Kyoto sous l’occupation : un nouveau livre expose des vérités méconnues

Histoire Livre

Un nouveau livre explore ce qui se cachait derrière l’utilisation des sites historiques de Kyoto par les forces d’occupation après la fin de la Seconde guerre mondiale.

Le palais impérial et ses jardins à risque d’être réquisitionnés

Le livre « L’occupation de Kyoto : La réalité sur 1945 » (Kyoto senryô : 1945 nen no shinjitsu), d’Akio Satoko, décrit soigneusement comment l’armée d’occupation a décidé de la réquisition de certains sites historiques de Kyoto, ainsi que la résistance des administrateurs et groupes religieux concernés. Voici donc quelques exemples de sites qui ont subi ce sort.

Kyoto possède plusieurs avenues larges de plus de 50 mètres qui traversent la ville du nord au sud. Durant la guerre, les habitations le long de ces rues avaient été évacuées pour protéger le palais impérial des incendies. Après la guerre, l’une de ces avenues, Horikawa-dôri, a même service comme piste d’atterrissage pour les petits avions militaires américains, car Kyoto ne possédait pas d’aéroport.

En décembre 1945, le Commandement suprême des forces alliées ordonne l’arrêt du soutien de l’état pour la religion shintô, mais en même temps laisse tous les sanctuaires en place pour que la population puisse s’y recueillir. Le sanctuaire de Heian Jingû est donc épargné, mais les structures avoisinantes sont réquisitionnées pour mettre en place un « village américain ».

Parmi les autres bâtiments réquisitionnés se trouve aussi le Musée commémoratif de l’intronisation de l’empereur (Hirohito) qui est aujourd’hui devenu le Musée Kyocera d’art de la ville de Kyoto. Le bâtiment est utilisé pour des logements et comme hôpital pour le personnel américain. La salle Butoku (aujourd’hui un centre des arts martiaux) est aussi réquisitionnée et utilisée comme club de sous-officiers. La moitié du zoo de Kyoto devient un parking. D’autres structures servent au stockage d’armes et de matériel.

Même le palais impérial, résidence de l’empereur pendant des générations, a failli être réquisitionné. Les forces d’occupation étaient à la recherche d’un vaste espace pour y construire 245 maisons de famille. Ceci était impensable pour les Kyotoïtes, même si le souverain résidait à Tokyo depuis le XIXe siècle. Après de longues négociations, les responsables de l’occupation ont bien voulu accepter des terrains autour du Jardin botanique de Kyoto à la place.

Cette décision aurait été influencée par l’annonce du général MacArthur, le commandant suprême des forces alliées, que le système impérial serait maintenu, après sa rencontre avec l’empereur fin septembre 1945. Plus des trois-quarts des 25 000 arbres du Jardin botanique ont été abattus pour préparer le site.

Entre dieux et golf

Le commandant des forces d’occupation de Kyoto étant un grand amateur de golf, celui-ci rêve de transformer le sanctuaire de Kamigamo, le plus ancien de Kyoto, en terrain de golf. Les responsables du sanctuaire apprennent la nouvelle lorsqu’ils sont convoqués par l’administration en septembre 1946. Le site proposé se trouve sur le mont Koyama, un lieu sacré où se déroule la cérémonie du miare, le rite sacré le plus important du festival Aoi.

Le sanctuaire a beau s’opposer au projet, les travaux commencent en octobre malgré tout. En fin de compte, l’opposition du gouvernement central obtient gain de cause, mais environ 4 000 arbres, plus de la moitié des arbres sacrés du sanctuaire, avaient déjà été abattus. Le commandement ne lâche pas prise pour autant, et le voici enfin avec son terrain de golf deux ans plus tard sur des terres appartenant au sanctuaire, à la forêt expérimentale de la faculté d’agriculture de l’université de Kyoto, ainsi qu’à des particuliers. Le Kyoto Golf Club est d’ailleurs toujours présent sur ce même site.

Kyoto senryô : 1945 nen no shinjitsu (L’occupation de Kyoto : La réalité sur 1945)
Kyoto senryô : 1945 nen no shinjitsu (L’occupation de Kyoto : La réalité sur 1945)

Le quartier culturel de Gion, y compris le Kaburenjo, site de l’école de danse des geishas et maiko, n’est pas épargné des effets de la guerre non plus. Déjà, l’ordre avait été donné en mars 1944 de fermer tous les quartiers de geishas du Japon. Kaburenjo est alors transformé en fabrique de prothèses dentaires, et Yasaka Kaikan devient une usine de ballons incendiaires. Les femmes du quartier, à commencer par les geishas, sont mobilisées pour y travailler. Sous l’occupation, Kaburenjo devient un dancing pour les militaires américains, et n’est rendu qu’en 1951.

Aujourd’hui, 80 ans plus tard, il ne reste que peu de personnes qui ont vécu cette triste période, et ni les Japonais ni les touristes ne connaissent cette histoire. Il est donc encore plus intéressant de se plonger dans les coulisses de ces évènements.

(Photo de titre : la pagode de Yasaka, une nuit à Kyoto. Pixta)

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