Le retour du sumo en Europe : Londres en 2025 et Paris en 2026
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Le comeback du sumo à Londres et à Paris
L’annonce d’un tournoi d’exhibition de sumo à Londres en 2025 a provoqué la liesse chez les fans britanniques et tous ceux qui, curieux, s’intéressent de près ou de loin à ce sport national nippon. L’événement, attendu avec impatience puisqu’il n’a eu lieu qu’une seule fois, en 1991, se tiendra au Royal Albert hall, qui, coïncidence, a servi de modèle à la construction, en 1909, du bien connu de tous Ryôgoku Kokugikan, à Tokyo, antre du sumo au Japon.
Un événement similaire aura également lieu à Paris en 2026, trente ans après la première représentation consacrée à ce sport dans la Ville Lumière en 1995.

Kitanowaka (à droite) en compagnie d’un lutteur de rang inférieur descendent d’un taxi londonien devant le Royal Albert Hall. Cette photo a été prise dans le cadre d’une tournée publicitaire en décembre 2024 pour le tournoi d’exhibition professionnelle à venir l’année suivante. (Getty Images)
Cela fait douze ans que le sumo n’a pas traversé les frontières de l’Archipel. Le dernier événement en date avait eu lieu à Jakarta en 2013. Mais la dernière véritable représentation en date, un tournoi amical, a eu lieu il y a vingt ans, à Las Vegas. Entre-temps, le sport a été entaché par un certain nombre de scandales ; paris sportifs illégaux, suspicions de matchs truqués etc. Et la pandémie de Covid-19 n’a rien arrangé, confinant le sport à l’intérieur de l’Archipel. En conférence de presse, à Londres, le président de l’Association japonaise de sumo (JSA), Hakkaku, a fait valoir que le tournoi d’exhibition de sumo dans la ville mettrait en valeur la culture japonaise. Il a exprimé l’espoir que le public sera au rendez-vous et appréciera le spectacle.
Retour en 1991
La dernière venue de prestigieux lutteurs de sumo à Londres remonte à 1991. C’est à cette époque que Takahanada, qui deviendra plus tard le yokozuna Takanohana II, s’était illustré sur le dohyô (ring), déclenchant un véritable engouement pour le sumo au Japon. Les spectateurs londoniens étaient impatients de le voir enfin, mais souffrant de conjonctivite, le lutteur ne put participer à l’événement. C’est alors que Chiyonofuji est entré en scène. Il venait tout juste de perdre son rang de yokozuna après s’être incliné contre Takahanada lors du tournoi de mai de la même année.

De gauche à droite : Wakahanada, Akebono et Mainoumi, des lutteurs qui compteront plus tard parmi les plus prestigieux, en visite à Londres après le tournoi d’exhibition en octobre 1991. (Kyôdô)
Mais le rikishi (lutteur) sur qui se posaient tous les regards, c’était Konishiki, de rang ôzeki (deuxième rang après yokozuna). Né à Hawaï, 254 kilos. D’autres n’étaient pas en reste comme Mitoizumi et Akebono, lui aussi hawaïen. Mainoumi et Wakahanada (futur yokozuna Wakanohana II) déchaînaient aussi les foules à l’époque. Ils venaient de remporter trois prix ; le prix de la performance exceptionnelle shukun-shô, le prix de l’esprit de combat kantô-shô et le prix de la technique ginô-shô lors du dernier tournoi, en septembre.
À la fin du tournoi de Londres, Futagoyama, alors président de la JSA, s’est félicité du fait que les lutteurs avaient réussi à organiser des matchs en essence identiques à ceux du Japon, recréant l’atmosphère dans l’Archipel et remplissant ainsi pleinement leur rôle d’ambassadeurs de bonne volonté.
Le sumo s’exporte à l’étranger depuis l’ère Meiji
Les premiers tournois d’exhibition de sumo à Londres ont eu lieu dès l’ère Meiji (1868-1912). En 1910, 35 lutteurs ont été envoyés à l’exposition nippo-britannique, un événement commémorant l’alliance anglo-japonaise. Ils étaient issus de l’association de sumo basée à Kyoto, principal regroupement pour le sumo à l’époque. Le yokozuna Ôikari en faisait partie. Après un séjour de quatre mois et demi à Londres, la tournée a poursuivi son chemin jusqu’à Paris et vers d’autres villes en Europe.

Les lutteurs de l’association de sumo de Kyoto participant à l’exposition nippo-britannique de Londres en 1910. (© Nagayama Satoshi)
Le sumo dans la capitale française
Deux tournois de sumo ont été organisés à Paris, en 1986 et en 1995. Le sumo, « un sport lié aux croyances shintô » et « pas seulement une compétition physique », pouvait-on lire dans le journal Le Figaro en 1986, laissant entendre qu’en France, ce sport revêtait une dimension spirituelle.

Salle comble lors d’un combat de sumo à Paris en octobre 1986. (Kyôdô)
L’ancien président français Jacques Chirac était un grand amateur de sumo. C’est lui qui en tant que maire de Paris a fait venir ce sport dans la capitale en 1986, puis à nouveau en 1995, cette fois-ci en tant que président de la République française. Il nouait une profonde affinité pour le sumo et aurait même déclaré que tout ce dont il avait eu besoin dans la vie, il l’avait appris grâce au sumo.

En visite au palais de l’Élysée, les deux yokozuna Takanohana II (à gauche) et Akebono rencontrent le président français Jacques Chirac, en octobre 1995. (Kyôdô)
Le tournoi de Paris qui a eu lieu en 1995 a débuté sous des auspices peu favorables : un incendie s’est déclaré dans l’aéroport, détruisant, à la grande tristesse de nombreux lutteurs, les ceintures décoratives et autres accessoires qui y avaient été entreposés. La JSA a très vite réagi et a envoyé des accessoires de substitution, si bien que le tournoi d’exhibition put se dérouler comme prévu.
Affrontant les lutteurs les uns après les autres, Akebono a remporté la compétition les premier et troisième jours, et Takanohana, tous deux yokozuna, le deuxième jour. Ils se sont donc mesurés l’un à l’autre lors de la finale qui a eu lieu le troisième jour. Akebono s’imposera devant son adversaire grâce à un yorikiri frontal.
Séance de pratique à la Maison Blanche
Mais les pays d’Europe ne sont pas les seuls à s’intéresser au sumo, puisque le sport a également traversé l’Atlantique, et ce dès le XIXe siècle. En août 1907, le grand yokozuna Hitachiyama a emmené avec lui un groupe de judoka et de lutteurs de sumo, devenant ainsi le premier rikishi à fouler le sol du Nouveau Continent.
C’est vêtu d’un maillot de couleur chair que Hitachiyama fait son entrée sur le dohyô, sous les yeux du président américain de l’époque, Theodore Roosevelt. Il se livre ensuite à une séance pratique, présentant les points principaux du sport japonais. Pour l’anecdote, sur place, Hitachiyama aurait été pris pour une femme enceinte en raison de son chignon et de son embonpoint. À New York, le lutteur a participé à un concours de force avec le célèbre Alexandre le Grand.

Alexandre le Grand (rangée arrière, deuxième à partir de la gauche) et Hitachiyama (rangée arrière, à droite) en 1907 à New York. Les judoka et les rikishi qui faisaient partie du groupe sont assis au premier rang. (© Nagayama Satoshi)
The Wide West, un western dont la sortie en salle est prévue pour l’automne 2025, raconte l’histoire de rikishi parcourant les États-Unis au tournant du XXe siècle. L’ancien lutteur de rang sekiwake Ichinojô fait une apparition dans le film, basé sur les voyages de Hitachiyama en Amérique à cette époque.
Dans les années 1920, l’accent est mis sur la militarisation du pays et les tournées de sumo à l’étranger sont interrompues jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sauf en Corée et dans le nord-est de la Chine, alors sous occupation japonaise.
Multiplication des représentations à l’étranger
Les représentations de sumo à l’étranger ont repris en 1951, année de la signature du Traité de San Francisco, lorsque le Japon a retrouvé la place qui était la sienne au sein de la communauté internationale. Dans les années 1960, trois rikishi, accompagnés d’un lutteur plus âgé, se sont rendus à Hawaï, Los Angeles, San Francisco et Chicago pour une période de six mois, l’occasion pour eux de présenter la culture japonaise à travers le sumo, une approche plus discrète, bien loin des tournées à grande échelle qui ont lieu aujourd’hui.
Après 1958, lorsque le format actuel de six tournois par an a été adopté, les représentations de sumo à l’étranger sont devenues de plus en plus fréquentes et même anodines, en raison de la croissance économique du Japon à l’époque, mais pas seulement. La présentation du sumo au-delà des frontières de l’Archipel, avec leurs lutteurs en tant d’ambassadeurs de bonne volonté, ainsi que les tournois à des fins commerciales, sont devenus de plus en plus communs.
Si le public a manifesté son engouement pour le sumo, nombreuses sont les célébrités qui se sont également intéressées au sumo. Le Prince Charles (aujourd’hui Charles III) et la défunte Princesse Diana, par exemple, ont assisté au tournoi de mai 1986 au Kokugikan de Tokyo. L’ex-membre des Beatles, Paul McCartney, était présent lors des tournois de novembre à Fukuoka en 2003 et 2013. Il a même fait la publicité de son album « New », arborant une bannière de prix kenshôkin lors du dernier. Plus récemment, le président américain Donald Trump a lui aussi assisté à une représentation en mai 2019 en compagnie de l’ancien Premier ministre Abe Shinzô et a remis la Coupe du président américain au vainqueur Asanoyama le dernier jour du tournoi.

Paul McCartney (au centre) au Fukuoka Kokusai Center, lors d’un tournoi de sumo, en novembre 2013 (© Nagayama Satoshi)
L’engouement des fans pour les lutteurs rikishi
Alors qu’approche la tournée d’octobre à Londres, j’espère que les deux lutteurs ôzeki, Ônosato, vainqueur du tournoi de mars 2025, et Kotozakura, tous deux de rang rikishi, atteindront un jour le plus haut rang. Actuellement, Hôshôryû est le seul à l’avoir fait.
Nombreux sont les fans de sumo parmi les Japonais. J’espère que ce sport rencontrera la même ferveur à l’étranger. Ônosato effectuera très probablement sa cérémonie d’entrée sur le dohyô dans le style unryû, très différent du style shiranui plus voyant que Hôshôryû, deux spectacles, qui rencontreront à coup sûr la ferveur du public, bien au-delà des frontières.
Les représentations de sumo à l’étranger ont été un moyen de présenter la culture japonaise dans de nombreuses villes du monde entier. Les rikishi, avec leurs chignons facilement reconnaissables et leurs kimonos en coton, ont été chaleureusement accueillis en tant qu’ambassadeurs de la discipline et en tant qu’héritiers de cet aspect culturel propre du Japon. Ils joueront à n’en pas douter à merveille leur rôle à Londres cette année et à Paris en 2026.

Le yokozuna Asashôryû salue ses fans au dernier jour du tournoi, à la Memorial Sports Arena à Los Angeles en juin 2008. (Kyôdô)
(Photo de titre : Tochitaikai [à gauche] et un autre lutteur posent devant la Tour Eiffel lors d’une tournée publicitaire pour le tournoi d’exhibition de Paris 2026. Photo de février 2025. AFP/Jiji)