À la rencontre de l’art bouddhique
L’impressionnant Fukû Kensaku Kannon du temple Tôdai-ji
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À regarder cette majestueuse statue, on ressent sur soi rayonner la dignité du divin céleste qui, debout, veille dans la plus ancienne salle du célèbre temple Tôdai-ji à Nara.
Cette statue représente Amoghapāśa (Fukû Kensaku Kannon), l’une des manifestations du bodhisattva Kannon (Avalokitesvara). Principal objet de culte de la salle du Lotus du Tôdai-ji, son apparence saisit. Avec ses trois yeux et ses huit bras, elle dégage une impressionnante puissance et une présence imposante. La statue comme la salle du Lotus sont classées Trésors nationaux.

La salle du Lotus (Hokke-dô) faisait déjà partie du complexe du Kinshô-ji, l’ensemble de temples qui existait sur ce site avant l’édification du Tôdai-ji. L’édifice était à l’origine connu sous le nom de Kensaku-dô, de nom de la statue qu’elle abritait. À partir de 746, comme on y donnait des cérémonies tous les mois de mars, qu’on y faisait la lecture du Sutra du Lotus et qu’on y prêchait son miraculeux pouvoir salvateur, la salle a progressivement été surnommée Hokke-dô (salle du Lotus) et Sangatsu-dô (salle du 3e mois). Ces cérémonies datent d’avant la construction de la célèbre salle du Grand Bouddha. La salle du Lotus peut donc être considérée comme la plus ancienne structure de l’actuel Tôdai-ji.

Aujourd’hui, le Hokke-dô abrite dix statues classées Trésors nationaux. La salle de prière située à droite de l’édifice a été ajoutée sous l’impulsion de Chôgen (1121-1206) pendant l’époque de Kamakura (1185-1333). Le bâtiment actuel conjugue donc des traits architecturaux datant de deux époques différentes.
Avec ses 3,62 mètres de haut, la statue principale aurait été réalisée au même moment que la salle. Quand on visite le temple, on est de prime abord frappé par sa taille monumentale, puis on se laisse envoûter par la richesse et la finesse de l’ornementation.
La couronne sertie de pierres précieuses est particulièrement somptueuse. Toute en argent, elle fait environ 88 cm de haut et pèse 11 kg. Au centre de la coiffe on aperçoit une figurine, Amida fait le geste qui symbolise la suppression de la peur et la protection que le Bouddha offre à tous les êtres vivants (il s’agit de la gestuelle appelée mudra abhaya ou semui-in en japonais). Il est entouré de plus de 10 000 jades, cristaux, turquoises et autres pierres précieuses.

Sur l’épaule gauche, le bodhisattva porte un drapé qui semble être en peau de cerf et un « foulard céleste » (tenne) au côté droit. Un long jôhaku de tissu s’enroule autour de son cou, les pans se croisent devant lui, reposent sur ses deux avant bras avant de retomber au sol. À main gauche, le bodhisattva tient l’objet qui donne son nom à la statue. Ce kensaku (ou kenjaku) est une corde à cinq brins utilisée jadis dans l’antiquité Indienne pour capturer les oiseaux et animaux en tout genre. Dans le bouddhisme, cet attribut symbolise la détermination du Bouddha à sauver tous les êtres vivants et à veiller à ce que nul ne soit en souffrance.
Les deux bras du haut tiennent à gauche un lotus et à droite un bâton en étain (khakkhara). Les deux mains du bas forment le mudra du Varada (yogan-in), geste de l’accomplissement des vœux et de l’octroi de bénédictions. Les deux mains centrales sont jointes en prière devant la poitrine, elles tiennent délicatement entre leur paume une perle de cristal précieux.

La statue a été réalisée suivant la technique dite de la laque sèche et creuse (dakkatsu kanshitsu-dukuri), très populaire pendant la période Tenpyô. On modèle tout d’abord un noyau en argile, qu’on enroule de plusieurs couches de tissu imbibées de laque qu’on laisse durcir. Puis, une fois la laque sèche, on retire l’argile. En surface, on utilise une pâte faite de laque, de farine et de poudre de bois (kokuso-urushi) pour modeler les détails, puis après coloration on applique une dernière couche de laque. Les finitions se font à la feuille d’or, afin d’obtenir une surface lisse et brillante.
Ce travail, laborieux, prenait tant de temps et demandait tellement de coûteuse laque que cette technique a dû être abandonnée après la période Tenpyô. Dans les archives relatives au trésor du Tôdai-ji (Shôsôin monjo), qui comptent parmi les plus anciennes sources écrites du Japon, il est écrit que « le coût de la laque utilisée pour la statue égalait celui de la construction de l’édifice ». Combien de cette précieuse laque a donc été nécessaire pour réaliser une figure aussi imposante ?
Ce type de statues en laque étant plus léger que les sculptures en bois, il était relativement facile de les mettre à l’abri en temps de guerre. C’est sans doute pourquoi elle a miraculeusement pu traverser les siècles, et garder sa majesté et sa grâce pendant plus d’un millénaire.
Cette sublime statue, si richement ornée, est sans nul doute l’un des chefs-d’œuvre ultime de la statuaire Tenpyô.

Statue du bodhisattva Amoghapāśa (Fukû Kensaku Kannon)
- Hauteur : 3,62 mètres
- période : Tenpyô 729-749 (époque Nara)
- Emplacement : temple Tôdai-ji (préfecture de Nara)
- Classée : Trésor national
(Toutes les photos : © Muda Tomohiro)