La compétitivité des universités japonaises dans l'ère de la mondialisation

La mondialisation et les réformes des universités japonaises

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Depuis les années 1990, les universités japonaises ont connu plusieurs réformes institutionnelles et organisationnelles. Amano Ikuo, professeur émérite de l’Université de Tokyo, discute des réformes entreprises notamment pour répondre à la mondialisation et des problèmes auxquelles elles sont confrontées aujourd’hui.

Plus d’un demi-siècle après la mise en place du nouveau système des universités pendant l’occupation américaine en 1948, les universités japonaises traversent à nouveau une période d’intenses réformes, qui a débuté dans les années 1990 et continue à bouleverser le monde universitaire aujourd’hui. Pourquoi toutes ces réformes ? Trois tendances internationales majeures et trois changements intérieurs les expliquent en grande partie.

Les trois méga-tendances mondiales de l’enseignement supérieur

La première tendance est l’universalisation de l’enseignement supérieur. Pour le sociologue américain Martin Trow, l’enseignement supérieur cesse d’être « élitiste » pour devenir « de masse » lorsque plus de 15 % de la population âgée de 19 à 22 ans y accède, et « universel » lorsque ce pourcentage dépasse 50 %. Cette universalisation s’est faite aux États-Unis dans les années 70 et 80, et une décennie plus tard dans les pays avancés. Au Japon, le taux d’accès à l’enseignement supérieur qui était stable à 36-37 % dans les années 70 et 80, a ensuite connu une croissance rapide, qui l’a vu passer à 45,2 % en 1995, et à 51,5 % dix ans plus tard. Il était de 55,1 % en 2010. Ces chiffres ne concernent que les universités offrant un cursus de quatre et de deux ans. Si l’on inclut les senshû gakkô, écoles professionnelles et spécialisées, le taux d’accès passe à 77,9 % (Graphique 1). Cette généralisation rapide de l’enseignement supérieur implique un changement de nature des universités et du système de l’enseignement supérieur. Les réformes qu’ont connues les universités japonaises s’inscrivent en d’autres termes dans cette tendance mondiale.

La deuxième est la marchéisation. L’enseignement supérieur était jusqu’à présent essentiellement perçu comme relevant pour sa gestion et son entretien de la responsabilité du gouvernement national. Dans tous les pays européens, les universités nationales sont la norme, les États-Unis, avec leurs nombreuses universités privées influentes, constituant une exception. Même dans ce pays, cependant, presque 80 % des étudiants fréquentent des universités publiques. Le Japon est à cet égard bien plus exceptionnel encore, puisque près de 80 % des étudiants y sont inscrits dans des universités privées. La marchéisation de l’enseignement supérieur est donc la règle, dans le sens où les universités sont en compétition pour trouver leur financement et leurs étudiants, ainsi que leurs enseignants. La tendance mondiale est que cette vague de marchéisation a commencé à toucher aussi le secteur public : on attend à présent des universités nationales qu’elles adoptent les « principes du marché » dans leur financement et leur gestion. Le terme de « privatisation » peut à cet égard remplacer celui de marchéisation. Le changement de statut des universités nationales japonaises qui a fait d’elles des entreprises publiques administrativement indépendantes, sur lequel je reviendrai, est un exemple représentatif de cette tendance mondiale vers la marchéisation et la privatisation.

La troisième, et la plus importante, de ces tendances est la mondialisation. Les avancées technologiques dans le domaine des transports et de la transmission de l’information ont fait rapidement progresser la mondialisation non seulement dans le domaine économique et politique mais aussi dans le monde de l’enseignement et de la recherche, qui est centré sur les universités. Aujourd’hui, aucune université ou système d’enseignement supérieur, quel que soit son pays, n’échappe à la nécessité d’appartenir à un réseau mondial. Ces réseaux s’appuient non seulement sur l’universalité des savoirs et des sciences mais aussi sur les mouvements internationaux des chercheurs et des étudiants. La mobilité internationale augmente d’abord dans les domaines des sciences de la nature et du management, et la concurrence internationale pour acquérir les meilleurs d’entre eux ne cesse de grandir.

Les États-Unis occupent une place centrale dans ce système mondial de l’enseignement supérieur. Ils ont le système et les universités les plus réussies et jouent un rôle central dans le rassemblement et la dispersion des ressources intellectuelles, humaines et matérielles mondiales. Pour les autres pays, « mondialisation » signifie par conséquent « américanisation ». Les États-Unis occupent la place de fournisseur des standards mondiaux tant pour l’organisation des études ou l’évaluation des résultats de recherche que dans les institutions d’enseignement supérieur spécialisées que sont les écoles de commerce, et ce sont vers eux que se tournent les autres pays pour trouver les modèles de réformes à mettre en place. Le Japon ne fait pas exception à la règle.

Les trois raisons pour lesquelles les universités japonaises doivent se réformer

On peut mentionner trois facteurs propres au Japon qui rendent une réforme des universités nécessaire.

Le premier est son évolution démographique. Le nombre de jeunes âgés de 18 ans, qui était de l’ordre de 1,5 million jusqu’au milieu des années 80, a ensuite rapidement augmenté pour culminer à 2,05 millions en 1992. Il a ensuite connu une baisse rapide en passant à 1,51 million en 2000, et à 1,22 million en 2010 (Graphique 2). Cette évolution drastique a eu un impact important sur l’enseignement supérieur japonais dans lequel la place du secteur privé est très importante. En dépit de la progression du taux d’accès à l’enseignement supérieur, la majorité des universités privées qui ont cherché à s’agrandir lorsque la population augmentait rapidement n’arrivent plus depuis la fin des années 90 à recruter autant d’étudiants qu’elles peuvent en accueillir. Il s’agit d’une expérience nouvelle pour les universités japonaises dont une des caractéristiques a longtemps été les examens d’entrée d’une grande difficulté qu’elles organisaient pour sélectionner les meilleurs parmi les candidats qui étaient bien plus nombreux que les places disponibles. Voilà pourquoi elles doivent aujourd’hui se réformer d’urgence, globalement, non seulement dans leurs méthodes pour attirer et sélectionner les candidats ou le type d’enseignement qu’elles offrent à ceux qu’elles ont admis, mais aussi dans l’organisation de la recherche et de l’enseignement et leurs orientations financières et managériales.

Le deuxième découle des fluctuations de l’économie. Depuis l’effondrement de la bulle spéculative au début des années 1990, l’économie japonaise ne parvient pas à sortir de son marasme et cela a d’importantes répercussions sur la réforme des universités. Le Japon s’est lancé avec retard par rapport aux autres pays dans la mondialisation et la révolution de l’information. La perception que les universités devaient s’améliorer pour former des ressources humaines afin de combler ce retard, et qu’elles devaient aussi relever leur niveau de recherche fondamentale et appliquée, s’est généralisée.

Les partis politiques et les acteurs économiques ont fait assaut de propositions de réformes de l’enseignement focalisées sur l’université en exigeant d’elle des efforts pour promouvoir une plus grande ouverture, un plus grand dynamisme dans le domaine de l’enseignement comme de la recherche, et pour développer plus activement les échanges avec les entreprises, essentiellement par des projets de recherche associant universités et entreprises. Ils leur demandaient aussi de faire preuve de leur capacité à se réformer afin de relever leur niveau de recherches et de s’attaquer à la réforme de leurs structures. Le rôle essentiel que doivent jouer les université dans la société fondée sur le savoir et les connaissances a été identifié très tôt, ainsi que leur importance stratégique comme moyen suprême d’assurer la victoire de leur recherches dans la compétition mondialisée qui fait rage dans les technologies de pointe. Au cœur de la crise économique engendrée par la fin de la bulle spéculative, le lien avec la nécessaire réforme des universités a enfin été abordé.

Le troisième facteur important est le changement de politiques. Lorsque Nakasone Yasuhiro a pris la tête du gouvernement en 1983, il s’est proclamé partisan du néo-libéralisme, et a entamé un changement politique avec pour maîtres mots, la réforme réglementaire et les réformes structurelles. Le gouvernement formé par Koizumi Junichirô en 2001 l’a repris, et ce changement a eu un impact considérable sur la réforme des universités. La déréglementation s’est accélérée dès dans les années 90 par la révision des critères de création des universités, qui définissent les conditions fondamentales de l’organisation et de l’enseignement des universités. Les universités se sont vu accorder la liberté d’organiser leurs cursus jusqu’alors très réglementés, et cela a conduit à la création de nouveaux départements offrant de nombreux nouveaux cursus et dénominations. Le processus d’homologation des nouveaux établissements d’enseignement supérieur a aussi été assoupli, et cela a fait passer le nombre d’universités au Japon de 507 en 1990 à 649 en 200, et 782 en 2013 (Graphique 3).

Les réformes structurelles entraînées par la déréglementation ont aussi progressé dans les universités nationales placées jusqu’alors sous l’autorité directe du ministère de l’Éducation. Les principes de concurrence ont été introduits dans la répartition du financement public, à commencer par celui de la dotation de recherche, et les universités ont été encouragées à accepter des financements privés pour la recherche. Ainsi les universités publiques et privées ont été libérées de la protection et du contrôle du ministère. On attend à présent d’elles qu’elles assument leurs responsabilités non seulement sur le plan de l’enseignement et de la recherche, mais aussi sur celui de leur gestion et leur financement et qu’elles participent à la compétition pour leur développement et leur survie.

La réforme des universités nationales

L’évolution qui a vu les universités nationales se transformer en entreprises publiques administrativement indépendantes représente de manière extrême l’orientation des diverses réformes des universités. Pendant très longtemps, elles étaient placées sous l’autorité directe du ministère de l’Éducation ; leurs enseignants appartenaient à la fonction publique d’État, et leur liberté de gestion à commencer par la répartition de leurs moyens financiers et humains, était limitée. Ce sont elles qui ont subi le plus fortement l’impact de la concurrence internationale entre universités induite par les progrès de la mondialisation évoqués ci-dessus.

Parmi les quelque 800 universités japonaises, moins de 90 sont nationales. Elles font partie de celles dont la qualité est la plus élevée, car elles se sont spécialisées dans la formation de chercheurs et d’experts, principalement dans le domaine des sciences de la nature. 57 % des étudiants actuellement inscrits en master, et 69 % de ceux inscrits en doctorat le sont dans des universités nationales. 

Ce sont elles qui occupent les places les plus élevées dans les classements mondiaux des universités. Dans celui de la revue britannique Times Higher Education pour l’année 2013-2014, l’Université de Tokyo est la première université japonaise, à la vingt-troisième place. Parmi les dix autres universités japonaises dans les 400 premières de ce classement, neuf sont des universités nationales, et la dernière est une université publique [le Japon distingue entre les universités nationales, dont le financement provient du budget de l’État, et les universités publiques, financées par les collectivités locales—N.d.T.]. Parmi les dix universités nationales, sept sont d’anciennes universités impériales, c’est-à-dire qu’elles ont une plus longue histoire que les autres universités nationales. Il est à noter que les deux universités privées qui figuraient parmi les 400 premières du classement 2012-2013 ont disparu du classement 2013-2014. Si le Japon veut conserver son rôle dans la compétition économique internationale déterminée par les sciences et les technologies, sa priorité doit être de renforcer la compétitivité internationale de ses universités nationales.

Classement mondial des universités japonaises (2013-2014)

rang  
23 Université de Tokyo (nationale)*
52 Université de Kyoto (nationale)*
125 Université de technologie de Tokyo (nationale)
144 Université d’Osaka (nationale)*
150 Université du Tôhoku (nationale)*
201-225 Université de Nagoya (nationale)*
201-225 Université métropolitaine de Tokyo (publique)
276-300 Université de médecine et d’odontologie de Tokyo (nationale)
300-350 Université de Hokkaidô (nationale)*
300-350 Université de Kyûshû (nationale)*
300-350 Université de Tsukuba (nationale)

* ancienne université impériale
Source : World University Rankings, Times Higher Education

Au terme de longues discussions rendues intenses par l’opposition des universités, les universités nationales ont cessé en 2004 d’être placées sous le contrôle et le patronage direct du ministère de l’Éducation pour devenir des entreprises publiques administrativement indépendantes. Les universités nationales ont été « privatisées ». En effet, leur financement se compose aujourd’hui des subventions de l’État d’une part, et d’autre part, des frais de scolarités, des revenus que leur apportent les institutions qui leur sont rattachées (principalement des hôpitaux), ainsi que des dotations de recherche venant du gouvernement et des entreprises.

C’est de cette façon qu’en 2004, le nouveau slogan de la politique gouvernementale en matière d’universités qui a remplacé « contrôle et patronage » est « liberté et concurrence ». Le but recherché n’était rien moins qu’une révolution de l’enseignement supérieur au Japon.

Renforcer la compétitivité passe par l’internationalisation

Dix ans plus tard, cette révolution n’est pas terminée. Globalement, ces mesures destinées à apporter « liberté et concurrence » ont fait naître plus de nouveaux problèmes qu’elles n’ont produit de résultats, et elles ont suscité de nouvelles prises de conscience.

La question perçue comme la plus importante est sans aucun doute l’internationalisation des universités confrontées à la mondialisation. Parallèlement au changement de statut juridique des universités nationales, l’intérêt pour les classement internationaux a progressé, et la nécessité de développer et de renforcer des « universités de recherche » est devenue prépondérante.

Comme nous venons de la voir, les classements internationaux ne sont pas défavorables aux universités japonaises. On peut rappeler au passage que le Japon est le seul pays non-européen et non-américain à avoir produit plusieurs prix Nobel. Il n’en est pas moins vrai que globalement, les universités japonaises ne sont pas au même niveau que les universités américaines ou anglaises, et que peu d’entre elles se situent dans le haut des classements. De plus, au moment où les universités des pays et régions d’Asie de l’Est gagnent du terrain dans ces classements, l’inverse se produit au Japon. Ces classements s’intéressent d’abord au niveau des activités d’enseignement et de recherche. Au Japon, on a compris aujourd’hui que ce qui fait avant tout perdre des places aux universités japonaises, c’est leur faible niveau dans les indices liées à l’internationalisation, comme le nombre de professeurs étrangers, ou d’étudiants étrangers.

Les universités japonaises ont pendant de longues années contribué significativement à la croissance économique et à la modernisation du pays. Elles ont pu le faire parce qu’elles ont réussi en peu de temps à sortir le pays de sa dépendance sur l’Occident dans les domaines de l’enseignement et de la recherche, parce qu’elles ont réussi en d’autres termes à devenir autonomes. Dès le début du siècle dernier, l’enseignement supérieur au Japon se faisait en japonais par des Japonais, et les universités produisaient déjà des résultats de recherche, certes peu nombreux, de niveau mondial dans des domaines comme la physique, les technologies ou la médecine. Avant guerre, les universitaires avaient l’habitude d’aller étudier deux ou trois ans à l’étranger tôt dans leur carrière, non pour obtenir un grade universitaire, mais pour être en contact avec les sciences occidentales les plus avancées, et le nombre d’étudiants japonais à l’étranger était très limité. Cette « autonomisation » des universités a permis de former des ressources humaines en grande quantité, rapidement, à peu de frais, et elle a contribué au succès de la modernisation et de l’industrialisation du Japon.

La raison pour laquelle les universités japonaises ont réagi avec retard à la mondialisation est que Cette autonomisation s’est ensuite transformée en une structure rigidifiée, hiérarchisée, fermée. Pour augmenter le nombre d’universités de recherche figurant dans les classements mondiaux, et améliorer le rang des universités japonaises dans ceux-ci, il est essentiel de promouvoir la compétition entre les universités au Japon. Cela seul ne suffira pas. Il faut aussi chercher à relever leur niveau et à dynamiser la recherche universitaire, en acceptant activement plus de chercheurs et d’étudiants étrangers de qualité, en augmentant les cours et les cursus universitaires offerts en anglais, et enfin en envoyant plus de chercheurs et d’étudiants japonais à l’étranger. Le moment est venu pour les universités japonaises qui ont fait de si grands efforts pour devenir autonomes de se lancer dans leur troisième ouverture, après celles des débuts de l’ère Meiji et de l’immédiat après-guerre.

De nouveaux obstacles sur le chemin des réformes

L’internationalisation n’est pas seulement une affaire de classement. Les données des comparaisons internationales publiées chaque année par l’OCDE servent à faire prendre conscience des diverses faiblesses des universités japonaises à la lumière des standards internationaux, en d’autres termes des obstacles qu’elles doivent surmonter pour se réformer.

Prenons par exemple celles qui montrent que la dépense publique pour l’enseignement supérieur rapportée au PIB est au Japon, pays qui compte un très grand nombre d’universités privées, la plus faible de l’ensemble des pays de l’OCDE (Graphique 4). On peut en déduire que les familles doivent dépenser beaucoup pour l’éducation de leurs enfants, ce qui conduit à des inégalités dans l’accès à l’enseignement supérieur, et enfin que le niveau de recherche universitaire des universités privées qui dépendent des revenus que leur apportent les frais de scolarité est faible. Le fait est que depuis plusieurs décennies les aides publiques aux universités privées stagnent à environ 10 % de leur budget. De plus, dans les dix dernières années, les subventions publiques accordées aux universités nationales ont été réduites de 10 %. Si l’universalisation de l’enseignement supérieur doit progresser dans une période de faible dépense publique, le risque de voir une accélération de la baisse de la qualité de la recherche et de l’enseignement existe.

Les données de l’OCDE mettent aussi en évidence qu’au Japon, il y a par comparaison avec les autres pays, un faible taux d’étudiants adultes au sein de la population étudiante. L’écrasante majorité des étudiants japonais dans les universités japonaises qui sélectionnent leurs étudiants par un concours d’entrée à la fin du lycée sont des jeunes dans ce cas. Rares sont qui reprennent des études après avoir travaillé. Cette situation demeure inchangée aujourd’hui alors même que les universités privées connaissent des difficultés à remplir leurs bancs en raison de la baisse démographique. Alors que nous entrons dans l’ère de la société où l’on apprend toute sa vie, les universités japonaises demeurent un univers réservé à la jeunesse, une autre différence importante avec l’Europe et les États-Unis.

Cela a un profond rapport avec le retard pris par les universités japonaises dans le domaine du deuxième cycle de l’enseignement universitaire. Pendant longtemps, les universités japonaises ont considéré que le deuxième cycle avait pour rôle de fournir un enseignement spécialisé ou menant à une spécialisation professionnelle, et qu’il était destiné à former des chercheurs. Malgré la réforme par laquelle après la Deuxième Guerre mondiale elles ont adopté le système américain, ce n’est qu’en 2004 que le Japon a introduit un système de deuxième cycle spécialisé sur le modèle des graduate schools américaines, qui ne concerne aujourd’hui que moins de dix pour cent des étudiants inscrits en master. La demande en ressources humaines ayant reçu une formation spécialisée de haut niveau étant en hausse, le pourcentage d’étudiants s’inscrivant en master avec pour paramètre le nombre d’étudiants ayant obtenu leur licence augmente, passant de 6,4 % en 1990 à 10,3 % en 2000, et à 12,9 % en 2010. Il reste cependant peu élevé comparé aux pays européens et américains.

L’impopularité des formations de deuxième cycle en lettres et sciences humaines est la première raison de ce faible taux. Seuls 17,8 % des étudiants inscrits en deuxième et troisième cycles en 2013 l’étaient en lettres et sciences humaines, tandis 56,5 % l’étaient en sciences (dont 41,5 % en sciences de l’ingénieur). Ces pourcentages signifient que les fonctions du deuxième cycle universitaire en matière de formation de ressources humaines spécialisées dans des domaines autres que les sciences sont faibles, et que les formations de deuxième cycle ne sont pas ouvertes aux étudiants qui reprennent des études. Le manque de popularité des business schools, qui sont représentatives des formations en sciences humaines, symbolise le retard pris par le Japon à cet égard.

Quel avenir pour les réformes universitaires ?

Dans un Japon où le vieillissement démographique progresse dans un contexte de stagnation économique, les dépenses publiques pour la sécurité sociale occupent une place en augmentation constante dans les finances publiques. Loin de croître, les montants consacrés à l’enseignement, dont le niveau est déjà faible du point de vue international, devraient subir de nouvelles réductions. Dans ce contexte difficile, il est fort possible que la liberté et la concurrence dans l’enseignement agrandissent encore l’écart entre les universités en terme de compétitivité, notamment dans le domaine de la recherche, et que l’on arrive à ce que l’on ait quelques gagnants et beaucoup de perdants. Par ailleurs, pour ce qui concerne les universités nationales devenues des entreprises publiques administrativement indépendantes, si le contrôle direct du ministère de l’Éducation a été assoupli, le contrôle indirect par le biais du financement indirect (subventions etc.) a été renforcé, et il est critiqué comme constituant une entrave à leur autonomie.

Il est à craindre que la liberté et la concurrence dans le cadre d’investissements publics limités n’aient pas les effets souhaités, à savoir l’assouplissement et la polyvalence, mais qu’au contraire elles fassent progresser plus encore leur hiérarchisation et mènent à un enseignement supérieur ayant la forme d’une pyramide aux pentes encore plus aiguës. Jusqu’à quel point les réformes mises en place depuis une vingtaine d’année sous l’égide de la déréglementation réussiront-elles à transformer les universités japonaises en les rendant capable de répondre aux demandes diverses du monde de demain, qui sera une société de technologie avancée, basée sur les connaissances, de formation permanente ? Il convient de suivre de près l’orientation qui leur sera donnée.

(D’après un original en japonais publié le 28 janvier 2014. Photo de titre : site Internet de Times Higher Education)

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