Yugeta Mariko : à plus de 60 ans, la marathonienne détentrice d’un record du monde
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Entre vie de famille et vie professionnelle, un rêve jamais abandonné
Yugeta Mariko a atteint le graal des coureurs amateurs japonais : un marathon terminé en moins de 3 heures, un exploit que très peu d’hommes et de femmes seulement sont capables d’accomplir. Originaire de la préfecture de Saitama, près de Tokyo, Yugeta est la seule femme de plus de 60 ans au monde à y arriver, et plusieurs fois même. Elle détient le record du monde pour la catégorie de femmes âgées de 60 à 64 ans, avec une incroyable chrono de 2 heures, 59 minutes et 13 secondes, établie au marathon international féminin d’Osaka en 2021.
Mariko a toujours couru. Étudiante, elle participait à des concours de demi-fond et a été sélectionnée pour l’épreuve de 800 mètres au championnat national des lycéens. Plus tard, elle a basculé sur le marathon, réalisant sa première course à l’âge de 24 ans en 3 heures, 9 minutes et 21 secondes. Si son objectif majeur était de franchir la barrière des 3 heures, cela lui a pris bien plus longtemps qu’elle ne l’imaginait...
En effet, en se mariant peu de temps après s’être lancée dans le marathon, son entraînement est passé au second plan, derrière sa vie de famille. « Je me suis mariée à 25 ans et mon fils ainé est né un an plus tard », raconte-t-elle. Mariko avait 37 ans à la naissance de son quatrième et dernier enfant. Son rôle parental était une priorité, certes, mais son rêve de finir le marathon en moins de 3 heures, elle ne l’a jamais abandonné. Malgré les occasions de s’entrainer peu nombreuses, elle voulait absolument rester active. Dans son rôle d’enseignante, elle courait avec les membres du club d’athlétisme et faisait des pompes et des redressements assis quand elle avait un peu de temps.
Elle s’est remise à courir le marathon juste avant ses 40 ans, mais elle a dû attendre que ses enfants grandissent avant de relever le défi des 3 heures. En 2009, à l’âge de 51 ans, elle était déjà proche du but, et a couru le marathon féminin de Nagoya en un peu moins de 3 heures et 6 minutes. Une fois son plus jeune enfant au lycée, elle a pu se consacrer presque pleinement à son entraînement, et a adhéré à un club d’athlétisme à Tokyo. Son temps de course s’est progressivement réduit jusqu’à ce qu’elle arrive enfin à briser la barrière des 3 heures, à l’âge de 58 ans.
Après un immense sentiment de satisfaction, le commentaire d’une de ses élèves lui a fait prendre conscience qu’elle était peut être allée encore au delà d’un record personnel : « Elles disaient en plaisantant qu’un marathon en moins de trois heures à mon âge, c’était sans doute être un record mondial. » « Je me suis quand même informée, juste pour la forme, et là, quel étonnement ! Aucune autre femme de plus de 60 ans n’avait réussi ce coup ! Si je pouvais maintenir ce temps sur une période de deux ans, je pourrais revendiquer le record. C’est que je me suis dit, et ça m’a vraiment motivé. »
Protéines, sommeil et régularité de l’entraîement
Mariko participe à beaucoup de courses. Elle a déjà effectué les trois marathons féminins principaux du Japon (Nagoya, Osaka et Tokyo), tout comme beaucoup de courses régionales. En tout, elle accumule plus de 100 courses à son actif, et n’a aucune intention de lever le pied. Sa stratégie d’entraînement bien réfléchie — courir régulièrement, beaucoup de sommeil et une alimentation équilibrée — lui apporte la vitalité qui lui permet de continuer à réaliser des marathons en moins de 3 heures.
Mariko est professeur de gym trois jours par semaine dans son ancien établissement, le lycée de filles de Kawagoe, et réussit quand même l’exploit de courir entre 600 et 700 kilomètres par mois. Elle confirme : « Il faut faire des kilomètres pour courir des marathons. » Elle allie judicieusement son entraînement et ses responsabilités d’enseignante, et arrive à faire 25 kilomètres par jour en moyenne. « Les jours où j’enseigne, je cours environ 15 kilomètres avec les filles du club d’athlétisme. Une fois qu’elles ont terminé, je fais des tours de piste en plus pour combler la différence. » Les autres jours, elle court dans les collines avoisinantes, ou se rend au lycée pour participer à l’entraînement de club de l’après-midi.
Quand on lui demande si elle se repose, Mariko répond immédiatement qu’elle court tous les jours, qu’il pleuve, neige, ou fasse un beau soleil. « On n’annule pas les marathons à cause de la météo », précise-t-elle. Elle raconte que la seule fois où elle n’est pas sortie était lors d’un gros typhon, et seulement parce que sa famille a insisté. « Je me préparais à sortir et ils m’ont stoppé. »
Pour maintenir son programme d’entraînement, Mariko s’assure de bien manger et de dormir assez pour que son corps puisse complètement récupérer. « C’est très important de prendre de bonnes habitudes. Je fais en sorte de dormir huit heures par jour, et je mange des aliments tels le poulet, le thon cru, le tofu, ainsi que des œufs et du lait, pour assurer un bon apport de protéines à mon corps. » Sa cuisine est simple et nutritive, et intègre des produits locaux qui viennent souvent des jardins de ses voisins, et elle ne boit presque pas d’alcool. « J’aimais beaucoup la bière dans ma jeunesse, mais je ne bois quasiment plus depuis la naissance de mon quatrième enfant. »
« À mon âge, c’est normal d’avoir des blessures et de l’usure »
Malgré sa pêche, Mariko est consciente des années qui passent et parle de la patience et de l’effort qu’il lui a fallu pour arriver à sa forme d’aujourd’hui. Une fois 50 ans passés, elle a commencé à ressentir une certaine usure physique. Elle a fait face à des problèmes variés, y compris une névralgie lombaire, une tendinite au tendon d’Achille, et des douleurs au talon. Elle a aussi moins d’appétit, et donc redouble d’efforts au niveau de la nutrition.
Mais elle ne lâche rien pour autant. Plutôt que de faire une fixation sur ses problèmes de santé, elle s’acharne à trouver des solutions. « À mon âge, c’est normal d’avoir des blessures et de l’usure », dit-elle sans détour. Selon le problème, elle fait appel à un chiropracteur, ou essaye la phytothérapie, le but étant toujours d’aller mieux. « Pour réussir, il faut relever chaque défi. On peut tout accomplir si on le veut. »
Ses paroles semblent refléter un caractère inébranlable, mais quand on lui demande si elle n’en a pas marre de s’entrainer tous les jours, elle laisse esquisser un petit sourire, et répond que l’idée ne lui est jamais passée par la tête...
Pourquoi Mariko aime-t-elle tant courir ? « Cela fait tellement partie de ma vie que ce n’est pas facilement qualifiable. Quelque chose me pousse à continuer. » Quant elle voit des jeunes athlètes courir à la télé, cela la démange de se chausser et sortir courir. Le fait de travailler avec des lycéennes la dynamise aussi. « Je me nourris de leur énergie. C’est top. »
Courir encore et encore
Ayant réussi le marathon en moins de 3 heures, l’objectif est maintenant de franchir les 2 heures et 50 minutes. Elle serait heureuse si elle pouvait ne faire que courir pour le restant de ses jours : « Je veux courir jusqu’à la fin », dit-elle, avec un grand sourire. « Je sais que les années font leur effet mais je peux encore faire des efforts pour progresser. »
Par exemple, elle a commencé un entraînement de base qu’elle avoue ne pas trop apprécier. « Je veux absolument me vouer corps et âme au marathon pour pouvoir dire à mes enfants, le moment venu, que j’ai vécu ma vie pleinement. » Avec un peu de chance, cette éventualité restera lointaine. Entre temps, Mariko continuera à s’entraîner et participer à des courses, avec le soutien de sa famille et de ses collègues, et y prendra énormément de plaisir.
(Toutes les photos © Yamamoto Raita, sauf mentions contraires)