Une première historique : un porte-conteneur navigue sans pilote dans la baie de Tokyo
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La Nippon Foundation déclare qu’elle a réussi à faire effectuer à un porte-conteneurs autonome un voyage aller et retour de 790 kilomètres entre la baie de Tokyo et le port de Matsusaka, dans la ville de Tsu (préfecture de Mie). Selon la fondation, ce voyage constitue la première tentative de ce genre où que ce soit dans le monde dans une étendue d’eau aussi encombrée que la baie de Tokyo, traversée quotidiennement par un grand nombre de navires.
Ce test, qui s’insère dans le projet de navigation autonome conçu par la fondation et baptisé Meguri 2040, a été mené par un consortium regroupant une trentaine d’entreprises ayant à leur tête la société Japan Marine Science du groupe NYK. Outre les représentants des secteurs de la navigation et de la construction navale, le projet mettait à contribution l’expertise d’une pluralité de participants dont le groupe NTT, divers fournisseurs de services d’information météorologique et des assureurs maritimes.
Un navire sans capitaine traverse sans accroc une zone de circulation intense
La baie de Tokyo, parcourue chaque jour par quelque 500 navires, a une activité supérieure de 50 % à celle du détroit de Singapour et dix fois plus intense que celle du canal de Panama. Pour son projet, l’équipe a sélectionné le Suzaku, un porte-conteneurs de 749 tonnes long de 95 mètres. Beaucoup de grands navires sont équipés d’un pilote automatique qui leur permet de suivre un trajet déterminé, mais les navires autonomes disposent en outre d’un système anticollision et d’un dispositif d’accostage. Après avoir levé l’ancre sans problème en mode automatique dans la baie de Tokyo le 26 février, le Suzaku a traversé la baie et navigué jusqu’à une étendue d’eau bordant le port de Matsusaka — un voyage aller de 20 heures — avant de revenir à la baie de Tokyo le matin du 1er mars. L’équipage a certes eu recours aux commandes manuelles en un petit nombre d’occasions, mais le système anticollision s’est activé dans 97,4 % des cas à l’aller et 99,7 % au retour.
« Rien qu’à l’aller, le navire a exécuté 107 manœuvres d’évitement. Chacun des changements de cap ayant permis au navire d’éviter plusieurs autres vaisseaux, on peut en déduire que le nombre total des vaisseaux évités s’élève à 400 ou 500 », dit Kuwahara Satoru, directeur de programme du consortium, en soulignant l’issue positive de l’essai.
Pour assurer l’autonomie de la navigation du navire, des serveurs, dispositifs de contrôle et autres appareils avaient été installés à terre sur des conteneurs, puis transférés à bord du Suzaku. Cette procédure permettra de faire accéder des navires existants à l’autonomie sans modifications de grande ampleur.
Une station de soutien à terre permet la télécommande
Une caractéristique importante de l’essai résidait dans l’utilisation d’une station de soutien à terre installée à Chiba. Cette station, que Kuwahara compare à « la tour de contrôle d’un aéroport » et décrit comme « un élément essentiel pour que la navigation autonome devienne une réalité commerciale », rassemble des données météorologiques et maritimes ainsi que des informations sur les volumes de trafic. Elle surveille de même l’état de fonctionnement et la situation de la salle des machines, ce qui permet la prise de contrôle à distance du navire en cas d’urgence. Il s’agissait d’un test véritablement exhaustif, assorti de liens de communication de la mer à la terre.
Le 28 février, ont été effectués des essais au cours desquels le navire était contrôlé à distance depuis la station de soutien à terre. L’équipe est parvenue à envoyer des instructions au Suzaku, qui se trouvait à environ 300 kilomètres de là dans la baie d’Ise, via une liaison satellite.
Kuwahara explique : « La station de soutien à terre nous permet de surveiller à tout moment des milliers de navire et de leur offrir un soutien. Peut-être les avancées de l’informatique en nuage nous permettront-elles un jour de diriger de grands navires depuis la maison. »
Le plus gros obstacle c’est la législation
Le projet Meguri 2040 a pour ambition de trouver des solutions à des problèmes de société tels que les pénuries de main-d’œuvre, le vieillissement du personnel maritime et les accidents fréquents, souvent attribuables à des facteurs humains, ainsi que de faire entrer les voyages autonomes dans la réalité d’ici 2025. L’équipe, dit Kuwahara, « se donne pour but de travailler à la résolution des questions qui ont été identifiées au cours de l’essai, tout en prenant des mesures en vue de faciliter la commercialisation de la technologie. »
En fait, il semble que l’élaboration des réglementations et des dispositifs en matière d’assurance destinés à la navigation autonome prenne plus de temps que la mise au point de la technologie afférente. On pourrait toutefois commencer par assouplir les exigences concernant les équipages. Dans son état actuel, la Loi sur le personnel maritime exige qu’à tout moment deux personnes au minimum soient postées sur la passerelle des vaisseaux de plus de 700 tonnes, qu’ils soient ou non autonomes ; ce qui veut dire que l’équipage doit se composer d’au moins six membres effectuant des quarts de huit heures. Si l’on parvient à réduire cette exigence à la présence d’une seule personne, via l’introduction de systèmes de navigation autonome dotés de capacités d’évitement automatique, cela libérera suffisamment de marins pour armer un navire supplémentaire. Le développement de la technologie est d’autant plus urgent qu’elle promet de résoudre la pénurie de marins.
Le 14 mars, le projet Meguri 2040 est entré dans sa phase suivante, le test autonome d’un navire amphibie. Cet essai était le sixième et dernier effectué par les consortiums du groupe des cinq.
Unno Mitsuyuki, de la Nippon Foundation, déclare : « Nous allons dorénavant mettre à contribution les forces des différents consortiums pour accélérer encore le développement. En nous appuyant sur les résultats de ce processus de développement, nous formulerons ensuite des propositions que nous soumettrons à diverses instances telles que l’Organisation maritime internationale. »
Espérons que, par leur présence à l’Expo Osaka 2025, les navires automatiques feront resplendir la ville d’eau du Japon.
(Reportage et texte de Hashino Yukinori, de Nippon.com. Photos de Nippon.com, sauf mentions contraires. Photo de titre : un membre de l’équipage dirige le navire à distance depuis la station de soutien à terre.)