À la rencontre de l’art bouddhique

La statue du Bouddha Amida assis

Art

Nous voici dans le pavillon Amida du Kôzô-ji, un temple de la préfecture de Miyagi, au nord-est du Japon. Juste à côté de la statue principale, on aperçoit une autre statue de taille et d’âge similaires. Aujourd’hui très endommagée, elle continue pourtant, délicatement siècle après siècle, de répandre autour d’elle une puissante aura.

La noble physionomie de son visage plongé dans une méditation silencieuse, invite à se tourner vers la Terre pure.

Cette statue endommagée se trouve dans la salle Amida du Kôzô-ji, un des plus anciens temples de la préfecture de Miyagi. Sa silhouette est presque intacte bien que la figure ait perdu son bras droit et que son torse perforé donne l’impression qu’on lui a arraché le cœur. Le Bouddha continue malgré tout d’inviter sereinement les êtres souffrants à rejoindre le bonheur de son paradis en Terre pure.

La tradition veut que le Kôzô-ji, situé dans la ville de Kakuda, a été fondé en 819. Le pavillon Amida-dô où repose la statue aurait été construit en 1177 sur ordre de l’épouse de Fujiwara Hidehira, le troisième dirigeant des Fujiwara du Nord, célèbre pour avoir mené son clan à son apogée culturelle. L’édifice, au toit pyramidal en chaume, est petit, mais c’est l’un des trois pavillons Amida les plus importants de la région du Tôhoku, avec le Konjiki-dô (pavillon doré) du Chûson-ji (un temple à Hiraizumi, dans la préfecture d’Iwate, classé au patrimoine mondial de l’Unesco) et le Shiramizu Amida-dô du temple Ganjô-ji (à Iwaki, dans la préfecture de Fukushima).

La pavillon Amida-dô

La pavillon Amida-dô

Ce Bouddha Amida assis a été classé Bien culturel important. La statue principale, haute de 2,7 mètres, trône au centre de la salle. Sculptée dans un style japonais (wayô) par des artistes qui commençaient à s’éloigner des canons de la statuaire chinoise pour développer leurs propre esthétique, elle date de la fin de la période Heian (794-1185). Si la statue fait moins de trois mètres, sa mandorle, elle, atteint presque le plafond ; l’œuvre dans son entier fait donc plus de 5 mètres.

Les deux Amida assis : la statue principale (à gauche) et son devancier, endommagé, en arrière-plan.

Les deux Amida assis : la statue principale (à gauche) et son devancier, endommagé, en arrière-plan.

D’autant qu’elle a été classée Bien culturel important, on pourrait s’attendre à ce qu’un photographe se focalise sur la statue principale. Mais Muda Tomohiro a mystérieusement été aimanté par l’aura de la sculpture usée par le temps située en retrait, à droite. Aujourd’hui très endommagée, elle fait la même taille que la statue principale (2,7 mètres). Elle a été réalisée suivant la technique dite yosegi, qui consiste à assembler plusieurs morceaux de bois, comme le montre clairement aujourd’hui la fissure qui la traverse verticalement.

Maintenant que le bois est à nu, impossible d’en deviner la couleur initiale. Les « petits escargots » (rahotsu) de sa coiffure, les yeux et les lèvres bien proportionnés laissent à penser qu’elle date de la fin de la période Heian, et les deux statues seraient ainsi de la même époque. Sa physionomie pleine de grâce rappelle les traits du Amida assis de Chûson-ji à Hiraizumi, autre chef-d’œuvre de cette période.

Il semblerait que jadis, le Bouddha endommagé ait été la statue principale, mais aujourd’hui, elle est classée Bien culturel municipal de Kakuda, sous le nom de « Statue en bois du Bouddha Amida assis (statue ancienne) » et c’est cet intitulé qui est utilisé dans le temple pour la désigner. En dépit de tous les bouleversements qui ont émaillé la longue histoire de cet édifice, sa silhouette a traversé les siècles pour nous parvenir. Muda Tomohiro semble avoir été touché par la force de cette résilience face au temps qui passe.

La statue principale du temple a été abîmée lors du grand séisme et suite au tsunami qui ont dévasté la région du Tôhoku en 2011. Les travaux de restauration commencés en avril 2016 ont duré quatre ans. La photo ci-dessus montre la statue avant sa restauration. Depuis qu’elle a retrouvé son état d’origine, le contraste avec l’« ancienne statue » détériorée par le temps, est plus frappant que jamais. Si vous venez au temple, ne l’ignorez pas, prenez plutôt le temps de vous recueillir devant elle. Brisée, sans être vaincue, elle porte sur elle le stigmate des siècles.

Statue en bois du Bouddha Amida assis (statue ancienne)

  • Hauteur : 2,7 mètres
  • Période : fin de l’époque Heian (794-1185)
  • Emplacement : temple Kôzô-ji (à Kakuda, préfecture de Miyagi)
  • Classé : Bien culturel municipal de Kakuda

Veuillez téléphoner avant tout déplacement pour vous assurer que la visite est possible. (Tél. 0224-65-2038).

(Toutes les photos : © Muda Tomohiro)

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