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Kadono Eiko, le documentaire d’une vie à l’image d’un conte de fée

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Kadono Eiko, à qui l’on doit entre autres Kiki la petite sorcière, est une auteure japonaise phare de la littérature pour enfants. Un documentaire retrace la vie et les sources d’inspiration de cette octogénaire à la jeunesse éternelle.

Miyagawa Marina MIYAGAWA Marina

Productrice. Née à Tokushima en 1970. En 1993, elle a rejoint le département de production de programme de la NHK. Elle a travaillé pour les bureaux de Kanazawa sur des programmes dont notamment Bakushô Mondai no Nippon no kyôyô (Education du Japon avec le groupe d’humoristes Bakushô Mondai) et Tanken Baku-Mon (À l’aventure avec Bakushô Mondai). En 2013, elle a lancé la série d’interviews Switch et a continué à travailler pour de nombreux programmes à succès.

De par sa carrière florissante au sein de la NHK, Miyagawa Marina a un agenda surchargé. Mais quand s’est présentée l’opportunité de travailler avec l’une des auteures de littérature jeunesse les plus estimées du Japon, elle n’a pas hésité une seconde. En résultera un documentaire intitulé « Une magicienne haute en couleurs : La vie de Kadono Eiko, l’origine de ses histoires » (Colorfulna majo : Kadono Eiko no monogatari ga umareru kurashi), où l’on peut y voir du contenu filmé pour un programme éducatif homonyme de la NHK lancé en 2020 ainsi que du contenu exclusif.

Le film se concentre sur le quotidien de Kadono Eiko, qui vit à Kamakura, ainsi que sur sa routine d’écriture, qui se termine toujours par une promenade. On la suit également durant ses voyages, à la rencontre de nouvelles personnes et de nouveaux lieux. La caméra observe l’octogénaire pleine d’entrain et enregistre ses réflexions sur sa vie et son travail.

Kadono Eiko en pleine écriture (© Kadokawa)
Kadono Eiko en pleine écriture (© Kadokawa)

Un épisode particulièrement fascinant qu’elle relate concerne les deux ans passés au Brésil en 1959 et qui ont été les précurseurs de sa carrière d’auteure. À son retour, elle a écrit à propos de son expérience en mettant l’accent sur sa relation avec une famille de son voisinage, ce qui deviendra son premier travail publié en 1970 : «  Le Brésil et mon ami Luizinho » (Luizinho shônen, Brazil o tazunete).

Kadono Eiko, un sujet attrayant

Miyagawa Marina a également produit les séries de la NHK à propos de Kadono Eiko. Si elle a travaillé sur de nombreux programmes télévisés, cette version documentaire était une première pour elle dans la réalisation cinématographique.

Interrogée sur l’origine de ce film, elle dit se souvenir avoir vaguement rêvé des possibilités mais dément toute fantaisie personnelle. Dès le début du tournage, elle a préféré une caméra en 4K, plus adaptée aux grands écrans, à son habituelle caméra de télévision. Peut-être la magie de Kadono Eiko l’enchantait-elle déjà…

« Je n’avais pas d’idée précise en tête en la filmant, mais au fond de moi, je voulais que ça devienne un film. Eiko est une personne adorable qui exprime sa perception unique du monde dans chaque aspect de sa vie, comme dans ces vêtements ou l’apparence de sa maison. Chacune de ses paroles portent un message fort. Capturer ces moments était très amusant, et je doute qu’il y ait quelqu’un d’aussi gratifiant avec qui tourner. Dès les prémices du projet, je me suis efforcée à créer quelque chose de différent afin d’en faire un programme unique en son genre. »

Lors de la deuxième année du tournage de la série, un producteur de la société de médias Kadokawa a proposé à Miyagiwa de réaliser un film. Pour l’aider à prendre sa décision, elle a visionné un documentaire sur la vie des femmes artistes d’un âge avancé du monde entier.

« De tous les sujets avec qui j’ai travaillé, Kadono Eiko est particulièrement charmante, ce qui m’a mise en confiance », explique-t-elle. Miyagawa revient sur sa carrière, au cours de laquelle elle a pu s’entretenir avec des centaines de personnalités différentes, allant de célébrités à de simples passants dans la rue.

« Avec Kadono, j’arrive à être moi-même constamment. Je n’ai jamais besoin d’aller dans des extrêmes pour m’efforcer à prouver que je suis à la hauteur. Je suis reconnaissante de pouvoir travailler avec elle. »

Une musique à l’image du programme

Miyagawa se rappelle s’être sentie pressée à la trentaine, alors qu’elle jonglait entre la vie de famille et son travail. Elle est devenue productrice aux alentours de la quarantaine, accentuant davantage encore sa charge de travail avec une série de programmes télévisés populaire.

« Puis un jour, soudainement, j’ai réalisé que la cinquantaine approchait. J’ai eu un besoin urgent de faire un programme sur un mode de vie plus terre-à-terre. C’est alors que j’ai pensé à Kadono Eiko. »

La relation entre Kadono et sa fille, Rio, est aussi abordée dans le film. « Je n’ai jamais lu un seul des livres de ma mère » nous dit-elle. (© Kadokawa)
La relation entre Kadono et sa fille, Rio, est aussi abordée dans le film. «  Je n’ai jamais lu un seul des livres de ma mère » nous dit-elle. (© Kadokawa)

Miyagiwa se souvient d’un interview qu’elle a lue dans le passé à propos de Kadono. « Son déménagement au Brésil dans les années 50 me l’a fait apparaitre comme une personne aussi formidable que surprenante. ». Pendant dix ans, elle a caressé le rêve de pouvoir interviewer un jour l’écrivaine.

« La première fois que je l’ai rencontrée, je l’ai trouvé bien plus franche que je ne l’imaginais, un personnage typique de la classe ouvrière de Tokyo. Elle peut se montrer directe, voire bourrue, mais elle ne ment jamais. Kadono est sans nul doute un personnage agréable, elle possède des capacités incroyable et un esprit aiguisé, avec une pointe d’humour. Je me souviens d’elle bavardant et rigolant à gorge déployée au téléphone alors que nous étions en pleine entrevue. »

Lors des préparatifs, Miyagawa a contacté le compositeur plusieurs fois primé Fujikura Dai, basé à Londres, pour une éventuelle collaboration sur le thème musical du programme.

« Je lui ai envoyé le lien Instagram de Kadono ainsi que certains de nos entretiens. » explique-t-elle. L’inspiration fut apparemment instantanée puisque le jour suivant il envoya une démo d’un morceau joué au kalimba, un instrument ressemblant à un jouet, et dont on se sert avec les pouces. Au moment même ou Miyagiwa l’écouta, elle sut que ce serait le morceau idéal pour transmettre la vision du monde qu’ils essayaient de représenter dans le programme.

C’est arrivé au moment où le tournage venait de commencer et avançait à tâtons. Le pouvoir de la musique a aidé le caméraman et l’éditeur à avoir une vision partagée. Dès les premières scènes et à de nombreuses reprises, la musique semble mener la marche. La version cinématographique utilise également les musiques de Fujikura.

Un documentaire regorgeant de secrets sur la jeunesse éternelle. (© Kadokawa)
Un documentaire regorgeant de secrets sur la jeunesse éternelle. (© Kadokawa)

Le miracle des retrouvailles

Chaque épisode se concentre sur un aspect différent de la vie de Kadono : ses repas, son style, ses voyages etc. Dans le processus de réalisation du film, Miyagawa a utilisé des scènes précédemment tournées mais a également cherché à développer une approche qui différait du programme télévisé.

« Pour notre documentaire, il était essentiel que nos téléspectateurs comprennent Kadono Eiko telle qu’elle est réellement. J’ai donc dû considérer notre contenu déjà existant sous une toute nouvelle perspective. »

Kadono cuisinant un plat appris au Brésil (© Kadokawa)
Kadono cuisinant un plat appris au Brésil (© Kadokawa)

Lors de la création d’un film, il est important de réfléchir à ce que l’on veut montrer pendant toute sa durée. Miyagawa décida que le point culminant du film serait l’ouverture du Musée de la littérature de Kiki, un nouvel établissement dédié à Kadono et à la littérature de jeunesse, situé dans l’arrondissement d’Edogawa, à Tokyo. L’apparition d’un invité très spécial résulta en une scène particulièrement émouvante, dépassant toute imagination. La réunion de Kadono Eiko avec Luizinho après plus de 62 ans fut la cerise sur le gâteau, digne de l’œuvre d’une magicienne.

Retrouvailles entre Kadono et Luizinho, le sujet de son premier livre, après plus de 62 ans. (© Kadokawa)
Retrouvailles entre Kadono et Luizinho, le sujet de son premier livre, après plus de 62 ans. (© Kadokawa)

« À la base, c’était une idée de Kadono, nous explique Miyagawa. Pendant que nous discutions des points à aborder dans le film, elle a suggéré tout d’un coup que nous devrions inviter Luizinho. Mais on ne savait pas ce qu’il était advenu de lui durant toutes ces années... Nous avons toutefois réussi à rentrer en contact avec lui et à planifier son voyage au Japon, mais jusqu’au dernier moment nous ne savions pas s’il pourrait venir à cause de sa santé fragile, ce qui m’a rendu très nerveuse. C’est pourquoi je pense qu’il en tient vraiment du miracle. »

Luizinho en visite chez Kadono, les deux compères se remémorant leurs souvenirs. (© Kadokawa)
Luizinho en visite chez Kadono, les deux compères se remémorant leurs souvenirs. (© Kadokawa)

Les retrouvailles de ces amis de longue date, dont l’amitié fut le lancement de la carrière d’auteure de Kadono, sont un moment touchant pour tout téléspectateur. C’est d’ailleurs le point culminant du film, mais même après, lorsque Kadono retourne à ses promenades vespérales, d’autres rencontres féériques apparaissent. La vie de Kadono Eiko est véritablement une source intarissable d’histoires.

« J’ai fait ce film en hommage à Kadono Eiko. J’espère que chacun aura la chance de la voir en couleur sur le grand écran ! » conclut Miyagawa.

(© Watanabe Reiko)
(Photo : Watanabe Reiko)

(Texte et photos d’interview : Watanabe Reiko)

Voir également notre interview de Kadono Eiko réalisée à la fin de l’année 2019 : Kadono Eiko : l’imagination débordante de l’auteure de « Kiki la petite sorcière »

(© Kadokawa)
(© Kadokawa)

Le film

Bande-annonce

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