L’union homosexuelle sera bientôt reconnue à Tokyo

Société Genre

TOKYO (Reuters) - Alors que le Japon est le seul pays du G7 à ne pas reconnaître à l’échelle nationale le mariage homosexuel, à Tokyo, les partenariats civils entre personnes de même sexe devraient être autorisés dès le début de l’année prochaine, puis légalisés au cours de l’exercice fiscal qui commencera en avril 2022. La gouverneure de la capitale Koike Yuriko l’a annoncé le mardi 7 novembre.

Ce système d’union permettra aux personnes concernées d’officialiser leur relation en l’inscrivant sur le registre d’état civil, leur donnant ainsi accès à certains des privilèges dont jouissent les couples mariés. Citons entre autres le droit de louer un logement en concubinage et le droit de visite à l’hôpital.

La gouverneure de Tokyo Koike Yuriko (REUTERS/Issei Kato/File Photo)
La gouverneure de Tokyo Koike Yuriko (REUTERS/Issei Kato/File Photo)

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un mariage reconnu par la loi japonaise, l’initiative de la ville de Tokyo d’adopter ce système de partenariat est vue comme une étape importante vers la légalisation des unions homosexuelles dans un pays où au regard de la Constitution, le mariage est toujours basé sur « le consentement mutuel des deux sexes ».

« C’est une excellente nouvelle » s’est exclamé Yanagisawa Masa, responsable de Prime Services Japan chez Goldman Sachs et membre du conseil d’administration du groupe militant « Mariage pour tous au Japon ».

« Cette idée ne fait pas l’unanimité chez les conservateurs, dont certains ont déjà formulé des inquiétudes, même si ces partenariats ne sont que des morceaux de papier symboliques. Selon eux, ils peuvent mettre à mal les traditions japonaises, voire le système familial japonais. J’espère que ce sera une opportunité de leur prouver qu’ils ont tort. »

En 2015, l’arrondissement de Shibuya à Tokyo a été le premier au Japon à introduire ce système de partenariat, lequel concerne désormais 41 % des habitants de l’Archipel. Mais selon l’association Niji-iro Diversity, en ajoutant la capitale japonaise à ce dispositif, c’est plus de la moitié de toute la population japonaise qui pourrait en bénéficier.

Les militants de la cause LGBTQ souhaitent ardemment et depuis longtemps que Tokyo tout entier adopte ce système. La captiale a d’ailleurs redoublé d’efforts en ce sens avant les Jeux olympiques de Tokyo 2020, retardés jusqu’à cet été par la pandémie de coronavirus.

Pour Katô Takeharu, avocat en charge d’une affaire historique au mois de mars dans laquelle le mariage de personnes du même sexe a été jugé « inconstitutionnel », le gouvernement pourrait s’être abstenu d’étendre ce système de partenariat en raison du « fait qu’un grand nombre de parlementaires du parti au pouvoir s’y opposent ». (Voir notre article lié : La joie d’un couple de Japonaises après un jugement historique sur le mariage homosexuel)

Par ailleurs, le Premier ministre Kishida Fumio a déclaré au Parlement que l’introduction du mariage gay requerrait une « réflexion approfondie ».

« L’introduction d’un système qui autoriserait le mariage homosexuel serait un geste qui toucherait directement le cœur même de ce que devrait réellement être une famille au Japon » a-t-il encore ajouté.

L’impact des JO

Pour l’avocat Katô Takeharu, entre autres, si la capitale nippone dans son ensemble n’a pas adopté le système de partenariat avant les Jeux, ces derniers ont contribué à faire évoluer l’opinion publique. (Voir notre article lié : Égalité, diversité, santé mentale... Les JO de Tokyo ont marqué un pas en avant vers l’harmonie)

Selon un récent sondage mené par le gouvernement métropolitain auprès des habitants de Tokyo, 70 % des personnes interrogées étaient en faveur des partenariats de personnes de même sexe.

« Je suis sûr que les JO ont eu un impact, et Tokyo s’interroge maintenant sur le type d’héritage qu’elle devrait laisser » a déclaré Gon Matsunaka, militant des droits LGBTQ.

De plus, Tokyo a tout intérêt à se présenter comme une grande plate-forme internationale et à attirer les investissements d’entreprises étrangères, dont beaucoup accordent une grande importance aux droits LGBTQ.

En préalable à son annonce, la gouverneure de Tokyo Koike Yuriko s’est entretenue avec des chefs d’entreprise étrangers, ajoute Yanagisawa Masa de chez Goldman Sachs. Ils sont d’avis que Tokyo est en retard sur la question des droits de la communauté LGBTQ.

« Chez Goldman Sachs, nous voulons attirer des talents du monde entier, mais le Japon a encore beaucoup à faire par rapport à d’autres pays » a-t-il ajouté.

« En plus des prestations prévues par le Japon, nous offrons nos propres avantages sociaux, histoire d’essayer de rendre le système plus équitable. Mais il y a une limite à ce que nous pouvons faire, et bien sûr toutes les entreprises ne peuvent pas se le permettre. »

La Rainbow Pride du 26 avril 2015 à Tokyo (REUTERS/Thomas Peter)
La Rainbow Pride du 26 avril 2015 à Tokyo (REUTERS/Thomas Peter)

Mais les militants LGBTQ voient plus loin et visent le mariage pour tous, même si cela nécessitera probablement davantage de réglementations sur le partenariat entre personnes de même sexe au niveau local, exerçant une pression suffisante pour que le gouvernement national ne puisse plus faire la sourde oreille.

« Bien sûr que cette nouvelle me rend heureux » se réjouit Katô Takeharu. « Mais ce n’est qu’une halte sur le long chemin qu’il nous reste à parcourir, une halte qui doit nous aider à parvenir à l’autorisation d’un vrai mariage ».

(Reportage d’Elaine Lies. Version française de Nippon.com)

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