À la rencontre de l’art bouddhique
La statue de Nyoirin Kannon en demi lotus
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Cette statue de Nyoirin Kannon (Cintramanicakra, une manifestation de Kannon Bosatsu, le bodhisattva Avalokiteshvara) enchante par la grâce et le raffinement de sa gestuelle.
Elle se trouve au Kanshin-ji, un vénérable temple situé à Kawachinagano, dans la préfecture d’Osaka. Le temple aurait été créé en 701 par En no Gyôja, le légendaire fondateur de l’ascétisme de montagne appelé shugendô. Et la statue aurait été sculptée par Kûkai (également nommé de Kôbô Daishi, 774-835) le fondateur de l’école Shingon du bouddhisme ésotérique, afin de conjurer le mal. Les travaux auraient commencé en 827 dans l’enceinte du temple sous la direction de Jichie, un moine disciple de Kûkai, et de Shinjô, un disciple de Jichie.
Le « Registre de l’histoire et de la trésorerie du Kanshin-ji » (Kanshinji kanroku engi shizai-chô) a été compilé en 883. Ce Trésor national indique que la statue était à l’origine conservée dans la grande salle du Kôdô. Or l’édifice a été construit sur la requête de Tachibana no Kachiko (786-842). Première épouse de l’empereur Saga, elle était une fervente bouddhiste et il est probable que cette statue de Nyoirin ait été souhaitée par l’impératrice.
Kanshin-ji accueille également les sépultures (bodai-ji) du clan Kusunoki. Ainsi, quand Kusunoki Masashige (1294?-1336), un général connu pour être un parangon de loyauté et un exemple des vertus du samouraï trouve la mort dans une bataille, sa tête est rapportée au temple pour y être enterrée (kubi-zuka). Reconnaissant de lui avoir été fidèle, l’empereur Go-Daigo l’avait nommé gouverneur et lui avait confié la supervision des travaux du grand Kondô érigé pour remplacer l’ancienne salle Kôdô.
La statue de Nyoirin Kannon ainsi que la salle Kondô où elle est conservée ont été classés Trésors nationaux.

Le Kondô du temple Kanshin-ji est classé Trésor national. Le petit pavillon abritant la statue de Nyoirin Kannon ouvre annuellement ses portes au public, uniquement les 17 et 18 avril.
Nyoirin Kannon est une manifestation d’Avalokiteshvara, un bodhisattva qui, sous différentes formes, apporte le salut à tous les êtres vivants. Dans son nom sont associés deux des attributs les plus importants du bodhisattva. Tout d’abord, il fait allusion au nyoi hôju. Ce joyau qui exauce les vœux s’apparente à la perle des traditions hindoues et du bouddhiste mahayana (chintamani). Puis, il fait référence au hôrin, ou roue du dharma, qui a le pouvoir de dissiper les désirs et les hésitations. Les six bras symbolisent le pouvoir salvateur surhumain du bodhisattva. Les mains sont sculptées avec un réalisme exquis. Le bodhisattva fait reposer sa tête sur l’une d’elles, une autre tient un chapelet, une autre encore porte le joyau chintamani. Une main gauche tient une fleur de lotus, une autre repose sur le piédestal de lotus où il est assis à méditer, tandis qu’une dernière porte la roue de la loi représentant la vérité éternelle du bouddhisme.
Les historiens de l’art nous signalent que ce Nyoirin Kannon partage de nombreux traits avec des mandalas rapportés par Kûkai de la Chine des Tang. La statue était sans doute à la pointe de son temps. Avec son aura mystique typique du bouddhisme ésotérique, elle tranche et se distingue de la statuaire des époques précédentes.

La statue a été sculptée dans un seul bloc de kaya (Torreya nucifera) mais certaines parties, les bras notamment, incorporent d’autres matériaux. La laque sèche permet un rendu très lisse en surface. Pendant longtemps, ce Nyoirin Kannon était gardé « secret » (hibutsu), la statue n’était montrée au public qu’une fois tous les 33 ans. C’est sans doute grâce à cela que les couleurs ont pu être préservées et qu’elles sont encore visibles sur certaines parties. L’œuvre qui a traversé les siècles continue de nous charmer par sa grâce voluptueuse et sa remarquable beauté, si énigmatique et éthérée.

De nos jours, la statue est montrée annuellement au public, les 17 et 18 avril uniquement. Cette rareté et ce charme atemporel attirent en nombre les visiteurs. La tête est légèrement penchée, son cou potelé et les lèvres vermillon, les yeux sont mi-clos et mélancoliques, son genou droit est relevé : cette statue en demi-lotus respire l’élégance, le raffinement et la grâce tranquille.
S’il est vrai que cette statue a été sculptée sur l’instigation de Tachibana no Kachiko, elle matérialise peut-être l’amour que l’impératrice portait à la grâce et à la beauté. Et qui sait, l’impératrice a peut-être même servi de modèle.

Statue du bodhisattva Nyoirin Kannon (Cintamanichakra) en demi-lotus
- Hauteur : 109,4 centimètres
- Date : époque Heian (794-1185)
- Emplacement : temple Kanshin-ji, dans la préfecture d’Osaka
- Classée : Trésor national. Présentée au public uniquement les 17 et 18 avril (vérifier avant la visite que la statue est exposée.)
(Toutes les photos : © Muda Tomohiro)