Une idée japonaise pour l’avenir des JO : une co-organisation sur les cinq continents est-elle envisageable ?

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Kirsty Coventry, une Zimbabwéenne âgée de 41 ans, a été élue dixième présidente du Comité olympique international (CIO), devenant la première femme et la première citoyenne d’un pays africain à occuper ce poste. Le premier candidat japonais de l’histoire du CIO, Watanabe Morinari, président de la Fédération internationale de gymnastique, ne l’a pas emporté, mais cela n’enlève rien à l’intérêt de son programme, organiser les Jeux olympiques simultanément dans cinq villes situées chacune sur un continent différent.

Des Jeux olympiques 24h/24 sur les cinq continents ?

Préalablement à l’élection du président du Comité olympique international (CIO), chaque candidat a présenté son programme.

Watanabe Morinari a annoncé le sien ainsi : « Les Jeux olympiques gagnent de l’ampleur d’édition en édition, au point qu’il est aujourd’hui difficile pour n’importe quelle ville de les organiser, tant sur le plan économique qu’environnemental. Par conséquent, cet événement est aussi perçu comme un moyen pour les grandes puissances de souligner leur pouvoir politique, et cela conduit à une perception négative des Jeux. »

La proposition de Watanabe imagine des Jeux d’été ayant lieu simultanément dans cinq villes, située chacune sur un continent différent. Elles seront chargées d’organiser les épreuves dans dix sports pour un total de 50 sports, contre 32 aux JO de de Paris l’an passé. Watanabe propose non de réduire l’envergure des Jeux, mais au contraire d’augmenter le nombre de disciplines en les répartissant dans cinq lieux différents. Une telle organisation, affirme-t-il, permettrait aussi, grâce au décalage horaire, qu’il y ait des épreuves vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Le président de la Fédération internationale de gymnastique Watanabe Morinari, candidat au poste de président du CIO, donne des explications sur son projet de « Jeux olympiques des cinq continents » lors de la conférence de presse consécutive à la présentation des programmes des candidats aux instances olympiques le 30 janvier 2025, à Lausanne. (AFP-Jiji)
Le président de la Fédération internationale de gymnastique Watanabe Morinari, candidat au poste de président du CIO, donne des explications sur son projet de « Jeux olympiques des cinq continents » lors de la conférence de presse consécutive à la présentation des programmes des candidats aux instances olympiques le 30 janvier 2025, à Lausanne. (AFP-Jiji)

Pendant la conférence de presse, il a souligné les avantages offerts par cette vision, mentionnant d’abord un enthousiasme pour ce grand événement sportif partagé par le monde entier, ce qui renforcerait les liens entre les cinq continents. La diminution de la charge imposée aux villes hôtes par l’organisation des Jeux est le deuxième avantage. Cela permettrait à des villes plus petites de les accueillir. Troisièmement, cette formule faciliterait les activités de promotion des sponsors à l’échelle mondiale.

Les Jeux olympiques idéaux de M. Watanabe

Outre Kirsty Coventry et Watanabe Morinari, cinq personnes postulaient à la succession de Thomas Bach : Sebastian Coe, le Britannique qui préside World Athletics, Juan Antonio Samaranch Junior, vice-président du CIO, de nationalité espagnole, David Lappartient, le président français de l’Union cycliste internationale, Johan Eliasch, le président britannique de la Fédération internationale de ski, et le prince Fayçal de Jordanie, membre du CIO.

Watanabe était le seul parmi les candidats à présenter un projet de transformation aussi ambitieux.

Comme gymnaste, celui-ci n’a pas fait de carrière remarquable — il n’a jamais participé aux Jeux olympiques — mais à l’époque où il faisait partie de l’équipe de gymnastique de l’université Tôkai, il a étudié en Bulgarie, où il a développé son réseau dans le monde de la gymnastique rythmique. Embauché ensuite par Jusco (devenu Aeon, géant de la distribution), il a consacré tous ses efforts à faire connaître cette discipline. Puis il est devenu dirigeant de l’Association japonaise de gymnastique, avant de rejoindre la Fédération internationale de gymnastique, qu’il préside depuis 2017.

Le deuxième paragraphe de l’article 32 de la Charte olympique stipule que « l’honneur et la responsabilité d’accueillir les Jeux olympiques sont confiés par le CIO, en principe à une ville qui est élue hôte des Jeux olympiques. » Il est aussi ajouté : « Lorsque cela est jugé approprié, le CIO peut désigner plusieurs villes, ou d’autres entités, telles que des régions, états ou pays, en tant qu’hôte des Jeux olympiques. » Mais cela n’inclut probablement pas la possibilité d’organiser les Jeux simultanément sur les cinq continents.

Les Jeux olympiques, dit-on, sont bien davantage que le rassemblement des championnats du monde de chaque discipline représentée. Le village olympique est la manifestation de cette dimension supplémentaire. La cohabitation dans un seul lieu de sportifs et de responsables sportifs du monde entier, sans égard à la discipline qu’ils pratiquent, favorise les échanges, et les amitiés qui se nouent à cette occasion contribuent à la création d’un monde de paix.

Pour certains, de ce point de vue, l’idée d’organiser cet événement sur les cinq continents n’est pas cohérente avec l’esprit olympique originel. Mais on peut aussi estimer au contraire que ce projet est plus proche de l’idéal olympique dans le sens où il lierait simultanément les cinq continents que symbolisent les cinq anneaux olympiques.

Les progrès technologiques liés à la crise du Covid

Cette vision de Jeux olympiques organisés simultanément sur cinq continents n’est pas impossible à réaliser si l’on utilise les technologies de communication de pointe. « Les progrès technologiques nous permettent de jouir de tous types de voyages et de communication, y compris Internet. Les JO également doivent rechercher un nouveau modèle », souligne Watanabe.

À l’époque de la pandémie, les réunions et les cours en ligne, comme le télétravail se sont développés dans le monde entier, et une nouvelle tendance transcendant la notion de « distance » est apparue dans l’univers du sport.

Le Tour de France par exemple a organisé une course virtuelle dans laquelle des professionnels du monde entier couraient sur un vélo fixe en regardant des images du parcours. La popularité grandissant du « e-sport », dans lequel des joueurs s’affrontent en ligne, fait que le CIO a prévu d’organiser en 2027 les premiers Jeux olympique e-sports en Arabie saoudite.

Le « Tour de France virtuel » qui a eu lieu en juillet 2020, avec la participation de plusieurs des meilleurs cyclistes mondiaux, dont Egan Bernal, vainqueur du Tour de France 2019. (Zwift)
Le « Tour de France virtuel » qui a eu lieu en juillet 2020, avec la participation de plusieurs des meilleurs cyclistes mondiaux, dont Egan Bernal, vainqueur du Tour de France 2019. (Zwift)

La Coupe du monde de football organisée par plusieurs pays

La Coupe du monde de football, un autre événement de portée mondiale, est en avance sur les Jeux olympiques pour ce qui est d’une organisation simultanée dans plusieurs pays. Autrefois aussi, elle n’avait lieu que dans un seul pays, mais celle de 2002 avait été confiée à la Corée du Sud et au Japon. À y repenser, il n’est pas exagéré de dire que cet événement a renforcé les échanges entre les deux pays et approfondi la compréhension internationale.

La Coupe du monde de football 2026 est organisée par trois pays, les États-Unis, le Canada et le Mexique, tandis que celle de 2030 le sera par l’Espagne, le Portugal et le Maroc. Mais il y aura aussi un match dans trois pays d’Amérique latine, tout d’abord l’Uruguay, parce que c’est dans ce pays que la première Coupe de monde a eu lieu en 1930, ainsi que l’Argentine et le Paraguay.

La FIFA annonce que trois matchs de la Coupe du monde de 2030 auront lieu ailleurs que dans les trois pays organisateurs, l'Espagne, le Portugal et le Maroc, dans un projet ambitieux d'une compétition organisée sur plusieurs continents. (Reuters)
La FIFA annonce que trois matchs de la Coupe du monde de 2030 auront lieu ailleurs que dans les trois pays organisateurs, l’Espagne, le Portugal et le Maroc, dans un projet ambitieux d’une compétition organisée sur plusieurs continents. (Reuters)

L’Afrique en ligne de mire

Si l’on considère les pays dans lesquels ont eu lieu les Jeux olympiques jusqu’à présent, on se rend compte que l’Afrique est le seul continent où ils ne se sont jamais tenus. Kirsty Coventry est née à Harare, la capitale du Zimbabwe, un pays enclavé du sud de ce continent. Après le lycée, elle a étudié dans une université américaine. Récompensée par la médaille d’or du 200 mètres brasse à Athènes en 2004 et à Beijing en 2008, elle a participé à cinq Jeux olympiques au total, de ceux de Sydney en 2000 à ceux de Rio de Janeiro en 2016. Entrée au CIO en 2013, elle en devient ensuite membre exécutive, et elle est aussi ministre des sports du Zimbabwe.

Mme Coventry lors de la conférence de presse qu'elle a donnée après son élection au poste de président du CIO, le 20 mars 2025, à Costa Navarino en Grèce. (AFP-Jiji)
Mme Coventry lors de la conférence de presse qu’elle a donnée après son élection au poste de président du CIO, le 20 mars 2025, à Costa Navarino en Grèce. (AFP-Jiji)

Les Coupes du monde de football ou de rugby, des événements de portée mondiale, ont déjà eu lieu en Afrique du Sud. Si des Jeux olympiques ont lieu sur le continent, ils relieront dans la réalité les cinq continents. Les attentes vis-à-vis de Mme Coventry à cet égard sont fortes.

Il faut créer une structure qui, tout en contrôlant le coût grandissant de l’organisation des Jeux, permette aux pays en voie de développement de devenir des pays hôtes. Pour atteindre cet objectif, une réforme radicale s’impose, afin non seulement d’organiser des Jeux en Afrique, mais aussi de les rendre plus durables. On ne peut que souhaiter que de véritables efforts soient faits pour connecter le monde entier grâce à des formules diverses, comprenant l’utilisation des technologies de communication de pointe.

Peut-on réussir à créer des liens dans un monde divisé ?

Un énorme mur barre la route du CIO : la situation internationale qui voit les divisions devenir sans cesse plus fortes.

Les deux guerres que sont l’agression russe contre l’Ukraine, et le conflit entre Israël et le mouvement islamiste Hamas dans la bande de Gaza assombrissent aussi le monde sportif. Une autre difficulté attend aussi Coventry à la tête de la plus grande organisation sportive mondiale : la politique de l’America first du président américain qui ébranle le monde, comme sa politique étrangère basée sur la force.

Donald Trump a annoncé que le gouvernement fédéral ne reconnaît que deux sexes, le masculin et le féminin, et il a exprimé son intention de ne pas accorder de visa aux athlètes transgenre pour les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. Une personne transgenre déclare une identité sexuelle différente de celle qu’elle avait à la naissance. La participation à des compétitions féminines d’athlètes de sexe masculin à la naissance mais déclarant une identité sexuelle féminine suscite de vives discussions du point de vue de l’équité.

Dans son « cadre sur l’identité, l’inclusion, et la non-discrimination sur la base de l’identité sexuelle et de l’intersexuation », le CIO a affirmé son intention de respecter ces principes en affirmant que « des athlètes ne doivent pas être exclus uniquement en raison de leur identité ou de leur intersexuation ». Sur ce point, le CIO et le président Trump sont en désaccord.

Voici ce que Mme Coventry a déclaré à ce sujet dans une interview au magazine américain The Athletic : « Les fédérations sportives internationales ont joué un rôle important dans l’élaboration de règles concernant les athlètes transgenres, mais le CIO doit assumer à cet égard un rôle de leader. »

Dans sa réponse à une question sur les rapports du CIO avec le président Trump, elle a abordé l’indépendance du sport en déclarant : « Tout homme politique voit probablement un événement sportif comme un endroit où faire passer toutes sortes de messages. Notre devoir au CIO est de protéger notre neutralité. C’est simple à dire, mais la seule méthode pour le faire est de protéger notre honnêteté et notre sens des valeurs. »

Il ne sera pas facile de réparer notre monde divisé. Les relations entre les États-Unis et l’Europe sont très affectées par la garantie de sécurité en Ukraine et le soutien armé à ce pays. Parce que notre époque est ce qu’elle est, le mouvement olympique (par la propagation de l’esprit olympique) qui vise à promouvoir la paix dans le monde, au-delà des murs que constituent les pays et les races, les religions et les identités sexuelles, est important. Ce que nous attendons de la nouvelle présidente du CIO est qu’elle fasse preuve d’un leadership capable de créer des liens entre les cinq continents, sans céder aux pressions politiques.

(Photo de titre : Thomas Bach, alors président du CIO, et Watanabe Morinari, président de la Fédération internationale de gymnastique lors de la remise des médailles des épreuves de gymnastique par équipe féminine, le 1er août 2024. Xinhua/Abaca Press/Kyodo News Images)

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