À la rencontre de l’art bouddhique

La statue de Shakyamuni debout

Art

La statue du Bouddha historique Shakyamuni, qui se trouve au Murô-ji, un temple situé dans la préfecture de Nara, est classée Trésor national. Cette silhouette imposante, nimbée d’une magnifique mandorle en bois sculpté et peint de couleurs vives, a une présence rassurante qui porte les fidèles vers la tranquillité et la paix intérieure.

Les traits de la statue de Shakyamuni, le Bouddha historique, sont si paisibles qu’on en oublierait presque de cligner des yeux, c’est un visage qui envoûte et hypnotise.

Ce Shakyamuni debout est la statue principale de la salle d’or (kondô) du Murô-ji, un temple situé à Uda, dans les montagnes de la préfecture de Nara, un cadre tranquille et retiré loin de l’agitation du monde profane. Dans l’entrée principale se trouve une stèle en pierre où il est écrit « Nyonin Kôya », ce qui signifie « le mont Kôya des femmes ». Comme de nombreux autres temples bouddhiques, le célèbre centre du bouddhisme ésotérique Shingon du mont Kôya a été interdit aux femmes pendant la majeure partie de son histoire. Le Murô-ji, au contraire, leur était ouvert dès l’époque de Kamakura (1185-1333) et de nos jours encore, 80 % des visiteurs sont des visiteuses.

Le tout premier lieu de culte du site aurait été édifié en 681 par En no Ozuno (En no Gyôja), l’ermite qui a fondé la tradition ascétique en montagne du shugendô pendant l’époque Asuka (593-710). À la fin de l’époque de Nara (710-94), des moines bouddhistes de haut rang viennent prier pour la guérison du prince Yamabe (le futur empereur Kanmu). Leur prière ayant été exaucée, Kenkei, un haut dignitaire du Kôfuku-ji à Nara, reçoit l’ordre de l’empereur de construire sur ce site un nouveau temple. Son disciple Shûen se chargera de réaliser l’édifice qui était donc à l’origine rattaché au Kôfuku-ji et appartenait à l’école dite de la « Conscience seule » (Cittamātra, hossô-shû).

Au début de Heian (794-1185), le moine Shintai, un proche de Shûen qui est aussi un disciple de Kûkai (le fondateur du bouddhisme Shingon au Japon) rejoint le temple. D’imposants bâtiments sont alors construits, citons le Kanjô-dô, qui sert aujourd’hui encore de salle de prière principale mais qui était initialement utilisé pour les cérémonies d’initiation au Shingon), mais aussi le Miei-dô, édifié en l’honneur de Kûkai. Pendant l’époque d’Edo (1603-1868), le temple est non seulement un haut lieu du Shingon ésotérique mais devient aussi un site clé pour l’ascétisme de montagne.

L’escalier du Yoroi-zaka (qui signifie littéralement la butte aux armures) mène au Kondô où se trouve la statue de Shakyamuni.

L’escalier du Yoroi-zaka (qui signifie littéralement la butte aux armures) mène au Kondô où se trouve la statue de Shakyamuni.

La statue a été sculptée dans un seul bloc de conifère appelé kaya (Torreya nucifera). Debout, la figure arbore un visage serein. Ce Shakyamuni qui date du début Heian (794-1185) est drapé d’un habit dont les lignes appelées emon semblent descendre le long de ses genoux. À l’époque, il était habituel de faire alterner de grands et petits drapés, mais cette statue diffère car le sculpteur a choisi d’intercaler deux petits entre chaque grand pli. Ce drapé si emblématique et caractéristique du Murô-ji, donne à la statue sa prestance mais aussi son rendu lisse et délicat.

Voici la mandorle (kôhai) qui enserre la figure symbolise la lumière émanant du Bouddha.

D’habitude elle est plutôt simple, avec des motifs sculptés en surface. Mais dans le cas de la statue du Murô-ji, elle est massive et composée de panneaux aux décors impressionnants. Ornée de fleurs de lotus et de sept figures du Bouddha de la médecine (Yakushi Nyorai, Bhaiṣajyaguru), elle mesure plus de deux mètres de haut. Il en émane une telle profondeur qu’on se croirait devant un mandala.

La tradition veut qu’il s’agisse d’un Shakyamuni, mais certains documents suggèrent que la statue figure plutôt un Yakushi Nyorai, représenté sans son attribut habituel qu’est le bol de remède (yakko). Cette proposition paraît assez logique puisque la statue est accompagnée des 12 généraux célestes, qui servent normalement de garde d’honneur au Bouddha de la médecine.

Statue de Shakyamuni debout

  • Hauteur: 234,8 cm
  • Date : début Heian
  • Temple : Murô-ji (préfecture de Nara)
  • Classé : Trésor national sous l’intitulé « statue en bois de Shakyamuni » (salle kondô)

(Toutes les photos : © Muda Tomohiro)

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