À la rencontre de l’art bouddhique
Les deux bodhisattvas de Lumière du temple Tôdai-ji
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Ce chef-d’oeuvre emblématique de la statuaire de la période Tenpyô (729-749) représenterait le bodhisattva de la lumière du Soleil (Nikkô / Suryaprabha) et celui de la lumière de la Lune (Gekkô / Candraprabha). Ces statues viennent du Tôdai-ji à Nara, et elles ont été réalisées suivant la technique appelée sozô. Celle-ci consiste à superposer des couches d’argile apposées sur un noyau en bois. On enroule ensuite une corde de paille sur cette structure, puis on continue d’appliquer de nouvelles couches d’argile. La forme finale est modelée à la spatule, puis la surface est uniformisée avec de l’argile à grain fin.
Cette méthode a été importée du continent chinois vers le VIIe siècle, elle a connu son apogée pendant l’époque de Nara (710-794), avant de céder la place à la sculpture sur bois au cours de l’époque Heian (794-1185). Cette dyade est l’un des plus beaux exemples de la statuaire bouddhique de la période Tenpyô, avec le shûkon gôshin, autre statue d’une divinité gardienne du Tôdai-ji, elle aussi faite en sozô.
Les bodhisattvas sont représentés en pied, les mains gracieusement jointes en prière au niveau de la poitrine. Avant d’être transférées au musée du Tôdai-ji quand il a été inauguré en 2011, les statues veillaient de part et d’autre de Fukû Kensaku Kannon, trônant dans la salle du Lotus du temple. Les yeux étirés en amande de Kannon et de ses deux bodhisattvas se ressemblent étonnamment, ce qui laisse à penser qu’elles sont de la main du même sculpteur ou issues du même atelier.
À première vue, les deux bodhisattvas se ressemblent beaucoup mais à bien y regarder on décèle de nombreuses et subtiles différences. Le drapé de l’habit du bodhisattva de la lumière du Soleil est fluide, les lignes sont d’intensité variable, laissant une impression de force et de vitalité. En revanche, chez le bodhisattva de la lumière de la Lune, le drapé aux plis moins prononcés annonce plutôt la sérénité et le calme. Le sculpteur qui a réalisé cet habile contraste entre le mouvement et l’immobilité était un artiste de grand talent.
À l’origine ces statues étaient polychromes mais de nos jours, la couleur ayant disparu, il ne reste qu’une blancheur translucide mettant en valeur une beauté pure et sans fioritures.

Ces statues représenteraient les bodhisattvas de la lumière du Soleil (à gauche) et de la Lune (à droite).
Comme les bodhisattvas sont des divinités encore en train de cheminer vers l’illumination, ils sont généralement représentés pieds nus. Or ici les figures portent des chaussures, certains ont donc argué qu’il ne s’agirait pas de bodhisattvas, mais plutôt de statues de Bon-ten (Brahma) et Taishaku-ten (Indra).
De plus, les bodhisattvas de la lumière du Soleil et de la Lune accompagnent généralement Yakushi Nyorai (Bhaiṣajyaguru, le Bouddha de la Médecine) alors que Kannon est souvent entouré de Bon-ten et Taishaku-ten. D’ailleurs, la salle du Lotus du Tôdai-ji abritant une autre dyade représentant Bon-ten et Taishaku-ten (classée Trésor national), il est possible que cet ensemble de statue ait été renommé afin de les distinguer.

Les bodhisattvas de la lumière de Lune (à gauche) et de la lumière du Soleil (à droite)
Muda Tomohiro est photographe. Il se souvient de l’atmosphère particulière qui régnait quand les deux statues se trouvaient encore dans la salle du Lotus du Tôdai-ji : « Plus d’une dizaine de statues se retrouvaient dans cette salle sombre à cerner la statue principale du Fukû Kensaku Kannon. C’était impressionnant, on avait l’impression d’entrer dans un autre monde. Dorée à la feuilles d’or sur un fond noir, Kannon resplendissait, elle trônait majestueuse escortées de ses deux bodhisattvas d’un blanc pur, une présence silencieuse rayonnant et illuminant l’univers. »
L’influence de la statuaire bouddhique de la Chine des Tang que les émissaires de la Cour avaient introduite au Japon est incontestable, mais la force expressive de ces deux statues expressions va au-delà de la simple imitation. On comprend facilement que le critique d’art Kamei Katsuichirô les ait tant louées dans son recueil d’essais sur les temples de la région de Nara intitulé « Panorama des temples anciens du Yamato »(Yamato Koji Fûbutsu-shi), « leur gestuelle de prière est d’une beauté sans pareil».

Statue en pied qui représenterait le bodhisattva de la lumière du Soleil.

Statue en pied qui représenterait le bodhisattva de la lumière de la Lune.
Statues en pied qui représenteraient les bodhisattvas de la lumière du Soleil et de la Lune
- Hauteur : 2,063 mètres (bodhisattva de la lumière du Soleil), 2,068 mètres (bodhisattva de la lumière de la Lune)
- Date : période Tenpyô 729-749 (époque de Nara)
- Emplacement : temple Tôdai-ji (préfecture de Nara)
- Classé : Trésor national
(Toutes les photos : © Muda Tomohiro)