance parsèment çà et là les allées du jardin. Nombreux sont les visiteurs qui s’amusent à les chercher et à les prendre en photo.
Une statue de pierre Daikokuten, l’un des Sept Dieux de la Chance, associée à la richesse et à la prospérité. Les statues des Six autres Dieux de la Chance parsèment çà et là les allées du jardin. Nombreux sont les visiteurs qui s’amusent à les chercher et à les prendre en photo.

Au gré des allées du jardin, le visiteur pourra également admirer de nombreux édifices historiques, tels qu’une maison de thé et un sanctuaire Inari, tous deux désignés comme biens culturels au patrimoine de l’Unesco, des monuments de pierre kôshintô associés à des croyances populaires remontant au XVIIe siècle et une pagode en pierre de 13 étages liée au maître du thé Oda Uraku (1547-1622). Des cartes expliquant en détail l’histoire de l’hôtel Chinzansô et des artefacts du jardin sont mis à la disposition des visiteurs et leur permettront à n’en pas douter d’apprécier davantage encore leur visite.

L’accès au jardin est gratuit pour les clients de l’hôtel mais également ceux des restaurants, des cafés et du salon du hall de l’hôtel. Un membre du personnel des relations publiques de l’hôtel ajoute que l’établissement organise de nombreux événements, tels qu’une introduction à la cérémonie du thé, dans le jardin même. Revêtu d’une kimono, le visiteur peut avoir un réel aperçu de la culture japonaise. L’hôtel organise également des événements en rapport avec le jardin tout au long de l’année et des dîners spéciaux dans ses restaurants et à son restaurant traditionnel ryôtei. Il propose également différentes formules d’hébergement donc n’hésitez pas à vous renseigner.

Les lucioles avec le pont rouge Benkei en arrière-plan : un spectacle magique (avec l'aimable autorisation de Chinzansô)
Les lucioles avec le pont rouge Benkei en arrière-plan : un spectacle magique (avec l’aimable autorisation de Chinzansô)

Les baies vitrées du hall et du salon de l'aile réservée aux banquets offrent une vue imprenable sur le jardin.
Les baies vitrées du hall et du salon de l’aile réservée aux banquets offrent une vue imprenable sur le jardin.

Hotel Chinzansô Tokyo

  • Adresse : 2-10-8 Sekiguchi, Bunkyô-ku, Tokyo
  • Accès : 10 minutes de marche de la station de métro Edogawabashi (ligne Yûrakuchô) / 13 minutes de marche de la station de métro Waseda (ligne Tôzai) / 8 minutes de marche de la station de tramway Waseda (tramway Toden Arakawa)
  • Site web : https://www.hotel-chinzanso-tokyo.com/

(Reportage, texte et photos de Nippon.com, sauf mention contraire)

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