Une plongée dans l’histoire des seigneurs de Kamakura

Le Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura, une plongée dans le Japon médiéval

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Dans cet article, intéressons-nous au Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura, niché au cœur de la « ville des samouraïs ».

D’abondantes collections à Kamakura

Situé à Ôgigayatsu, un quartier tranquille et plutôt aisé de la ville de Kamakura, le Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura a ouvert ses portes en 2017. Le bâtiment, conçu par le studio de l’architecte britannique Norman Foster, devait initialement servir de maison de vacances à un éminent chef d’entreprise, mais il a finalement été donné à la municipalité. Faisant la part belle à l’utilisation de marbre artificiel et bénéficiant d’une lumière intérieure naturelle abondante grâce à de grandes fenêtres, cette structure de couleur beige et de faible hauteur se fond dans le paysage avec un mimétisme particulièrement impressionnant. De nombreux architectes visitent ce musée uniquement pour la beauté de cette architecture.

Le Musée de la culture et de l'histoire de Kamakura vu depuis le jardin à l’arrière (© Nippon.com)
Le Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura vu depuis le jardin à l’arrière (© Nippon.com)

Kamakura est une ancienne capitale, riche de nombreuses structures et reliques qui ont fait l’histoire du Japon. Le Conseil de l’éducation de la ville analyse et conserve précieusement les fouilles archéologiques qui y ont eu lieu, dont le musée partage les découvertes pour le plus grand bonheur des visiteurs. À l’origine une résidence pour particulier, l’espace est plutôt exigu et ne comporte que quatre salles d’exposition : trois dans le bâtiment principal et une dans l’annexe. Pour le directeur du musée, Aoki Yutaka, ancien professeur à l’université Kokugakuin, davantage d’efforts sont nécessaires en matière d’activités éducatives.

Le conservateur en chef du musée, Aoki Yutaka, donne une conférence (avec l'aimable autorisation du Musée de la culture et de l'histoire de Kamakura)
Le conservateur en chef du musée, Aoki Yutaka, donne une conférence (avec l’aimable autorisation du Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura)

Chaque samedi, des conservateurs commentent les expositions. Le musée accueille également des conférences du supérieur d’un temple bouddhique local et se propose d’éduquer les visiteurs en donnant des cours du soir sur des sujets tels que « comment lire des documents historiques » et « comment interpréter des rouleaux illustrés ». Mais ce n’est pas tout. L’éducation se faisant dès le plus jeune âge, il y a également des ateliers pour les enfants, tels que « comprendre l’encens », et le personnel du musée fait régulièrement des interventions dans les écoles.

La conservatrice Ôsawa Izumi (au centre) donne une conférence à la galerie. (Photo prise avant la pandémie de coronavirus, avec l'aimable autorisation du Musée de la culture et de l'histoire de Kamakura)
La conservatrice Ôsawa Izumi (au centre) donne une conférence à la galerie. (Photo prise avant la pandémie de coronavirus, avec l’aimable autorisation du Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura)

Si les événements sont peu nombreux en ce moment, en février 2022, le musée a accueilli un symposium intitulé « L’ère de Hôjô Yoshitoki ». Il avait été organisé avec la collaboration de chercheurs en biens culturels de la ville d’Izunokuni, dans la préfecture de Shizuoka. C’était là qu’était situé le siège du clan Hôjô, lequel a aidé le tout premier shôgun du pays, Minamoto no Yoritomo, à lever son armée.

Des fouilles dans une ville moderne

On parle souvent de « fouilles », mais dans une ville moderne, avec des infrastructures complexes, des résidents et des entreprises, les possibilités d’excavation sont limitées. C’est pourquoi, notre représentation de la « ville des samouraïs » telle qu’elle était autrefois comporte un certain nombre de lacunes... Dans l’enceinte de la municipalité, les propriétaires de terrains où des artefacts culturels ont pu être enterrés doivent autoriser une étude archéologique avant tout réaménagement de ce terrain.

Dans le cas de découverte de fondations de bâtiments anciens, les responsables de la ville en font un relevé détaillé. Des photos et les mesures des objets en question sont prises. Toutefois si aucunes ruines historiques classées au niveau national ou local n’ont été exhumées, le propriétaire retrouve la pleine possession de son terrain et peut l’utiliser comme bon lui semble.

Pour le directeur Aoki Yutaka, le développement est l’antithèse de la préservation. Toutefois, les précieux objets et documents obtenus lors de ces fouilles par les fonctionnaires municipaux sont remis au musée, qu’il s’agisse de rapports détaillés ou de fragments ou d’artefacts. Ce n’est que par la suite que les chercheurs peuvent examiner les artefacts.

S’agissant de l’importance des expositions, Aoki Yutaka répond : « Les reliques tout comme les ruines regorgent d’informations à l’infini. De plus amples recherches nous permettent d’en extraire, et d’en comprendre les implications historiques. Mais il ne faut pas oublier l’aspect visuel des expositions ; elles doivent être attrayantes pour le visiteur. »

L’exposition permanente du musée présente des céramiques, notamment des reliques des dynasties chinoises Song (960-1279) et Yuan (1271-1368), ainsi que d’autres céramiques japonaises de régions comme Seto, Tokoname ou encore Atsumi, montrant à quel point le commerce maritime de Kamakura avec ces régions était développé. Une jarre en porcelaine a été découverte intacte dans une grotte lors de l’excavation des ruines du temple Shinzenkô-ji. Il s’agit d’un objet d’une grande valeur.

Une jarre à saké en céladon excavée après les fouilles des ruines d'un manoir ayant appartenu à un samouraï (à gauche) et une jarre en porcelaine à quatre anses découverte dans les ruines du temple Shinzenkô-ji. (Avec l'aimable autorisation du Conseil d’éducation de Kamakura)
Une jarre à saké en céladon excavée après les fouilles des ruines d’un manoir ayant appartenu à un samouraï (à gauche) et une jarre en porcelaine à quatre anses découverte dans les ruines du temple Shinzenkô-ji. (Avec l’aimable autorisation du Conseil d’éducation de Kamakura)

Le travail d’un conservateur de musée

Quatre conservateurs travaillent dans ce musée. Ils ont pour tâche en tant qu’experts de faire correspondre les artefacts avec les données provenant des vestiges archéologiques et des archives historiques, afin de glaner des informations pertinentes qui permettront d’en apprendre davantage sur ces objets. L’une de ces quatre conservatrices, Ôsawa Izumi, explique que depuis toute petite, elle a toujours voulu travailler dans le domaine de l’histoire, et en particulier celui de l’époque de Kamakura (1185-1333). Ce poste dans ce musée était donc son idéal. En 2019, elle a coordonné une exposition sur la cuisine de Kamakura à l’époque médiévale. De nombreux objets ont été excavés suite à des fouilles. Il s’agit de reliques de la vie quotidienne, dont un grand nombre ont trait à la nourriture.

Partie d'une exposition de 2019 portant sur la cuisine au Moyen-Âge à Kamakura. (Photo avec l'aimable autorisation du Musée de la culture et de l'histoire de Kamakura)
Partie d’une exposition de 2019 portant sur la cuisine au Moyen-Âge à Kamakura. (Photo avec l’aimable autorisation du Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura)

Des fouilles effectuées dans les anciennes résidences de samouraïs ont permis de découvrir de nombreuses coquilles d’ormeaux et des arêtes de poisson. Ôsawa Izumi explique qu’elles nous renseignent sur la culture gastronomique ainsi que sur la société et l’économie de l’époque. « À cette époque, les ormeaux étaient énormes. Ils n’étaient pas servis pour un repas ordinaire, mais réservés aux samouraïs de la classe supérieure. Il est important de comprendre l’économie qui organisait la ville et ses milliers d’habitants. »

De nombreuses coupes à saké en terre cuite peu profondes ont été excavées, ce qui permet par exemple de comprendre que les samouraïs organisaient souvent des banquets. « À l’époque, la vaisselle était utilisée à usage unique. La raison de cette pratique était d’ordre spirituel. Elle était la preuve que quelque chose n’était pas souillé », explique Ôsawa Izumi. « Elle était couramment utilisée lors de banquets officiels. »

La ville de Kamakura a gagné en prospérité après la guerre de Jôkyû en 1221, lorsque Hôjô Yasutoki a étendu sa mainmise sur les provinces occidentales. Bien sûr, l’urbanisation de la ville a progressé, venant peu à peu remplacer les zones rurales qui s’étendaient à perte de vue à l’arrivée de Yoritomo en 1180.

La guerre de Genpei a éclaté suite à l’attaque du vassal du clan Taira, Yamaki Kanetaka, par Sasaki Tsunetaka, du clan Minamoto, à l’aide une flèche incendiaire dans la région d'Izu. Azuma kagami (ci-dessus), la chronique médiévale des événements du shogunat de Kamakura, relate l'incident, qui a eu lieu le 17 août 1180, le qualifiant de « première flèche de l’asservissement des Taira par Minamoto ». (Avec l'aimable autorisation des Archives nationales du Japon)
La guerre de Genpei a éclaté suite à l’attaque du vassal du clan Taira, Yamaki Kanetaka, par Sasaki Tsunetaka, du clan Minamoto, à l’aide une flèche incendiaire dans la région d’Izu. Azuma kagami (ci-dessus), la chronique médiévale des événements du shogunat de Kamakura, relate l’incident, qui a eu lieu le 17 août 1180, le qualifiant de « première flèche de l’asservissement des Taira par Minamoto ». (Avec l’aimable autorisation des Archives nationales du Japon)

Sous Yoritomo, si les guerriers des provinces orientales ont établi le shogunat grâce à leur puissance militaire, ils l’ont maintenu grâce à leurs prouesses administratives, qui exigeaient notamment des connaissances tant en poésie, qu’en musique ou encore en arts littéraires. Bien que la poésie waka soit généralement perçue comme une activité réservée à la classe aristocrate, Ôsawa Izumi explique qu’elle était utilisée par les samouraïs lors des négociations avec la cour impériale, un moyen pour eux de montrer qu’ils étaient cultivés.

Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura

  • Accès : 10 minutes à pied de la gare JR Kamakura, sortie ouest
  • Horaires : de 10 h à 16 h (fermé le dimanche et les jours fériés)
  • Entrée : 400 yens ; 150 yens pour les élèves d’école primaire et de collège.

(Reportage et texte de Mochida Jôji, de Nippon.com. Photo de titre : l’entrée principale du Musée de la culture et de l’histoire de Kamakura. Photo de Nippon.com.)

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