Contes et légendes du Japon

« Hanasaka Jîsan » : l’homme qui commandait aux fleurs

Culture

Hanasaka Jîsan raconte l’histoire d’un voisin jaloux des récompenses d’un honnête homme.

Un petit chiot abandonné

Autrefois, un honnête vieillard marchait dans la neige. C’était l’hiver. Sur son chemin, il trouva un chiot blanc qui semblait être abandonné. « Pauvre petite chose » murmura le vieil homme. Il enroula l’animal dans sa pelisse et le ramena chez lui.

Sa femme accueillit chaleureusement la petite boule de poil. Ensemble, ils décidèrent de l’appeler Shiro et s’en occupèrent comme s’il s’agissait de leur propre enfant.

Un jour, alors que le vieil labourait son lopin de terre, Shiro se mit à aboyer avec plus d’entrain qu’à l’habitude. Il se mit à courir en cercle, à renifler et à marteler le sol avec ses pattes. Le vieil épongea la sueur sur son front et s’approcha de l’animal tout enjoué. Il semblait lui dire : « Creuse ». Ce qu’il fit ; branle-bas de combat, le vieil homme commence à marteler le sol avec sa houe, pour en sortir quelque chose de dur. Quelle ne fut pas sa surprise ; l’objet dur qu’il vient de déterrer contenait des dizaines de pièces d’or !

Seulement voilà. L’honnête vieillard avait un voisin, qui était envieux et cupide. Et la nouvelle ne lui échappa pas. Il vint trouver le vieil homme pour lui supplier de lui prêter Shiro pour lui aussi faire quelques fouilles dans son champ, et partir à la ruée vers l’or.

Pendant des heures, l’homme traîna le pauvre animal à droite, puis à gauche.

Lorsqu’épuisé, Shiro cessa de bouger, le cupide pensa immédiatement que c’était parce qu’il avait trouvé un trésor. Se retroussant les manches, il se mit à creuser. Mais point d’or il trouva. Non, rien de tout cela. Seulement un amas de serpent, de mille pattes et de bouse de vache. Son sang ne fit qu’un tour ; l’homme empoigne sa houe et assomme le pauvre Shiro.

Un arbre extraordinaire

Les yeux remplis de larmes, l’honnête vieillard et son épouse enterrent le pauvre Shiro dans un coin de leur champ. Ils décident de planter un jeune pin, à la mémoire de leur compagnon à quatre pattes qu’ils aimaient tant. Et alors qu’ils se recueillaient en silence, sous leurs yeux ébahis, le tronc de l’arbrisseau commença à s’épaissir, à s’épaissir et à s’épaissir toujours plus encore. Des branches commencèrent à en sortir de toutes parts, pour s’élever jusqu’au ciel. Ce jeune pin qui était encore frêle il y a peu était devenu un arbre majestueux, étalant fièrement toutes ses branches.

Les deux époux restèrent bouche bée, stupéfiés. Le vieil homme dit : « Ce ne peut être que Shiro. Je vais fabriquer un mortier avec le bois de cet arbre, en souvenir de Shiro. » Il se mit à sculpter un gros mortier pour faire des gâteaux de riz mochi. Mais à peine l’avaient-ils rempli de riz gluant, à peine avaient-ils commencé à battre le riz avec son maillet qu’à sa plus grande surprise, le riz lui aussi s’était transformé en pièces d’or.

Il n’en fallut pas plus. Apprenant la nouvelle, le voisin devint encore plus vert de jalousie. Il alla trouver le vieil honnête homme pour lui emprunter son outil miraculeux. Il remmena chez lui le mortier. Comme le vieillard, il se mit à faire des mochi. Comme le vieillard. Mais bientôt une odeur nauséabonde envahit la pièce et le riz se transforma en viande et en poisson pourris. Pris de rage, le voisin réduisit le mortier en pièces, le transforma en bois de chauffage et le brûla. Le bois se consuma pour se laisser que des cendres.

Des cendres aux fleurs

Lorsque l’honnête vieillard alla trouver le cupide voisin pour récupérer son mortier, quelle ne fut pas surprise lorsqu’il vit que l’outil n’était maintenant plus que des cendres. Résigné, il rassembla les cendres dans un panier et les emporta chez lui. « C’est tout ce qu’il nous reste de Shiro à présent », dit-il à son épouse.

Il décida de se rendre sur la tombe du chien bien-aimé pour y disperser les cendres. Mais c’est alors qu’une puissante bourrasque de vent vint les soulever, les projetant dans toutes les directions. Certaines d’entre elles retombèrent sur le verger de pruniers et de cerisiers du vieillard. Et partout où elles retombèrent, des branches dénudées par la saison hivernale apparurent de magnifiques fleurs. « Ce ne peut être que Shiro. » dit-il. Il répartit le reste des cendres au pied de chaque arbre. « Ô fleurs, montrez-nous vos plus belles couleurs ! Je vous en prie ! » implora-t-il, en sanglots.

À ce moment-là, le seigneur du domaine faisait justement sa ronde, escorté de sa cohorte de serviteurs. « Absolument merveilleux ! » s’exclama-t-il, admirant les arbres majestueux recouverts de fleurs. Ce n’était pourtant pas la saison. Il pouvait à peine en croire ses yeux… le vieil homme se tenait là, au milieu et toujours plus de nouvelles fleurs apparurent, une, puis deux, puis trois, puis… « Oh ce vieil homme ! » dit-il. C’est le hanasaka jîsan ! L’homme qui ordonnait aux fleurs de fleurir. Veillez à ce qu’il soit récompensé comme il se doit. » Le serviteur se perdit pas une seconde et obéit aux ordres qui venaient de lui être donnés.

Le voisin devint encore plus vert de jalousie. Il rassembla autant de cendres qu’il le put et les jeta contre les arbres. « Allez-y fleurissez, s’ils le peuvent, vous aussi vous le pouvez, hein ! » cria-t-il. Mais rien de tout cela n’arriva. Les cendres restèrent cendres. Et pis encore ! Elles furent balayées en un simple coup de vent, les projetant sur la cohorte de serviteurs et sur le seigneur du domaine, s’attirant son courroux. Il s’en fallut de peu pour que le cupide voisin y laisse la vie...

(Texte de Richard Medhurst, de Nippon.com. Illustrations Stuart Ayre.)

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