« Le Japon est un ami sûr » : l’ambassadeur de la Palestine parle du conflit avec Israël et de la contribution nippone

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La violence en Israël et en Palestine, qui a été déclenchée par les manifestations du début du mois de mai et a culminé avec les frappes aériennes israéliennes sur Gaza, a fait plus de 260 morts (principalement du côté palestinien), et ruiné une fois de plus les espoirs de paix. Waleed Siam, ambassadeur de la Palestine au Japon, nous a accordé un entretien exclusif où il parle de ce dernier conflit et des liens fiables du Japon avec les Palestiniens et l’ensemble de la région.

De lourds dégâts principalement du côté palestinien

Un nouvel épisode du conflit israélo-palestinien s’est ouvert au mois de mai, avec les émeutes et les affrontements qui ont commencé le 10 mai et se sont prolongés jusqu’au 21, date à laquelle les deux partis ont appelé à un cessez-le-feu. Le bilan est lourd (à la date du 1er juin) : 13 Israéliens avaient été tués (dont un enfant), la majorité d’entre eux par des tirs de roquettes, et environ 200 blessés, tandis que du côté palestinien on comptait plus de 250 morts (dont plus de 60 enfants) et plus de 1 900 blessés. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, environ 200 000 personnes ont actuellement besoin d’aide sanitaire au sein de la bande de Gaza (parmi une population d’environ 2 millions d’habitants).

Ce combat n’est pas nouveau. Nous nous sommes entretenus avec Waleed Siam, ambassadeur à la Mission générale de la Palestine à Tokyo. Il explique : « La racine du problème, c’est que depuis 73 ans, Israël occupe des terres palestiniennes à Jérusalem-Est, sur la Cisjordanie et à Gaza. Non seulement cette occupation affecte nos vies, mais elle les contrôle. » L’ambassadeur souligne qu’Israël continue de bâtir des colonies dans des zones sous contrôle palestinien, en violation du droit international ; le dernier épisode des affrontements s’est produit dans le contexte des tensions provoquées par la décision de la Cour suprême israélienne d’évincer des Palestiniens de leurs maisons du quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est.

Quand les manifestations palestiniennes ont dégénéré en émeutes et que le Hamas palestinien a commencé à lancer des roquettes en territoire israélien, l’escalade de la violence s’est enclenchée.

L’ambassadeur Waleed Siam souligne toutefois qu’il serait faux de penser qu’il s’agit d’un conflit où les adversaires sont à égalité. « Les gens, et notamment les médias, ont tendance à mettre Israël et la Palestine sur un pied d’égalité, comme s’ils constituaient les deux plateaux d’une même balance. Mais c’est une erreur que d’opérer un tel amalgame entre l’oppresseur et l’opprimé. »

Il pointe du doigt la politique intérieure d’Israël comme l’une des racines du problème. « À l’issue de quatre scrutins, le premier ministre Benjamin Netanyahou n’a toujours pas réussi à former un gouvernement stable ; il va probablement tenter sa chance une cinquième fois. Mais ce sont les colons d’extrême droite qui le soutiennent et, en vue de se protéger, il leur a lâché la bride pour attaquer les Palestiniens. »

Pendant son mandat, affirme Waleed Siam, le président américain Donald Trump a encouragé les Israéliens, mais même maintenant qu’il est sorti du tableau, « il n’y a pas grande différence entre Trump et Biden. Les présidents des États-Unis se contentent d’essayer de gérer le conflit », ils ne cherchent pas à trouver une issue raisonnable. Le Japon, espère-t-il, peut faire mieux.

Le Japon est un ami fiable pour la Palestine et pour Israël

Lors d’une conférence de presse qu’il a donnée le 14 mai au Club des correspondants étrangers du Japon (FCCJ), Waleed Siam a porté les mêmes accusations contre ce qu’il appelle l'« état d’apartheid » d’Israël. Le même jour, Israel Strulov, chargé d’affaires à l’ambassade d’Israël à Tokyo, s’est lui aussi exprimé devant le FCCJ pour présenter le point de vue israélien sur le conflit, point de vue selon lequel le Hamas est une organisation terroriste qui a décidé le 10 mai de « de lancer une attaque tous azimuts contre la population civile d’Israël ». Au bout de quelques jours de combats, a-t-il remarqué, le Hamas avait lancé quelque 1 600 roquettes et continuait de faire usage des médias sociaux pour pousser les Palestiniens à prendre les armes contre les Israéliens.

Si la Palestine et Israël s’adressent l’un comme l’autre aux médias et au public japonais, ce n’est pas uniquement dans l’idée d’obtenir un soutien pour leurs camps respectifs dans le récent conflit, c’est aussi pour consolider l’aide que le Japon leur apporte de manière générale. « Nous sommes convaincus que le Japon peut jouer un rôle international important dans le conflit », dit Waleed Siam. « Le Japon est l’un des amis que les Palestiniens considèrent comme les plus fiables et c’est un pays auquel les Israéliens aussi font confiance. » Il rappelle que, depuis les années 1950, le Japon soutient fermement Israël tout en prenant acte des questions palestiniennes, à travers ses votes en faveur des résolutions de l’ONU sur les droits des Palestiniens et son rôle de donateur dans le cadre de l’aide internationale destinée à la construction d’infrastructures en Palestine et à la préservation de la sécurité des populations de ce pays.

« Le Japon a fait plus pour les Palestiniens que la majorité des autres pays »

« Nous avons besoin d’aide », dit l’ambassadeur. « Nos besoins couvrent des domaines comme l’enseignement et les transferts de technologies. Peut-être sommes-nous catalogués comme terroristes, mais nous sommes des êtres humains dotés d’une longue histoire – il y a 10 000 ans de cela nous étions à Jéricho. Nous voulons montrer le côté humain des Palestiniens. »

C’est à cette fin, observe-t-il, que son ambassade promeut des initiatives en direction de la société japonaise, par exemple en partageant des recettes de cuisine palestinienne sur Internet, en hébergeant des événements musicaux ou cinématographiques, des ventes en ligne, et en mettant en œuvre toute une panoplie de moyens pour communiquer avec le citoyen japonais ordinaire.

« Au fil des ans, le Japon a donné environ 1,8 milliard de dollars aux Palestiniens, sous forme d’aide destinée à la fondation d’hôpitaux, d’établissements d’enseignements et de centres culturels. L’Archipel a fait plus pour les Palestiniens que la majorité des autres pays. » Waleed Siam souligne que l’aide japonaise à l’Égypte, la Jordanie, le Liban, la Syrie et d’autres pays arabes a elle aussi été chaleureusement accueillie. « Mais les Japonais portent la responsabilité du manque d’informations à ce sujet. Ils ne font pas assez de publicité. Ils doivent vraiment investir dans ce domaine. »

L’Archipel doit se monter plus sûr de lui

Cette lenteur et cette prudence s’étendent aux exportations culturelles du Japon, observe l’ambassadeur. « Dans le domaine du cinéma et de la télévision, la Corée du Sud s’est solidement implantée dans l’esprit des populations du monde arabe. Le Japon met longtemps à traduire sa production pour les marchés étrangers. »

Que recommande-t-il pour remédier à cela ? Le Japon doit se débarrasser de l’idée qu’il est un pays lointain – géographiquement, observe-t-il, le pays est plus proche que bien des destinations aux États-Unis – et dire haut et clair au monde arabe : « Nous voilà. Nous sommes le Japon, un ami sûr. »

Le Japon a toujours été un ami sûr pour ceux qui sont dans le besoin, dit-il en guise de conclusion.

(D’après un original en anglais basé sur une interview exclusive par la rédaction de Nippon.com du 18 mai 2021, et mis à jour le 3 juin. Photo de titre : le 15 mai, une frappe aérienne israélienne détruit la tour Jala, qui abritait Al Jazeera et Associated Press à Gaza. AFP/Jiji)

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