Le Japon à la conquête de la victoire en Coupe du monde de rugby

Sport

La Coupe du monde de rugby 2019 va s’ouvrir le 20 septembre au Japon. L’équipe nationale japonaise, appelée les Brave Blossoms (« Les fleurs courageuses »), est encore très marquée par l’influence d’Eddie Jones, son entraîneur précédent. Mais que peut-on attendre des joueurs nippons sous la tutelle de Jamie Joseph, le sélectionneur actuel ?

Le Japon hébergera la Coupe du monde de rugby à partir de 20 septembre. Lors du précédent championnat, qui s’est déroulé en Angleterre en 2015, la victoire de l’équipe japonaise, entraînée par Eddie Jones, sur la très battante équipe sud-africaine avait ébranlé le monde du rugby. Quatre ans plus tard, l’équipe japonaise est-elle encore plus forte ? La réponse est un « oui » retentissant.

Quatre ans de progrès dans le rugby japonais

Après le match de l’automne 2018 à Twickenham, au « holy stadium » de la fédération de rugby, Eddie Jones, aujourd’hui entraîneur de l’équipe d’Angleterre, a prédit que l’équipe japonaise, les Brave Blossoms, allait immanquablement rencontrer le succès.

« Lorsque j’étais sélectionneur pour le Japon, je n’ai pas réussi à obtenir un match amical avec une équipe de Tier 1 (système de classification des équipes nationales en trois niveaux, dont le Tier 1 est composé des 10 équipes les plus fortes). Pendant la période préparatoire à la Coupe du monde 2014, le Japon a été sélectionné pour des matchs amicaux contre la Roumanie et la Géorgie. Les choses ont complètement changé entre-temps. Le Japon a joué contre les All Blacks (Nouvelle-Zélande) et il s’est montré à la hauteur de l’Angleterre à Twickenham. Cela témoigne du chemin que ce pays a parcouru dans le monde du rugby. »

Dans ce match amical, le Japon a montré ce dont il était capable face à l’équipe anglaise, suffisamment forte pour emporter la Coupe du monde. Pendant la première mi-temps, les avants étaient sur un pied d’égalité et le Japon, qui menait 15 à 10, avait le vent en poupe. Au cours de la seconde mi-temps, l’Angleterre a resserré les rangs, et elle a fini par gagner, avec un score de 35 à 15. Il n’en reste pas moins que le Japon s’est avéré un adversaire redoutable.

Lors d’une apparition devant la presse le 16 novembre 2018, à Twickenham, en Angleterre, Michael Leitch, le capitaine de l’équipe japonaise, a exprimé l’enthousiasme que lui inspirait le match avec l’Angleterre. (Jiji Press)
Lors d’une apparition devant la presse le 16 novembre 2018, à Twickenham, en Angleterre, Michael Leitch, le capitaine de l’équipe japonaise, a exprimé l’enthousiasme que lui inspirait le match avec l’Angleterre. (Jiji Press)

Interviewé après le match, Jones a dit : « Je suis très content des performances réalisées aujourd’hui par l’équipe japonaise. Il ne fait pas de doute qu’elle a grimpé des échelons dans le monde du rugby. Outre cela, elle attire davantage l’attention des médias japonais. Le Japon est maintenant doté d’une communauté du rugby. L’entraîneur principal Jamie Joseph et l’entraîneur adjoint Tony Brown font un excellent travail dans la formulation des plans d’attaque, et l’on assiste à la percée d’une kyrielle de jeunes joueurs talentueux sous le formidable patronage du capitaine Michael Leitch. »

Il a raison : l’équipe progresse résolument. En 2019, elle continue de se préparer assidûment pour la Coupe du monde. Les membres de l’équipe ont mis un terme à leur participation à la ligue nationale afin de se donner plus de temps pour se préparer au tournoi. L’équipe a en outre participé à de nombreux stages de formation depuis le mois de février.

Il semble que l’intensité avec laquelle l’équipe se consacre à son entraînement dépasse même ce qu’on avait observé sous la tutelle de Jones, pourtant connu pour les efforts qu’il exigeait des joueurs. Selon les commentaires de l’un d’entr eux : « Nous sommes sortis indemnes d’une dure période d’entraînement. Sans une telle difficulté, il n’y aurait eu aucun effet escompté sur les membres de l’équipe. »

Pas d’autre issue que la victoire

Au cours des quatre années écoulées depuis la dernière Coupe du monde, l’équipe japonaise a rencontré les meilleures équipes mondiales, si bien que ses joueurs ont complètement changé d’état d’esprit. Ils se rendent compte qu’il s’agit de beaucoup plus qu’un combat contre des champions : il n’y a pas d’autre issue que la victoire. 

Le 3 novembre 2018, Le Japon a rencontré les All Blacks au stade Ajinomoto, à Tokyo. Les Brave Blossoms ont joué admirablement pendant la première mi-temps, mais à la seconde, ils étaient sous pression et la déception des supporters était palpable quand ils ont vu leur équipe manquer ses cinq derniers essais. Leur réaction m’a surpris : les fans eux aussi ont changé.

Lors du match amical contre la Nouvelle-Zélande, Hendrik Tui a marqué un essai pour l’équipe japonaise à la première mi-temps. Stade Ajinomoto, Tokyo, 3 novembre 2018. (Jiji Press)
Lors du match amical contre la Nouvelle-Zélande, Hendrik Tui a marqué un essai pour l’équipe japonaise à la première mi-temps. Stade Ajinomoto, Tokyo, 3 novembre 2018. (Jiji Press)

Les All Blacks sont venus au Japon après leur première victoire à la Coupe du monde, il y a 32 ans, en 1987. J’étais étudiant à l’université quand j’ai regardé leur second match amical contre le Japon, au Nouveau stade national de Tokyo. Je me souviens que le « Mr. Rugby » du Japon, Hirao Seiji, des Kobelco Steelers, a joué un rôle clef dans ce match, ce qui n’a pas empêché le Japon d’être battu par 106... à 4 ! L’équipe ne faisait pas le poids face à la force de frappe de la Nouvelle-Zélande.

En dépit de cela, je n’avais pas honte d’être Japonais. Je n’avais jamais nourri l’espoir que le Japon puisse gagner un match aussi déséquilibré, compte tenu de l’évidente différence de niveau entre les deux équipes. En fait, je me souviens des acclamations qui montaient des gradins pour saluer l’incroyable virtuosité du jeu des All Blacks. Le Japon les adorait.

En revanche, les fans qui ont assisté à la victoire du Japon face à l’Afrique du Sud lors de la Coupe du monde 2015 s’attendaient à une issue favorable contre les All Blacks en 2018. Emballés comme ils l’étaient à l’idée d’une victoire improbable, ils furent profondément déçus par la défaite du Japon sur un score de 69 à 31. L’enthousiasme des fans investissant tous leurs espoirs dans l’équipe japonaise aura indubitablement un puissant effet de levier lors de la Coupe du monde de cette année.

Les risques d’un excès d’enthousiasme

Toujours est-il que ce sera la première fois depuis son inauguration en 1987 que la Coupe du monde de rugby se tiendra dans un pays n’appartenant pas au Tier 1. Des inquiétudes ont surgi à propos des pressions qui pourraient venir des supporters de l’équipe japonaise, et à propos aussi de l’enthousiasme suscité globalement par la Coupe du monde. Personne n’a autant conscience de ces problèmes que les membres de l’équipe japonaise qui ont une vaste expérience du jeu à l’étranger.

Les joueurs qui ont participé aux tournois de 2011 en Nouvelle–Zélande et de 2015 en Angleterre, ainsi qu’à des matchs amicaux à l’étranger, ont une expérience directe de la place importante que le rugby occupe dans la vie des pays en tête du classement.

Le Japon parviendra-t-il au même niveau d’enthousiasme et d’hospitalité que les pays hôtes qui l’ont précédé ? Et, compte tenu du faible enracinement de la culture du rugby dans sa population, le Japon sera-t-il en mesure de répondre aux attentes des joueurs étrangers ? Ce sont là des questions qui préoccupent bien des membres de l’équipe.

Les futurs membres de l’équipe du Japon lors d’un stage d’entraînement à Urayasu, préfecture de Chiba, le 15 avril 2018. (Jiji Press)
Les futurs membres de l’équipe du Japon lors d’un stage d’entraînement à Urayasu, préfecture de Chiba, le 15 avril 2018. (Jiji Press)

Yamada Akihito, ailier de l’équipe japonaise lors du match contre l’Angleterre, exprime ainsi ses pensées : « Avant la dernière coupe du monde, il n’y avait qu’une poignée de Japonais qui manifestaient un tant soit peu d’intérêt pour le rugby. D’où mes inquiétudes à l’idée que le Japon héberge le championnat de 2019. » La victoire du Japon contre l’Afrique du Sud, suivie par trois victoires dans la phase de poules de la Coupe du monde 2015, a suscité une flambée d’intérêt pour l’équipe et le sport qu’elle pratique, mais cela ne peut constituer qu’un premier pas. « Pour la compétition qui arrive, je pense qu’il faudrait que le rugby soit sur tous les écrans de télévision du Japon, et que les conversations sur les lieux de travail et à l’école s’en emparent. » 

Le match Japon - Écosse : une partie cruciale

Au 9 septembre 2019, le Japon était classé dizième au rang mondial. Il figure dans la poule A pour la Coupe du monde avec le calendrier suivant :

  • Japon - Russie (20e mondial) à Tokyo le 20 septembre
  • Japon – Irlande (1er mondial) à Shizuoka le 28 septembre
  • Japon – Îles Samoa (16e) à Toyoda le 5 octobre
  • Japon – Écosse (7e) à Yokohama le 13 octobre

Voir notre calendrier détaillé avec les stades et les villes-hôtes pour la Coupe du monde

La Coupe du monde 2015 s’est soldée pour le Japon par trois victoires et une défaite, à égalité avec l’Afrique du Sud et l’Écosse, mais ces deux dernières équipes font partie des huit qui, contrairement à l’équipe japonaise, ont atteint la phase finale, grâce à leurs points de bonus.

Cette année, le Japon se doit de finir parmi les deux meilleurs de son groupe. L’équipe ne peut pas se permettre de perdre face à un pays aussi mal classé que la Russie, ni face aux Îles Samoa, que les Brave blossoms ont battu en 2015. Outre ces deux équipes, le Japon doit aussi vaincre l’un des deux pays mieux classés, l’Irlande et l’Écosse.

Le dernier match, celui contre l’Écosse, sera particulièrement décisif. Dans la poule A, l’Irlande est classée première au rang mondial. Ainsi, l’adversaire le plus « abordable » parmi les puissants est bien l’Écosse... Et si le Japon arrive face à elle avec deux victoires et une défaite (éventuellement contre l’Irlande), le gagnant aura une chance de faire partie des huit pays de la phase finale.

L’équipe japonaise n’a jamais été confrontée à une telle situation d’« obligation de gagner » sur son propre territoire. Ce sera pour elle un véritable défi. Et de fait, lors d’une interview qu’il a donnée à Tokyo en avril dernier, Eddie Jones a employé l’expression « jeu crucial » pour décrire la rencontre prochaine entre le Japon et l’Écosse.

Mais, si l’on veut voir plus loin que le tournoi, le Japon a besoin de battre l’Écosse pour favoriser l’épanouissement de sa propre culture du rugby.

J’ai constaté l’enthousiasme que le rugby suscite dans d’autres pays. À Londres, j’ai vu des personnes de tous âges prendre le train pour Waterloo Station des heures avant un match amical, toutes vêtues de tricots aux couleurs de l’équipe d’Angleterre. En Nouvelle-Zélande, des élèves du primaire faire rebondir nonchalamment un ballon de rugby sur le chemin qui les menait à l’école. Lors de la Coupe du monde 2003, j’ai entendu les fans australiens entonner la chanson populaire « Waltzing Matilda » en réplique à l’exécution d’un haka maori par les All Blacks.

La Coupe du monde est une confrontation à la fois entre des équipes et leurs fans. Reste à savoir à quel point l’équipe japonaise pourra inspirer la nation jusqu’à l’ouverture de la Coupe du monde le 20 septembre. Le moment est venu de montrer ce qu’elle vaut !

(Photo de titre : Jamie Henry marque un essai pour le Japon à la seconde mi-temps du match amical du 3 novembre 2018 contre la Nouvelle-Zélande. Jiji Press)

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