Sankin kôtai : vérités et idées reçues sur le service en alternance à l’époque d’Edo

Comment le savoir et la culture se sont diffusés dans les provinces japonaises grâce au « sankin kôtai »

Culture Histoire

Durant l’époque d’Edo (1603-1868), sous le régime des shogun Tokugawa, les seigneurs féodaux ont été tenus de résider tour à tour dans la capitale et dans leur domaine, en vertu du système du « service en alternance », appelé sankin kôtai. L’un des avantages du système a été la diffusion de la culture, des connaissances et aussi de la gastronomie à travers le pays.

Edo, une ville triste qui s’anime grâce au sankin kôtai

Le shogun Tokugawa Yoshimune, au pouvoir entre 1716 et 1745, a attribué l’expansion d’Edo (l’ancienne Tokyo) au système du sankin kôtai, qui obligeait les grands seigneurs féodaux, ou daimyô, à séjourner un certain temps dans la ville. Il est écrit dans les chroniques des shogun que, jusqu’à la mise en place du système de « résidence alternée » par l’un de ses prédécesseurs, Iemitsu, Edo était une ville peu peuplée, au paysage désolé, qui ne ressemblait en rien à un siège du gouvernement.

Selon Yoshimune, la présence des daimyô devait égayer la cité et la rendre plus prospère. Chaque domaine se voyait attribuer trois résidences (yashiki) de niveau élevé, moyen et bas, autour du château d’Edo. Ces résidences appartenaient en principe au shogunat, et il n’est pas exagéré de dire que les femmes et enfants des seigneurs, obligés de vivre à Edo en permanence, étaient comme des otages, étroitement surveillés.

La présence de tant de daimyô à Edo, accompagnés de leurs familles et serviteurs, a provoqué l’arrivée de commerçants, stimulant ainsi l’activité économique. Des emplois ont pu être créés en conséquence. Des personnes autres que des samouraïs se sont installés dans la ville qui devenait de plus en plus animée et qui s’alliait bien mieux à son rôle administratif. C’est donc le sankin kôtai qui a déclenché la croissance fulgurante d’Edo.

La diffusion des connaissances de la ville vers les provinces

Grâce aux séjours à Edo des grands seigneurs de tout le pays, la diffusion des informations entre la ville et les provinces s’est grandement améliorée. Ces résidences sont devenues des centres de transmission de connaissances savantes.

Si les écoles des domaines se trouvaient normalement dans les provinces, il existait toutefois des exceptions. Par exemple, en 1797, le domaine de Hirosaki (aujourd’hui la préfecture d’Aomori) a fondé un établissement d’études pour ses vassaux à Edo. De même, le domaine de Matsushiro (aujourd’hui la préfecture de Nagano) organisait des séminaires à Edo entre 1818 et 1830, en y invitant des érudits confucéens.

À l’époque, Sanada Yukitsura était à la tête du domaine de Matsushiro. Le personnage avait une ascendance impressionnante : fils de Matsudaira Sadanobu , connu pour ses réformes shogunales, et arrière petit-fils du shogun Yoshimune. Il a été adopté à l’âge de 25 ans par le clan des Sanada qui n’avait pas de descendance. Il a invité ceux qui avaient étudié à Edo à ramener leur connaissances et leur expertise au domaine.

Certains samouraïs appartenant à différents domaines pouvaient aussi fréquenter l’une des plus grandes écoles d’Edo, appelée Shôheikô. Les élèves doués qui accompagnaient leurs seigneurs lors du sankin kôtai pouvaient se servir de leurs connaissances en rentrant au pays.

Un portrait de Sanada Yukitsura (avec l’aimable autorisation du Musée des trésors des Sanada)
Un portrait de Sanada Yukitsura (avec l’aimable autorisation du Musée des trésors des Sanada)

La diffusion de la gastronomie

Notons également que certains mets d’Edo se sont répandus dans tout le pays. C’est le cas pour le tsukudani où les ingrédients sont mijotés dans de la sauce soja et du sucre.

À l’origine, le tsukudani était une spécialité du quartier Tsukuda, à Edo. C’était un moyen pour les pêcheurs de conserver les poissons qui étaient trop petits pour les livraisons. Ce mets étant devenu réputé dans toute la ville, les daimyô l’ont rapporté dans leurs domaines comme souvenirs.

Tôto hanagoyomi: Tsukudaoki no shirauo tori (Calendrier de floraisons de la capitale de l’est: La pêche aux poisons de glace au large de Tsukuda (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
« Calendrier de floraisons de la capitale de l’est : La pêche aux poissons de glace au large de Tsukuda » (Tôto hanagoyomi : Tsukudaoki no shirauo tori ) (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Quand les prises ont diminué à Tsukuda vers la fin du XVIIIe siècle, les pêcheurs locaux ont été invités par les daimyo et samouraïs à s’installer dans leurs domaines. Par la suite, certains de ces tsukudani, fabriqués à base de petits poissons et crustacés pêchés dans ces nouvelles régions, ont refait le chemin vers Edo.

(Photo de titre : « Les pompiers de Kaga » [Kagatobi no zu], de Utagawa Toyokuni. La résidence des seigneurs du domaine de Kaga est en arrière-plan, et sa porte principale est aujourd’hui la porte Akamon du campus de Hongô de l’Université de Tokyo. Photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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