Vers une nouvelle ère impériale, vers un nouveau Japon

Chronologie des principaux événements qui ont mené à l'abdication de l'empereur

Politique Société

Depuis l’ère Meiji, la succession au trône n’avait eu lieu qu’après la mort de l’empereur, qui était censé régner à vie. La dernière exception datait d’il y a environ deux siècles, en 1817, lorsque l’empereur Kôkaku abdiqua de son vivant. Il en sera de même pour l’empereur actuel Akihito, afin de respecter sa volonté de se retirer de la vie publique. Son abdication prendra effet le 30 avril 2019. Revenons sur les différentes étapes qui ont rendu cet incroyable événement possible.

Une allocution télévisée de l'empereur lui-même

Tout commence le 13 juillet 2016, par un scoop de la chaîne de télévision NHK qui annonce lors de son journal télévisé que « l’empereur a exprimé sa volonté d’abdiquer » et qu’il « souhaite se retirer dans les prochaines années ».

Le 8 août de la même année, l’empereur s’adresse au peuple japonais dans un message enregistré. Le souverain est alors âgé de 82 ans. Il a pu jusqu’à présent se remettre des interventions chirugicales subies pour un cancer de la prostate d’abord, un pontage coronarien ensuite, et continuer à procéder à ses fonctions officielles. La succession au trône uniquement après le décès de l’empereur est stipulée aussi bien dans la Constitution du pays que dans le Code de la Maison impériale, et l’empereur lui-même n’a pas le droit de réformer cette disposition car toute activité à caractère politique lui est interdite. C’est dûment conscient de cette situation que l’empereur a expliqué les raisons de sa volonté d’adbiquer lors de son allocution télévisée.

Ces raisons, au nombre de trois, sont résumées ici :

  • La difficulté de ne pas pouvoir remplir « corps et âme » ses fonctions officielles de symbole comme il l’a fait jusqu’à présent, en pensant aux limites physiques qui seront de plus en plus contraignantes.
  • La crainte qu’en cas de situation grave à l’avenir, provoquée par la maladie par exemple, la société japonaise ne connaisse une période de stagnation et que la vie de la nation n’en soit négativement influencée.
  • En cas de succession après le décès de l’empereur, il sera extrêmement pénible pour la famille impériale de participer simultanément aux manifestations en rapport avec les funérailles mais également à celles relatives à la nouvelle ère.

À noter, l’argument avancé ici selon lequel la fonction de « l’empereur en tant que symbole » est d’être en permanence aux côtés de son peuple et qu’il ne serait donc pas bon que le règne se poursuive à vie alors que l’empereur est dans l’incapacité de remplir ses fonctions. Sur ce point, le message a fait fortement ressentir une opposition à la solution d’adopter un régime de régence afin de représenter l’empereur.

Soutien de l’opinion, et action du corps législatif

Selon les dernières informations, l’empereur aurait commencé à parler à son entourage de son intention d’abdiquer de son vivant en 2010. Il aurait cherché l’occasion afin de marquer le trentième anniversaire de son accession au trône. Après la diffusion de l’allocution télévisée, l’opinion publique était favorable de 80 à 90 % à l’abdication et la volonté de l’empereur a été renforcée par ce soutien.

En novembre 2016, le Premier ministre Abe Shinzô réunit une commission de 16 experts à qui il demande leur avis sur la question. À ce moment-là, les spécialistes sollicités ont des opinions nettement partagées.

D’autre part, dans les deux Chambres du Parlement, les débats du corps législatif en rapport avec l’abdication de l’empereur régnant commencent en janvier 2017. Le 17 mars, 4 personnes, les présidents et vice-présidents des deux chambres, présentent au Premier ministre Abe leur conclusion concernant la réforme juridique et les mesures législatives permettant à l’empereur d’abdiquer, à savoir adopter une loi exceptionnelle.

Par contre, les opinions selon lesquelles l’abdication de l’empereur devrait être mentionnée dans le Code de la Maison impériale ne sont pas confirmées et l’abandon actuel du pouvoir est considéré « comme une mesure d’exception ». Le caractère ponctuel de la réforme est donc souligné et au cas où le problème venait à se reproduire « le Parlement aura alors la responsabilité de décider, au cas par cas ».

Le gouvernement, après discussions au sein des Chambres, a commencé à élaborer un projet de loi qui a été approuvé par le Conseil des ministres en mai, résolu et établi par le Parlement le 9 juin.

Les grandes dates jusqu’à l’abdication de l’empereur

2016 13 juillet Scoop de la NHK annonçant la volonté de l’empereur d’abdiquer de son vivant
8 août Diffusion de l’allocation télévisée de l’empereur
23 septembre Établissement d’une commission d’experts du gouvernement et de la maison impériale
17 octobre Première réunion de la commission d’experts
2017 17 mars Les deux chambres du Parlement élaborent une proposition de loi en vue d’adopter une loi exceptionnelle autorisant l’abdication.
21 avril La commission d’experts présente son rapport final.
19 mai Le gouvernement décide en conseil ministériel de la proposition de loi exceptionnelle pour l’abdication.
9 juin La loi exceptionnelle est adoptée par le Parlement et mise en vigueur.
8 décembre Le gouvernement décide en conseil ministériel par décret que la date de l’abdication sera le 30 avril 2019.
2018 1er janvier Le gouvernement établit un Comité exécutif pour la préparation des cérémonies d’abdication et d’intronisation.
2019 24 février Cérémonie officielle du gouvernement pour la commémoration des 30 ans de règne de l’empereur
1er avril Annonce par le gouvernement du nom de la nouvelle ère « Reiwa »

Annonce du nom de la nouvelle ère un mois avant la prise d’effet

En décembre 2017, le gouvernement décide que l’abdication aura lieu le 30 avril 2019. Jusque là, tout se déroule pour le mieux. Mais la décision concernant la date de l’annonce préalable de la nouvelle ère se révèle bien plus difficile que prévu...

Le gouvernement, tenant compte des modifications à apporter aux systèmes informatiques et des travaux des imprimeurs de calendriers et d’agendas, avait étudié au départ la possibilité d’annoncer le nom de la nouvelle ère à l’été 2018. Car la résolution annexe de la loi exceptionnelle mentionnait précisément que « la vie des citoyens ne devait pas être perturbée par le changement d’ère. » Mais les conservateurs ayant déclaré que c’était faire preuve d’un manque d’égards vis-à-vis de l’empereur actuel, la possibilité de faire l’annonce en février, au moment de la cérémonie de commémoration du 30e anniversaire de l’intronisation, a été mise à l’étude.

Alors que les conservateurs, insistant sur le fait que le nom d’une ère est inséparable de l’empereur, continuaient à s’opposer à une annonce préalable qui selon eux briserait la tradition, le Cabinet du Premier ministre a procédé à des arrangements en coulisse et, lors de sa conférence de début d’année, M. Abe a enfin déclaré que l’annonce serait faite le 1er avril, un mois avant la montée sur le trône du nouvel empereur.

Le secrétariat du Cabinet s’est tout d’abord adressé officieusement à des spécialistes de littérature japonaise et de littérature chinoise, d’histoire du Japon et d’histoire de l’Asie, effectué un premier choix de 20 à 30 noms d’ère qu’il a présenté à M. Suga, secrétaire général du Cabinet environ deux mois à l’avance. Par la suite, le secrétaire général principalement a retenu six propositions jusqu’à environ une semaine avant le 1er avril et, après réunion de la commission d’experts le jour dit, le nom de la nouvelle ère a été présenté et adopté lors d'une réunion extraordinaire du Conseil des ministres. (Voir notre article lié.)

(Photo de titre : édition spéciale du journal annonçant l’allocution télévisée de l’empereur indiquant son intention d’abdiquer, distribuée devant la gare de Shinbashi à Tokyo, le 8 août 2016. Jiji Press)

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