La Japonaise Yamashita Yoshimi, la première femme asiatique à arbitrer au Mondial de football au Qatar

Sport International

Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde de la FIFA, des femmes vont arbitrer des matchs joués par des hommes. Six femmes sont entrées sur le terrain au Qatar, dont la Japonaise Yamashita Yoshimi. Un journaliste sportif se penche sur les franchissements des barrières de genre opérés par des femmes occupant un poste officiel lors des événements sportifs internationaux.

Une pionnière japonaise dans le monde du foot

La Coupe du monde de football 2022 a débuté le 20 novembre au Qatar. La programmation de cet événement en automne est inhabituelle, mais le choix de six femmes pour occuper des postes officiels — trois arbitres et trois arbitres adjointes chargées de la supervision des matchs — fait encore plus de bruit. La Japonaise Yamashita Yoshimi sera l’une des trois femmes officiellement autorisées à souffler dans le sifflet pour ce Mondial.

Née à Tokyo et âgée de 36 ans, Yamashita a joué au football dans sa jeunesse avant de se convertir à l’exercice d’une fonction, à la suggestion de Bôzono Makoto, un arbitre chevronné qui avait été son condisciple à l’Université Gakugei. Elle a été arbitre en chef au Japon, lors de championnats internationaux de football féminin comme de compétions exclusivement masculines, dont les championnats nationaux des écoles secondaires. En 2021, elle a été sélectionnée comme première arbitre femme au sein de la J. League (Ligue du Japon) et, en septembre 2022, elle a supervisé des matchs de 1ère division (J1).

Un certain nombre d’arbitres femmes ont fait leur entrée dans le monde du football masculin. Dès avant la Coupe du monde, de plus en plus de femmes ont été nommées à des postes officiels pour superviser des matchs organisés par diverses ligues européennes. En novembre 2020, la Française Stéphanie Frappart, qui va rejoindre Yamashita au Qatar, a été la première femme à occuper un poste officiel au sein de la Ligue des champions de l’UEFA, à l’occasion du match qu’elle a arbitré entre la Juventus et le Dynamo Kyiv.

Cela témoigne d’une évolution progressive au sein du football masculin. La pensée qui a longtemps prévalu voulait que les femmes n’aient pas la capacité physique d’accéder au niveau élevé de vitesse et d’endurance exigé pour les compétitions professionnelles masculines, et ne seraient pas en mesure de répondre aux demandes des joueurs.

Aujourd’hui, les femmes arbitres apportent la preuve manifeste de l’absurdité de ces points de vue sexistes. Yamashita, qui s’entraîne sous la conduite d’un ancien athlète de terrain, a démontré qu’elle était plus que capable de répondre aux exigences physiques de son métier. Elle a aussi prouvé son habilité à garder le contrôle des matchs en faisant montre de calme et de souplesse dans ses relations avec les joueurs. À l’évidence, il est temps de mettre au rancart l’idée que les femmes ne sont pas compétentes pour arbitrer des compétitions masculines.

Si la sélection de Yamashita comme arbitre pour la Coupe du monde a bénéficié d’une grande couverture médiatique et exercé un impact fort sur le monde des sports japonais, c’est précisément parce qu’elle remet fondamentalement en cause certaines idées fausses sur les femmes. Et son exemple a donné du courage aux femmes actives dans d’autres sports où l’arbitrage a tendance à rester réservé aux hommes.

Yamashita arbitre un match des Jeux olympiques de l'été 2020 qui a opposé les États-Unis et la Suède le 21 juillet 2021 au stade Ajinomoto. (Kyôdô)
Yamashita arbitre un match des Jeux olympiques de l’été 2020 qui a opposé les États-Unis et la Suède le 21 juillet 2021 au stade Ajinomoto. (Kyôdô)

Les arbitres femmes dans d’autres sports professionnels

Le football n’est qu’un sport parmi beaucoup d’autres où la présence des femmes dans le rôle d’arbitre dans les compétitions masculines est en train de devenir un fait acquis.

Le baseball, l’un des sports professionnels les plus populaires au Japon, a longtemps adhéré à l’idée que seuls les hommes sont à même d’arbitrer les compétitions, un préjugé profondément enraciné qui a empêché les arbitres femmes d’exercer leur activité à titre professionnel. Mais les choses sont en train de changer lentement.

En 2002, Takami Satoko a été la première femme arbitre du marbre à la Kansai 6 University Baseball League (ligue universitaire de baseball). Il y a eu par la suite une rupture dans la liste des arbitres femmes, mais, en 2018, Satô Kana a de nouveau attiré l’attention sur la question des responsabilités confiées à des femmes lorsqu’elle a été désignée comme arbitre du marbre pour les championnats de première division de la Hanshin Baseball League (ligue de baseball Hanshin des écoles secondaires)

Takami Satoko officie comme arbitre du marbre lors d'un match de la Kansai 6 University Baseball League qui s'est déroulé le 24 mars 2002 au Green Stadium de Kobe (aujourd'hui Hotto Motto Field Kobe), dans la préfecture de Hyôgo. (Kyôdô)
Takami Satoko officie comme arbitre du marbre lors d’un match de la Kansai 6 University Baseball League qui s’est déroulé le 24 mars 2002 au Green Stadium de Kobe (aujourd’hui Hotto Motto Field Kobe), dans la préfecture de Hyôgo. (Kyôdô)

Le rugby, un autre sport où l’arbitrage a longtemps été sous la tutelle des hommes, jouit d’une légère avance sur le football et le baseball en termes d’accueil des femmes à des postes officiels.

En 2016, Takahashi Mayumi était l’une des deux femmes sélectionnées comme arbitres de classe A au titre d’un nouveau système d’attribution des licences adopté par la Japan Rugby Football Union. Puis, en 2017, elle a été la première femme à exercer officiellement son activité dans un match de la Top League (première division), qui se classait en tête des compétitions professionnelles de rugby, lorsqu’elle a été arbitre adjointe d’un match opposant Toshiba et NTT.

Takahashi a poursuivi sa carrière et, en 2019, elle a arbitré des matchs du championnat national de rugby des écoles. En 2021, elle a été rejointe sur le terrain par Kamimura Eri, qui a arbitré cette année-là le match d’ouverture du campionnat des écoles secondaires.

Des arbitres femmes aux jeux olympiques

Les arbitres masculins ont longtemps exercé leur domination sur les sports amateurs, mais cela aussi est en train de changer tout doucement. Dans le judo par exemple, l’un des arts martiaux nés au Japon, les efforts en vue de parvenir à l’égalité des genres dans le sport s’accompagnent d’un essor des initiatives visant à offrir davantage d’opportunités aux arbitres femmes. C’est ainsi qu’en 2017 trois arbitres femmes ont été désignées pour la première fois pour exercer leur activité aux championnats nationaux de judo du Japon.

Une tendance similaire est à l’œuvre dans les compétitions internationales. Aux Jeux olympiques de Tokyo de l’an dernier, 5 des 16 arbitres du judo étaient des femmes. Amano Akiko était la seule personne, homme ou femme, de nationalité japonaise à avoir été sélectionnée pour arbitrer des matchs. C’était la seconde fois qu’elle officiait aux jeux olympiques, après ceux de Pékin en 2008, où elle avait été l’une des deux seules femmes à faire partie du groupe des 24 arbitres. La proportion d’arbitres femmes a grandement augmenté dans les années qui ont suivi l’entrée d’Amano sur la scène internationale, ce qui témoigne à l’évidence d’un essor du mouvement en faveur de l’amélioration de la condition féminine.

Amano a arbitré 37 rencontres de judo aux Jeux olympiques de Tokyo, dont le match d’ouverture et la finale masculine toutes catégories de poids. Le fait qu’on lui a confié la pemière et la dernière rencontres témoigne des percées accomplies par les femmes dans le monde de l’arbitrage du judo.

Amano Akiko exerce son activité d’arbitre lors de la compétition de judo des Jeux olympiques d’été 2020 qui s’est déroulée au Budôkan de Tokyo le 30 juillet 2021. Outre qu’elle est septième dan, elle est aussi directrice à la quinzième génération du fabricant de feux d’artifice Kagiya. (Jiji)
Amano Akiko exerce son activité d’arbitre lors de la compétition de judo des Jeux olympiques d’été 2020 qui s’est déroulée au Budôkan de Tokyo le 30 juillet 2021. Outre qu’elle est septième dan, elle est aussi directrice à la quinzième génération du fabricant de feux d’artifice Kagiya. (Jiji)

La lutte est une discipline qui a une longue histoire aux jeux olympiques. Pourtant, et bien que les Japonaises se soient illustrées dans les compétitions féminines, seules 8 arbitres femmes, contre 209 pour les hommes, sont qualifiées pour superviser les matchs des championnats nationaux du Japon. De même, on ne dénombre toujours qu’une poignée de femmes participant à l’arbitrage des tournois internationaux de lutte, bien qu’on s’attende à ce que cette situation évolue à mesure de l’augmentation de l’effectif des arbitres femmes.

Le bruit a couru que la lutte allait être supprimée des jeux olympiques en raison du déclin de sa popularité, une éventualité que la United World Wrestling, l’instance dirigeante internationale, soucieuse d’améliorer sa réputation auprès du Comité international olympique, cherche à éviter via la promotion de l’égalité des genres.

La porte est désormais ouverte pour les femmes

Le sentiment que les femmes sont moins douées que les hommes pour l’arbitrage parce qu’elles ne disposent pas de la force ou de l’endurance requises — sentiment qui a jadis prévalu dans le monde du football — se dissipe rapidement, dans une large mesure grâce aux efforts des pionnières et à la conscience de plus en plus aiguë de la nécessité de l’égalité des genres. La porte est en train de s’ouvrir, de plus en plus grand.

La Coupe du monde de la FIFA au Qatar devrait entraîner un élargissement des opportunités offertes aux femmes de jouer un rôle actif dans les compétitions nationales et internationales de football à l’échelle planétaire, et cette tendance va très certainement se propager dans d’autres sports dominés par les hommes. On ne sait pas encore quels matchs vont superviser les six femmes occupant des postes officiels à la Coupe du monde, mais le monde entier va observer ce qui se passe à mesure qu’elles déploient leurs talents sur le terrain.

(Photo de titre : Yamashita Yoshimi fait ses débuts en tant que première arbitre en chef féminin de la J. League le 18 septembre 2O22. Jiji)

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