Les virus, ennemis mortels de l’humanité

Destruction de la nature et surpopulation : les facteurs secondaires à la naissance des nouveaux virus

Santé Environnement Société Science

De nouvelles maladies infectieuses émergent les unes après les autres. Depuis 1950, une quarantaine de pathologies ont ainsi été répertoriées. Dans de nombreux cas, la cause de l’émergence de tels fléaux est directement liée à la destruction de l’environnement naturel de la faune sauvage et à la pression sur leur habitat. La sur-urbanisation de la société crée également un contexte à l’émergence de foyers infectieux, propice à des évolutions pandémiques.

Pression sur l’habitat de la faune sauvage

Ces dernières années sont apparus de nombreux virus meurtriers comme l’Ebola, la grippe aviaire, le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), et actuellement le Covid-19...

Comme l’explique Ishi Hiroyuki, journaliste environnementaliste, auteur de « Histoire mondiale des maladies infectieuses » (Kansenbyô no sekaishi), la première cause de la multiplication des maladies infectieuses vient de la destruction par l’homme de l’environnement.

Ishi Hiroyuki, spécialiste de l’environnement
Ishi Hiroyuki, spécialiste de l’environnement

L’exploitation humaine des ressources naturelles et la destruction à grande échelle des environnements, à commencer par la couverture forestière, se poursuivent. La faune sauvage, qui vivait sans rien demander à personne à distance de l’homme, perd progressivement son habitat et sa nourriture du fait de la destruction des écosystèmes, et se retrouve à empiéter sur l’habitat des hommes. La frontière entre l’humain et l’animal sauvage, jusqu’alors clairement délimitée, est devenue plus floue, et les virus trouvent de plus grandes facilités à se propager en profitant de l’intermédiaire des animaux proches de l’homme (bétail et animaux domestiques).

La fièvre hémorragique Ebola est apparue dans plus de trente foyers d’épidémie entre 1976 et 2019 en Afrique de l’Ouest. La maladie est extrêmement contagieuse et les malades meurent d’hémorragie de tout le corps, avec un taux de létalité qui pourrait atteindre 90 %. Il s’agirait de la maladie infectieuse la plus grave, qui est même transmissible par le corps des malades décédés. Le réservoir naturel du vecteur viral de cette maladie serait constitué par une famille de chauve-souris tropicale de grande taille, de près d’un mètre, comme les roussettes (appelés aussi renards volants).

« Les épidémies d’Ebola se sont déclenchées généralement peu de temps après le développement d’exploitations minières qui détruisent les environnements forestiers, comme au Gabon », souligne M. Ishi.

L’alimentation carnée est aussi un grand coupable

Le développement de l’alimentation carnée à travers le monde, qui conduit à une multiplication des animaux d’élevage, est lui aussi un facteur de propagation des maladies émergentes.

La consommation de viande continue de croître, et bovins, porcins, poulets et autres espèces sont élevées en masse pour leur viande. Pour M. Ishi, la propagation des épidémies passe par des chaines atypiques.

En 1998-99, dans la partie malaisienne de Bornéo, plus d’une centaine de personnes sont mortes après de fortes fièvres et d’intenses céphalées. L’armée a été envoyée pour abattre les porcs d’un village, qui avaient transmis la maladie.

Non loin de Bornéo, Singapour, un pays de taille très réduite, avait mené une campagne contre les nuisances (odeurs) du bétail, et le gouvernement singapourien avait interdit l’élevage privé de porcs, de sorte que la viande de porc était importée de la Malaisie voisine. En conséquence, l’élevage de porcs s’est accru à Bornéo pour profiter de ce marché, et les élevages se sont développés en zones forestières. Les chauves-souris frugivores de grande taille qui sont nombreuses dans la région ont commencé à répandre le virus dont elles sont le réservoir naturel par leurs déjections, infectant en cascade les porcs puis les humains. C’est la maladie à virus Nipah, qui connut ensuite plus d’une dizaine de nouvelles épidémies, en Asie et en Inde.

Le châtiment pour avoir méprisé l’environnement ?

Les zones humides et les zones de nidification hivernale des oiseaux migrateurs sont en forte diminution depuis ces dernières années. Cela a fortement influencé le développement de la grippe aviaire. « La densité de population aviaire a tellement augmenté dans les zones d’hivernage que les risques de transmission des virus par les canards sont multipliés », déclare M. Ishi, lui-même un expert sur les questions environnementales.

On estime que la plupart des maladies émergentes, comme le nouveau coronavirus, ont une origine animale. Ce qui donne à ces phénomènes l’aspect d’un châtiment envoyé par la nature pour avoir méprisé l’environnement.

Les villes : des environnements surpeuplés et insalubres

Le surpeuplement urbain alimente la flambée des maladies infectieuses. Au Royaume-Uni, aux débuts de la révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle, les grandes villes se sont trouvées en état de grave surpopulation. Alors que les prolétaires affluaient des zones rurales, les fonctions urbaines telles que le logement, l’approvisionnement en eau potable et l’élimination des déchets ne suivaient pas. Des bidonvilles se sont formés un peu partout. « L’insalubrité de l’environnement et la surpopulation ont favorisé la propagation des maladies », souligne M. Ishi.

le médecin britannique John Snow, qui démontra que le choléra se transmettait par l’eau potable (U.S. National Library of Medicine)
Le médecin britannique John Snow, qui démontra que le choléra se transmettait par l’eau potable (U.S. National Library of Medicine)

En 1831, une épidémie de choléra a fait 140 000 morts au Royaume-Uni. À l’époque, les citoyens ne disposant pas d’eau potable utilisaient des puits pollués par les eaux usées. Le docteur John Snow a étudié les quartiers les plus touchés par le choléra et a constaté que les habitants buvaient l’eau de la Tamise.

Il en a conclu que le choléra était transmis par l’eau, en contradiction avec la théorie dominante qui croyait que la maladie était transmise par l’air. C’est le début de l’épidémiologie, qui conduira à l’amélioration drastique de l’acheminement de l’eau et des eaux usées. Le docteur Snow est aujourd’hui reconnu comme le père de l’épidémiologie.

Les virus sur les navires

« Les navires du commerce des esclaves ont montré les premiers que les virus adoraient les environnements à forte densité humaine », explique M. Ishi. Dans certains cas, 30 à 50 % des esclaves embarqués en Afrique décédaient au cours de la traversée de l’Atlantique avant leur arrivée en Amérique. Les virus savent que dans un environnement surpeuplé, ils auront plus de facilité à se communiquer d’un humain à un autre.

C’est le problème qui s’est posé avec la contamination du nouveau coronavirus à bord du navire de croisière Diamond Princess. « L’environnement était idéal pour le Covid-19, avec 3 700 personnes, dont de nombreuses âgées à risque, confinées à bord... Selon le CDC (Center for Disease Control) américain, 110 foyers infectieux ont été répertoriés dans le monde », rapporte M. Ishi. Quel que soit le niveau de luxe du navire, le virus ne fait pas de quartier... 

Le Diamond Princess, un bateau de croisière a été un cluster au nouveau coronavirus. 12 février 2020, quai Daikoku à Yokohama (Jiji)
Le Diamond Princess, un bateau de croisière a été un cluster (foyer infectieux) au nouveau coronavirus. 12 février 2020, à Yokohama (Jiji Press)

La responsabilité chinoise

« La Chine a une grande responsabilité dans le déclenchement de l’épidémie », déclare M. Ishi, qui avait très précisément prédit la pandémie actuelle dans un ouvrage qu’il a publié il y a six ans. Sous le titre « La Chine, potentiel nid à maladies infectieuses » (Kansenshô no sôkutsu ni nariuru Chûgoku), il avait même prévu la propagation de l’épidémie à la faveur des grands déplacements du Nouvel An chinois. Un pays d’un milliard quatre cent millions d’habitants qui a encore de graves problèmes d’hygiène publique, si l’on excepte les métropoles.

« Une autre préoccupation est que la Chine a pris pied en Afrique de l’Ouest, où les questions d’hygiène ne sont pas plus avancées. De nombreux techniciens chinois poursuivent la destruction de l’environnement en Afrique pour exploiter les ressources du sous-sol », dans des régions où dort la plus terrible des maladies infectieuses. Si par malheur le virus Ebola était introduit en Chine… de quoi en avoir des sueurs froides rien que d’y penser.

(Photo de titre : des travailleurs portant une combinaison protectrice transportent une victime du virus Ebola, à Beni, en République du Congo, le 14 juillet 2019 © Jerome Delay/AP Photo/Aflo.)

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