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La ligne de train Chûô : une porte d’entrée vers les fascinants quartiers populaires de Tokyo
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« Une zone pour les jeunes lettrés sans le sou »
La Yamanote est une ligne de train qui forme une boucle autour du centre de Tokyo, constituant ainsi le principal moyen de transport de la ville. Opérée par Japan Railway East (JR East), elle est croisée en son centre par une autre ligne de train de cette même compagnie, la Chûô, qui s’oriente de l’est à l’ouest.
La ligne Chûô débute à la gare de Tokyo et, en passant par Shinjuku, dessert des gares très éloignées à l’ouest, situées dans les préfectures de Yamanashi et de Nagano. Elle est en opération depuis 1889, ce qui en fait l’une des plus anciennes lignes de chemin de fer de l’Archipel. En 1904, c’est la Chûô qui a été choisie pour accueillir les premiers trains électriques employés au Japon.
La ligne Chûô passe par des endroits qui ont chacun leur propre culture, qu’elle soit artistique, littéraire ou autre, mais aussi leur culture pop, allant du manga et de l’anime à la musique et à la mode. N’oublions pas non plus la culture gastronomique : au fil des années, les anciennes traditions se sont mélangées avec les multiples nouveautés, résultant en une abondance de cuisines locales innovantes offrant des choix de restauration relativement peu coûteux.
Et puisque les loyers sont bas par rapport au centre métropolitain, les quartiers situés le long de la Chûô sont des endroits particulièrement attrayants pour vivre. J’ai personnellement déménagé dans l’un d’eux en 1989, afin de fréquenter une école locale, et j’y vis depuis lors.
Un train arborant les couleurs distinctives oranges de la ligne Chûô s’arrête à la gare de Nakano. En arrière-plan, on aperçoit la célèbre tour Nakano Sun Plaza.
Vers ses 30 ans, l’écrivain Ibuse Masuji (1898-1993) avait fait construire une maison à Ogikubo (quartier situé le long de la ligne Chûô) dans laquelle il avait vécu durant une très longue période. Son livre « Archives d’Ogikubo » (Ogikubo fudoki) montre que, dans les années 1920 et 1930, il était courant pour les jeunes auteurs à succès de déménager dans la banlieue de Tokyo, alors que les écrivains les moins populaires s’installaient près des gares de la ligne Chûô, à l’ouest de Shinjuku.
Ainsi, les auteurs qui avaient la cote habitaient vers Ômori, un endroit où vivent encore aujourd’hui des personnalités culturelles de premier rang, ainsi que dans les banlieues proches au sud-est de Tokyo. Ibuse décrit alors Ogikubo à l’ouest comme un endroit où « personne ne rit dans votre dos, même si vous vous promenez en portant quelque chose de modeste comme une veste matelassée dotera. C’est un endroit parfait pour les jeunes lettrés sans le sou ».
Ibuse explique qu’à l’époque, peu importe à quel point on était mal habillé : personne ne se moquait et n’importe quel style de vie était accepté. Cette ouverture d’esprit est encore présente aujourd’hui près des gares de la ligne Chûô. Par conséquent, au fil des années, de nombreux mangaka, acteurs, actrices, musiciens et divers autres artistes y ont vécu leurs débuts de carrière.
Les quartiers entourant les gares le long de la ligne, comme Nakano, Kôenji, Asagaya et Nishi-Ogikubo, possèdent chacun leur atmosphère propre. Ces quatre zones se suivent sur la ligne Chûô.
Nakano, centre des loisirs du Japon
Situé à environ 4 minutes de distance depuis Shinjuku sur la ligne Chûô se trouve Nakano, une gare aux nombreux attraits.
Le centre commercial Nakano Sun Mall, qui s’étend depuis l’entrée nord de la gare de Nakano, se connecte à Nakano Broadway, l’un des pôles de la culture pop japonaise.
La mascotte officielle de l’arrondissement de Nakano est « Nakano Daisuki Nakano-san », une poupée articulée avec une coupe au carré. Selon son histoire, elle serait venue à Nakano parce qu’elle savait que n’importe quel trait de personnalité y était accepté, réalisant qu’elle était ici libre de faire ce qu’elle voulait. De nombreux magasins à Nakano proposent une variété d’articles que les gens apprécient et collectionnent, notamment des montres-bracelets, des appareils photo et des modèles miniatures de trains. Mais les objets les plus populaires sont ceux à l’effigie de personnages de manga et d’anime.
Bien que particulièrement connue pour sa culture pop, le quartier de Nakano est également une destination prisée des amateurs de montres et d’horloges.
À proximité de l’entrée nord de la gare de Nakano se trouve une rangée de magasins populaires collectivement connus sous le nom de Nakano Sun Mall, un centre commercial directement relié à une place commerçante appelée Nakano Broadway. Dès l’entrée, les visiteurs sont submergés par une cacophonie de couleurs distinctives de l’endroit. (Voir notre article : Nakano Broadway : comment vit et survit la Mecque des « otaku » du monde entier)
Le niveau du sous-sol est consacré aux restaurants, mais un magasin de vêtements appelé « Petit Paris » occupe une partie de l’espace. Les principaux divertissements se trouvent toutefois dans les magasins situés au deuxième au quatrième étage, en mettant en vedette des personnages d’anime et de manga.
La mascotte de Nakano, « Nakano Daisuki Nakano-san », assise à un comptoir à gauche, dans un magasin de Nakano Broadway.
Une tendance en plein essor dans le monde de l’anime et du manga concerne les cartes à jouer, à collectionner et à échanger, et les plus recherchées au Japon sont les cartes Pokémon et Yu-Gi-Oh!. Elles sont si populaires que de nombreux fans en collectionnent des ensembles complets, et certaines cartes particulièrement difficiles à trouver se vendent actuellement pour plus de 100 millions de yens (625 000 euros )!
En réponse à cette demande, le nombre de boutiques de cartes à échanger à Nakano a augmenté, attirant ainsi un nombre croissant de touristes venus de tout le Japon et même de l’étranger. Beaucoup de ces commerces offrent des espaces où les clients peuvent apporter leurs decks et jouer gratuitement avec d’autres passionnés. Il n’est pas rare de nos jours de voir des touristes étrangers s’affronter autour des tables de jeu.
Kôenji : une mecque du vêtement vintage
La gare suivant Nakano est celle de Kôenji. Elle est reputée pour avoir attiré de nombreux artistes en herbe qui se réunissaient ici par le passé. Beaucoup d’entre eux étaient de véritables « originaux », sans le moindre complexe. Ainsi, peu importe l’extravagance de votre tenue, vous auriez eu du mal à vous démarquer au sein de cette foule d’excentriques.
Aujourd’hui, Kôenji est en train de se transformer. Longtemps connue pour ses magasins proposant des articles uniques et sa culture distinctive de la mode, le quartier voit aujourd’hui de nombreuses boutiques de vêtements d’occasion s’y installer. Stimulée par le regain de popularité des articles de seconde main parmi les jeunes acheteurs, cette tendance a transformé Kôenji en un lieu branché où les amateurs de mode peuvent venir faire leurs emplettes.
L’une des boutiques sophistiquées de Kôenji, avec ses vêtements vintage.
À Kôenji, les « vêtements de seconde main » ne font pas référence à des habits usagés vendus à des prix défiant toute concurrence, mais aux vêtements étrangers de meilleure qualité appelés Ame-kaji (« American casual ») ou au vintage européen. Dans tous les cas, ces pièces sont uniques et spécialement choisies pour leur style. Moins chères que les objets de marque, elles sont néanmoins plus coûteuses que celles issues de la « fast fashion ». Les habits vintage américain tels que les sweaters et les vestes en jean connaissent un regain de popularité, et en réponse à cette demande, les prix ont augmenté, allant au-delà des 10 000 yens (environ 60 euros) pour beaucoup d’entre eux. Les pantalons cargo M-47 et M-65, ainsi que d’autres vêtements militaires, ont beaucoup été affichés sur les réseaux sociaux, ce qui a fait bondir leurs prix.
Des t-shirts avec des personnages d’anime sont mis bien en évidence à l’entrée d’une boutique de Kôenji.
Chaque été, un important festival de danse traditionnelle, le Kôenji Awa Odori, a lieu ici, dans une zone délimitée au nord par la rue Waseda et au sud par la route Ôme-kaidô. Environ un million de personnes assistent chaque année aux deux jours de danse qui prennent place lors de cet événement.
Asagaya : un endroit pour les cultivés
Comme mentionné précédemment, l’écrivain Ibuse Masuji résidait à Ogikubo, mais quand il sortait prendre un verre avec des amis ou avec d’autres auteurs, c’était souvent à Asagaya. Son groupe habituel était composé de jeunes auteurs vivant principalement dans les villes le long de la ligne Chûô. Dazai Osamu en faisait partie.
Asagaya conserve encore aujourd’hui cette culture littéraire, que ce soit dans ses rues ou dans ses boutiques. Le quartier commercial au nord de la gare n’est pas particulièrement grand, mais il abrite un célèbre cinéma proposant des programmes uniques, ainsi qu’un célèbre théâtre. Une rue connue sous le nom de « Asagaya Jazz Street » est le centre local des événements musicaux de la ville. Les établissements de restauration et de boissons du quartier sont réputés pour leur atmosphère raffinée et mature, mais il y a aussi de nombreux izakaya (bars décontractés servant également de la nourriture) ouverts jusqu’au petit matin. Ils sont particulièrement populaires auprès des écrivains et des artistes de scène qui aiment les fêtes arrosées, passant d’un bar à un autre.
La salle de cinéma Laputa Asagaya est l’une des pièces centrales de l’offre culturelle d’Asagaya.
Si Asagaya est aujourd’hui un important quartier commercial, dans le passé, il formait principalement une forêt peuplée d’animaux sauvages. Lorsque les résidents à proximité avaient déposé une pétition demandant la construction d’une gare à Asagaya, elle avait été rejetée avec cet argument : « les renards et les ratons laveurs ne prennent pas le train ». Les propriétaires terriens ont alors fait appel à leur représentant à la Diète (le parlement japonais), ce qui a finalement conduit à la construction des gares d’Asagaya et de Kôenji. Ils ont ensuite essayé de donner une compensation financière à leur député afin de le remercier pour ses efforts, mais il a refusé de l’accepter. Alors à la place, les propriétaires terriens ont décidé de faire don de parcelles de terrain sur lesquelles ils ont construit une route menant de la maison du député à Asagaya. Aujourd’hui, cette voie est le cœur du quartier commercial d’Asagaya, connu sous le nom d’Asagaya Pearl Center, et qui s’étend depuis l’entrée sud de la gare.
De nombreuses boutiques locales se trouvent dans le Pearl Center, et plusieurs d’entre elles vendent des taiyaki. Les visiteurs sont souvent vus en train de déguster ces délicieuses pâtisseries en forme de poisson tout en se promenant dans le quartier commerçant.
Les boutiques du quartier commercial Pearl Center affichent un style vieillot qui leur donnent un certain cachet.
Nishi-Ogikubo : pour les confiseries et les bonnes boulangeries
L’une des autres attractions des quartiers situés autour de la ligne Chûô est la présence de nombreux bars peu coûteux et attrayants. Près de la station Nishi-Ogikubo se trouve un quartier connu sous le nom de Yanagi-kôji, dont l’origine date d’avant les jours chaotiques de la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui encore, la zone rappelle aux visiteurs d’aujourd’hui ce à quoi ressemblait le Japon d’après-guerre. Nishi-Ogikubo est bien connu des habitants du centre de Tokyo pour la diversité et la complexité de sa culture gastronomique, et plus particulièrement pour ses petites douceurs de haute qualité, agréables aux yeux comme au palais.
Les restaurants et bars des petites allées de Nishi-Ogikubo sont l’une des principales attractions du quartier.
L’une des principales boutiques de pâtisseries de Nishi-Ogikubo
Nishi-Ogikubo, c’est également le quartier dans lequel sont présents certains des meilleurs chefs pâtissiers du Japon, ainsi que des boulangeries connues de longue date. Certaines des boutiques les plus populaires du quartier écoulent tous leurs produits le matin, seulement quelques heures après l’ouverture. Bon nombre des magasins les plus célèbres de Tokyo ont une branche à Nishi-Ogikubo, et on y trouve également des boutiques de confiseries japonaises traditionnelles. Ainsi, les visiteurs peuvent déguster un large éventail de sucreries en tout genre tout en faisant leurs emplettes dans le quartier.
(Photo de titre : un quartier de restaurants et de bars près de Nishi-Ogikubo. Les quartiers de la ligne Chûô sont réputés pour leur abondance de boutiques populaires. Toutes les photos : © Fukusako Ayako)