Vers une nouvelle ère impériale, vers un nouveau Japon

Le mariage de la princesse Mako du Japon : un geste concret est attendu de la part du prétendant

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Le prince héritier Fumihito, le frère de l’empereur, a fêté ses 55 ans au mois de novembre 2020 ; il a par la même occasion annoncé officiellement qu’il accepterait le mariage de sa fille aînée avec son prétendant, Komuro Kei. Il y a presque trois ans déjà, les fiançailles du jeune couple avaient été repoussées ; la résolution de cet imbroglio qui pèse sur la famille impériale dépend de Komuro Kei, un simple roturier qui doit désormais gagner l’approbation du peuple japonais.

Des vents contraires

L’automne 2020 a été une période riche en événements pour la famille d’Akishino. Le prince Fumihito a officiellement pris le titre de prince héritier lors d’une cérémonie de proclamation qui a fait de lui le prochain empereur du Japon aux yeux de tous, dans l’Archipel comme à l’étranger. Par ailleurs, son épouse la princesse Kiko, leur fille la princesse Mako puis le prince lui-même ont, chacun à leur tour, précisé leur point de vue sur le mariage de la princesse Mako, actuellement en suspens.

Sur Internet, les avis critiques sur la position de la famille d’Akishino à ce propos sont nombreux, et depuis longtemps. La récente décision du prince héritier a suscité de nouveaux commentaires négatifs. Des sources au sein de l’Agence impériale soulignent que jamais la famille impériale n’avait fait l’objet de critiques aussi vives, une situation jugée désolante.

Une dette de 4 millions de yens contractée par la famille du prétendant

Revenons sur l’enchaînement des faits.

La princesse Mako et Komuro Kei, camarades à l’université ICU (International Christian University) à Tokyo, ont annoncé en septembre 2017 leurs fiançailles prochaines après s’être fréquentés pendant cinq années. Peu après la conférence de presse du jeune couple, les médias ont rapporté que la famille de M. Komuro avait contracté une dette d’environ 4 millions de yens (près de 32 000 euros) et, en février 2018, les fiançailles étaient reportées à 2020, après les cérémonies liées à l’intronisation du nouvel empereur.

Six mois plus tard, en août 2018, M. Komuro partait à New York où il s’est enrôlé dans un cursus de trois ans pour devenir avocat en droit international.

En janvier 2019, il s’est exprimé par écrit et par l’entremise de son avocat sur la question des dettes contractées par sa famille. Voici, en substance, ce qu’il écrivait :

« Ma mère s’est fiancée en 2010 avec un homme qui a rompu leurs fiançailles deux ans plus tard. Malgré la soudaineté de cette rupture, ma mère l’a acceptée et elle a émis le souhait de rembourser l’aide pécuniaire reçue de la part de son ex-fiancé durant leurs fiançailles. Celui-ci lui a expliqué qu’il n’avait pas l’intention de lui demander un tel remboursement et tous deux se sont mis d’accord pour considérer que le chapitre financier entre eux était clos, tant concernant l’aide pécuniaire que les dédommagements. Cependant, un an plus tard, il a réclamé à ma mère le remboursement des sommes engagées par lui pendant qu’ils se fréquentaient. Ma mère et moi considérons tous deux que la question de l’aide pécuniaire fournie par son ancien fiancé est réglée. »

Face à la famille Komuro qui refusait de rendre cette « aide pécuniaire », le peuple japonais a éprouvé des doutes quant à ses fiançailles avec la princesse Mako. Dans la mesure où, à l’occasion de son mariage, celle-ci recevra de l’État une dotation unique d’environ 150 millions de yens (1,2 million d’euros), la question a suscité l’intérêt de nombreux Japonais.

En novembre 2018, lors d’une conférence de presse, le prince d’Akishino déclarait que « tant que de nombreuses personnes ne [seraient] pas en mesure de s’en réjouir, il [serait] impossible de procéder aux fiançailles ». Dans le même temps, la princesse Mako continuait à communiquer avec M. Komuro par visioconférence ; la famille se trouvait ainsi dans « une situation familiale extrêmement complexe », comme l’a déclaré la princesse Kiko lors de la même conférence de presse.

La princesse Kiko du côté de sa fille aînée

Après sa proclamation comme prince héritier – ultime cérémonie liée à l’intronisation du nouvel empereur –, retardée en raison de l’épidémie de coronavirus, la décision du prince Fumihito était attendue.

Tout avait commencé en septembre, avec une déclaration de la princesse Kiko, son épouse, à l’occasion de son anniversaire :

« En ce qui concerne le mariage de ma fille aînée, il me semble important, en tant que parent, d’approfondir le dialogue avec elle, d’accepter ses sentiments et de réfléchir ensemble. Je souhaite respecter ses sentiments dans la mesure du possible. »

Ceci a laissé penser que les parents de la princesse Mako, en réponse au souhait de leur fille, s’apprêtaient à accepter son mariage.

Le 8 novembre a eu lieu, au palais impérial, la proclamation du prince héritier. Cette cérémonie, très importante, signifie que le prince Fumihito sera le prochain empereur, et que son fils Hisahito lui succédera. Un jour, la princesse Mako sera donc la fille de l’empereur, puis sa sœur aînée.

Le couple princier d’Akishino durant la cérémonie de proclamation du prince héritier, le 8 novembre 2020 dans la salle des pins du palais impérial (photo de pool, Jiji)
Le couple princier, Fumihito et Kiko d’Akishino, durant la cérémonie de proclamation du prince héritier, le 8 novembre 2020 dans la Salle des pins du palais impérial (photo de pool, Jiji Press)

Pour la princesse Mako, un « choix nécessaire »

Quelques jours plus tard, le 13 novembre, la princesse Mako rendait publique une déclaration concernant son éventuel mariage :

« Je comprends que, pour diverses raisons, certaines personnes voient d’un mauvais œil ce mariage. Mais pour nous deux, nous sommes l’un pour l’autre cette présence irremplaçable sur laquelle compter dans les jours heureux comme malheureux et notre mariage est, pour chacun, un choix nécessaire à notre vie tout en préservant nos sentiments. »

C’est la première fois qu’une femme de la famille impériale exprime aussi vivement, à l’adresse du peuple, sa volonté de s’unir à celui qu’elle aime et qu’elle emploie une formule poignante comme « un choix nécessaire à notre vie ».

Dans cette déclaration, la princesse Mako explique également « avoir annoncé la publication de cette déclaration à l’empereur et à l’impératrice, ainsi qu’au couple impérial retiré. Tous quatre respectent [ses] sentiments et y portent un regard bienveillant, ce dont [elle leur est] profondément reconnaissante ».

Ce qui nous a interpellé à la lecture de ce texte est l’absence de mention concrète de la question des dettes de la famille Komuro. Une précision comme « je ne me marierai pas tant que la famille Komuro n’aura pas réglé ce problème » ou « je ne paierai pas un centime en lien avec cette question » aurait sans doute rendu le peuple plus compréhensif.

La réticence du prince Fumihito

Le prince Fumihito d’Akishino, lors de la conférence de presse donnée avant son anniversaire le 30 novembre, a indiqué « accepter le mariage du couple. La Constitution précisant que “le mariage est fondé sur le seul accord mutuel des futurs époux”, en tant que parent, [il se doit] de respecter leurs sentiments. »

La famille princière d’Akishino en novembre 2020 au palais d’Akasaka (site Internet du Bureau des affaires impériales)
La famille princière d’Akishino en novembre 2020 au palais d’Akasaka. (De gauche à droite et de haut vers le bas) La princesse Mako, le prince héritier Fumihito, la princesse Kiko, le prince Hisahito, la princesse Kako (site Internet du Bureau des affaires impériales)

Il a également déclaré, toujours à propos de cette union, que « dans la situation actuelle, de nombreuses personnes ne [pouvaient] ni comprendre ni se réjouir. [Sa] fille aussi le ressent sans doute. » Il a souligné que l’heure de recevoir la bénédiction des Japonais n’était pas arrivée. Il a enfin invité la famille Komuro à faire un geste « concret » pour recueillir l’adhésion du plus grand nombre.

« Lorsque le mariage sera décidé, il sera important d’expliquer clairement ce qui s’est passé », a-t-il ajouté, suggérant au jeune couple de rechercher activement l’approbation de la population.

Rappelons en passant que c’est en août 1989, sept mois après le décès de l’empereur Hirohito, que le prince Fumihito lui-même a annoncé son souhait de se marier, soit avant la fin de l’année de deuil officiel. De plus, son frère aîné Naruhito, le prince héritier (et actuel empereur), était encore célibataire. L’Agence de la maison impériale avait estimé que si une cérémonie pendant la période de deuil était inconcevable, il était néanmoins possible de décider des fiançailles, officiellement entérinées en septembre. Elles ont été célébrées le 12 janvier 1990, à l’issue de l’année de deuil.

Son acceptation, bien que réticente, du mariage de la princesse Mako, est typique du prince Fumihito qui a élevé ses enfants dans le respect de leur personnalité.

Attentes en hausse concernant le prétendant

L’attitude de Komuro Kei va être au centre de l’attention. Pour faire un grand pas vers la concrétisation du mariage, une prise de conscience et une attitude responsable de sa part sont indispensables. Car de nombreuses personnes sont opposées à cette union.

Voici ce qu’il déclarait lors de la conférence de presse pour l’annonce des fiançailles, il y a trois ans :

« Prendre la princesse Mako pour épouse est une lourde responsabilité, que j’entends endosser avec sérieux. Je vais faire de mon mieux pour y répondre. Lorsque j’ai annoncé à ma famille que nous nous fréquentions avec l’intention de nous marier, ma mère m’a répondu : “C’est un grand honneur ; si tu as choisi la princesse comme partenaire, fais tout ton possible pour la rendre heureuse.” »

Il a également déclaré que « [son] expression préférée [était] let it be ». Mais cette fois-ci, il n’est pas question de laisser les choses en l’état. Nous espérons que Komuro Kei saura se souvenir de sa déclaration précédente et faire son possible pour assurer le bonheur de la princesse Mako.

(Photo de titre : la princesse Mako et Komuro Kei annoncent leurs fiançailles prochaines devant la presse, le 3 septembre 2017 au palais d’Akasaka à Tokyo. Photo de pool, Jiji Press)

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