Les Deaflympics 2025 à Tokyo : sensibiliser le public aux handisports
Sport- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
101 ans après la première édition à Paris
Les Deaflympics sont une compétition multisports internationale organisée par le Comité international des Sports des Sourds (CISS). C’est la première fois que ces jeux se tiennent au Japon, et environ 6 000 athlètes venant de 70 à 80 pays y participent sur les 12 jours de compétition, du 15 au 26 novembre.
Cet événement marque également le centenaire des Deaflympics qui ont eu lieu pour la première fois à Paris en 1924. Il est donc bien plus ancien que les Jeux paralympiques qui datent d’après la Seconde Guerre mondiale.
Trois éléments principaux forment la base de cette édition des jeux à Tokyo : sensibiliser le monde à l’attrait et la valeur des sports pour sourds et malentendants, organiser un évènement qui rapproche les gens à travers le monde pour le présent et le futur, et parvenir à une société inclusive dans laquelle chaque personne peut donner le meilleur de soi-même. Dans le sillage des Jeux paralympiques de Tokyo en 2021 qui ont approfondi la connaissance du public envers les handisports et aussi amélioré les infrastructures d’accessibilité, les Deaflympics cherchent à progresser davantage vers une société réellement inclusive.
Ishibashi Daigo, président de la Fédération japonaise des sourds, élabore en langage des signes : « Nous cherchons à éliminer les barrières de la langue et de la communication dans nos efforts de créer une société où personne n’est laissé pour compte. Notre objectif est de faire naître une communauté où les gens peuvent vivre ensemble et s’épanouir, qu’ils souffrent d’un handicap ou pas ».

(De gauche à droite) Ôta Yôsuke, chef de la délégation japonaise, Matsumoto Takumi, capitaine de l’équipe de football et porte-drapeau, Ogura Ryô de l’équipe féminine de karaté, et Ishibashi Daigo, président de la Fédération japonaise des sourds, en octobre 2025. (© Jiji)
Des compétitions basées sur des signaux visuels
Au programme de cette édition des jeux, 21 sports dont l’athlétisme, la natation, le tennis, le tennis de table, le judo, le karaté, le volley, et le basket. La majorité des épreuves se dérouleront dans la capitale, au Gymnase municipal de Tokyo, au Parc olympique de Komazawa, et au Tokyo Aquatics Center, mais certaines compétitions seront plus excentrées, comme le football au J-Village, dans la préfecture de Fukushima, et le cyclisme au Centre de sports cyclistes du Japon, dans la préfecture de Shizuoka.
Globalement, les règles sont identiques à celles des sports pour valides, mais les athlètes sourds se basent sur des signaux visuels plutôt que la voix. Par exemple, en athlétisme et en natation, le départ est donné avec un signal lumineux et non un pistolet de départ. Dans le karaté, des voyants s’allument pour indiquer les fautes et les points. Dans le football, les arbitres utilisent des drapeaux en plus de leurs sifflets. Dans le volley, les arbitres secouent le filet pour indiquer des infractions, comme un contact avec le filet.
Dans les sports d’équipe, les athlètes communiquent entre eux par le contact visuel et le langage des signes. Dans les sports individuels tels l’athlétisme, ils utilisent les écrans géants pour saisir les mouvements et la stratégie de leurs concurrents.
Spécialiste en courses de demi-fond, Okada Mio, qui participe à ses troisièmes Deaflympics témoigne de son expérience : « J’ai participé à des compétitions pour athlètes valides, mais c’est souvent dur sans repères auditifs. C’est bien plus simple de savoir là où on en est, en compétition et dans la vie de tous les jours, quand on a des repères visuels comme le langage des signes ou les écrans géants. »
Pour certains athlètes, par contre, la déficience auditive peut avoir ses avantages. Le lanceur de disque Yugami Masateru explique « En compétition, j’enlève la partie externe des implants qui m’aident à entendre. Comme ça, je n’entends plus rien et je peux vraiment me concentrer. » Yugami affronte des athlètes valides en compétition et détient le record du Japon en lancer de disque. Il a participé au championnat du monde en athlétisme en septembre dernier, au Stade national de Tokyo. Il dit avoir été très touché lorsque les spectateurs lui ont montré leur soutien en langage des signes.
Une nouvelle façon d’encourager les athlètes
Pour encourager par le biais de signaux visuels les athlètes sourds et malentendants qui ne peuvent pas entendre les cris et les applaudissements, plusieurs nouveaux signaux ont été développés. C’est le gouvernement métropolitain de Tokyo qui a mis en place ces signaux basés sur le langage des signes, en collaboration avec des artistes sourds.
Dans le langage des signes, les applaudissements sont exprimés en levant les deux mains à la hauteur de la tête et tournant rapidement les poignets. Trois nouveaux signaux ont été développés à partir de celui-ci, pour exprimer « Vas-y ! », « Tu peux gagner ! » et « Une médaille pour le Japon ! ». Des manifestations ont eu lieu dans des écoles et autres lieux pour enseigner ces signaux et faire de ces jeux une expérience partagée par tous, valides ou pas.

Des écoliers s’essayent aux « signaux de soutien » lors d’une manifestation promotionnelle un mois avant les jeux. (© Nippon.com)
Contrairement aux Jeux paralympiques qui sont organisés dans le même cadre que les Jeux olympiques, les Deaflympics restent encore peu connus du public. Le Gouvernement métropolitain de Tokyo et la Fédération japonaise des sourds ont ainsi mis en place des activités promotionnelles à échelle nationale afin de remédier à cette situation.
Selon les organisateurs, les Deaflympics coûteront 13 milliards de yens (environ 70 millions d’euros). Le gouvernement métropolitain de Tokyo contribue à hauteur de 10 milliards de yens à ce budget, et le gouvernement japonais apportera 2 milliards de yens, le reste venant de sponsors et de dons. Malgré la faible notoriété de l’évènement, plus de 130 entreprises et organisations avaient signé des contrats de sponsoring avant la fin du mois d’octobre, une situation plutôt encourageante qui montre un soutien sociétal croissant pour les handisports.
Le gouvernement métropolitain de Tokyo s’appuie sur l’héritage des Jeux paralympiques en utilisant les Deaflympics en tant que moteur dans son initiative Daredemo Tokyo (Tokyo pour tous) qui vise à une meilleure accessibilité pour les personnes âgées ou souffrant de handicaps. Parmi les efforts entrepris envers les sourds et malentendants, citons l’installation d’affichages transparents avec écrans tactiles intégrés pour l’affichage de texte, ainsi que des sonnettes « flash » avec des lumières plutôt que des sonneries, et une application capable de traduite le langage de signes.
Un champion paralympique responsable de la politique sportive
En octobre, Kawai Jun’ichi, un médaillé d’or paralympique en natation, a été nommé commissaire de l’Agence japonaise des sports. Aveugle dès son plus jeune âge, il débute à 17 ans lors des Jeux paralympiques de Barcelone en 1992. Il participe au total à six Jeux paralympiques consécutifs, jusqu’à ceux de Londres en 2012, gagnant 21 médailles au total, dont cinq médailles d’or. La loi fondamentale sur le sport de 2011 au Japon marque un tournant dans l’approche sur les handisports, déclarant que « la promotion du sport tiendra dûment compte du type et niveau de handicap de façon à ce que les personnes concernées puissent faire du sport librement et de façon proactive ». Cela marque un changement d’orientation du bien-être vers l’autonomie. Notamment, en 2014, la juridiction sur les handisports est transférée du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales vers le ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, avec la supervision de l’Agence des sports du Japon. Kawai est le troisième commissaire de l’Agence, après les médaillés d’or olympiques Suzuki Daichi et Murofushi Kôji.
« Ma nomination indique clairement que les sports peuvent aider à construire une société inclusive » dit Kawai. « Je m’investis pour renforcer la valeur du sport en y travaillant à fond. » Fin octobre, il s’est entretenu avec Koike Yuriko, la gouverneure de la capitale, et s’est engagé à soutenir les Deaflympics tout en disant que son rôle était « de faire en sorte à cela devienne un moment inoubliable pour tout le pays ».

Kawai Jun’ichi, Commissaire de l’Agence japonaise des sports, serrant la main de Koike Yuriko, la gouverneurr de Tokyo, le 24 octobre. (© Jiji)
Les mêmes uniformes et la même vision que les JO et les Paralympiques
La délégation nippone portera les mêmes uniformes que ceux des athlètes olympiques et paralympiques en 2024. « Cela nous réjouit profondément », s’est enthousiasmé Matsumoto Takumi, le porte-drapeau et capitaine de l’équipe japonaise de football, lors d’une conférence de presse au Japan National Press Club. « Par conséquent, ce n’est plus une simple participation à une manifestation sportive mais l’enchaînement d’un héritage construit par la communauté des sourds et un tremplin vers l’avenir. Nous voulons poursuivre sur notre lancée, même après la fin des jeux, afin d’améliorer davantage l’environnement pour nos enfants et nos collègues. »
L’équipe japonaise a battu un record en gagnant 30 médailles, dont 12 en or, lors des Deaflympics 2022 au Brésil. Avec le soutien des fans locaux et leurs signaux de soutien, on s’attend à de bonnes performances à Tokyo.
Lorsque les organisateurs lui ont demandé d’écrire un bref message au moment de la même conférence de presse, Ogura Ryô, membre de l’équipe de karaté, a cité un ancien dicton : « Les gouttes de pluie percent la pierre » Ainsi, l’accumulation de petits efforts peut changer le monde. Cette phrase résonne bien avec la vision d’une société plus inclusive.
(Photo de titre : Okada Mio, à gauche, et d’autres athlètes font la promotion des Deaflympics 2025 de Tokyo le 15 octobre, exactement un mois avant le début des jeux. Nippon.com.)