Une comédie romantique nostalgique qui porte la voix du Japon d’aujourd’hui

Culture Cinéma

Septième et plus récent film du réalisateur Mitani Kôki, Galaxy Kaidô (Route de la Galaxie) est actuellement sur les écrans. Metteur en scène de théâtre réputé, scénariste de films télé à succès, il est aujourd’hui le réalisateur japonais de cinéma spécialisé dans les comédies le plus célèbre. Nous avons demandé à Mitani Kôki, dont on connaît l’admiration qu’il porte aux films hollywoodiens de la grande époque, où se situait pour lui les fondamentaux de la comédie et quels étaient les points essentiels de son approche créatrice.

Mitani Kôki MITANI Kōki

Né le 8 juillet 1961. Il fonde une troupe de théâtre alors qu’il est encore étudiant en théâtre à la faculté des Arts de l’Université Nihon, et se lance dès cette époque dans l’écriture de fictions pour la télévision. « Lieutenant Furuhata Ninzaburô » marque ses débuts comme auteur de scénarios en 1994. En 1998, il remporte le Prix du meilleur scénario de l’Académie japonaise pour Radio no jikan (Welcome Back, Mr. McDonald), qui est également son premier film en tant que réalisateur. Parmi ses autres films en tant que scénariste et réalisateur : The Uchôten Hotel (Suite Dreams, 2006), The Magic Hour (2008), Suteki na kanashibari (A Ghost of a Chance, 2011), Kiyosu kaigi (« La Conférence de Kiyosu », 2013), etc.

Hommage au cinéma et aux séries télé américaines

C’est certainement depuis la série télé « Lieutenant Furuhata Ninzaburô » que le nom de Mitani Kôki est devenu familier à de nombreux Japonais. Cette série, Mitani Kôki en a écrit le scénario en hommage à Inspecteur Columbo, dont Mitani était un grand fan. Cette série, diffusée à partir de 1994, a connu trois saison.

Si « Furuhata » est bien une série policière, une différence majeure avec Columbo réside dans la nature de comédie très attrayante des dialogues entre l’inspecteur Furuhata et ses subordonnés. Un autre chef-d’œuvre de Mitani, « Douze gentils Japonais » (Jûninin no yasashii Nihonjin), fut créé pour la scène en 1990, avant d’être adapté au cinéma l’année suivante. Comme le titre le laisse deviner, c’est un hommage à Douze hommes en colère de Sidney Lumet, le film de 1957. Comme le film de Lumet, celui de Mitani se passe dans un tribunal, mais le traitement est une comédie.

Les films hollywoodiens des années 1950-60, les séries télé américaines, les dessins animés américains, sont le socle de l’inspiration de Mitani Kôki, aussi bien scénariste, metteur en scène de théâtre que réalisateur de cinéma.

« Quand j’étais enfant, tous les soirs un film occidental doublé en japonais passait à la télévision », raconte Mitani.

« En particulier, les films que ma mère, fan de cinéma, avait vus en salle dans sa jeunesse, passaient alors à la télé. Alors que je venais d’entrer à l’école primaire, je dévorai donc les films hollywoodiens des années 1950-60. »

Mitani Kôki sur le plateau de Galaxy Kaidô. © 2015 Fuji Television and Tōhō.

Inspiré par la mise en scène de Billy Wilder

Parmi les impressions les plus durables du jeune Mitani : Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud, L’Appartement, Irma la Douce, et Audrey Hepburn dans Ariane.

« Je devais avoir 8 ou 9 ans quand j’ai vu ces films, je n’avais aucune conscience de l’existence du réalisateur, Billy Wilder, derrière ces films. Ce n’est que beaucoup plus tard que je me suis aperçu que si j’étais attiré par ces films, je le devais surtout au talent du réalisateur. »

Dans son dernier film Galaxy Kaidô, qui est sorti au Japon le 24 octobre 2015, Mitani Kôki rend hommage aux comédies romantiques de Billy Wilder.

« L’œuvre de Wilder a eu une telle importance sur mon propre travail que j’avais envie depuis longtemps de réaliser une comédie autour de l’amour et du sexe. Comme il ne pouvait être question pour moi de le dépasser, il m’a fallu imaginer une approche différente. C’est pourquoi j’ai pensé développer mon expression personnelle à partir d’un élément de science-fiction ayant une distribution d'ensemble, genre que Wilder n’a jamais utilisé. »

Galaxy Kaidô se passe donc dans un troquet de hamburgers pas trop fréquenté, quelque part dans une colonie spatiale.

L'une des scènes-clés du film, la scène de l’« accouchement ». Pour Mitani Kôki, le film de comédie est un genre qui prend difficilement racine au Japon. © 2015 Fuji Television and Tōhō.

« Pour construire l’univers de ce film, j’ai imaginé le futur à partir de l’imagination des gens de ma génération, née dans les années 1960. Autrement dit, même si ça se passe dans le futur, je voulais que ce futur ait quelque chose de nostalgique. Un peu comme dans Les Jetson, ou de Perdus dans l’espace. »

Du point de vue formel, ce film reprend donc le concept « sitcom ».

« Pour moi, les vraies sitcom, ce sont les comédies américaines que je regardais dans mon enfance. L’unité de lieu est totale, les personnages n’évoluent absolument pas. Les personnages, identiques à eux-mêmes, font et refont toujours la même chose. De ce point de vue, Ma Sorcière bien-aimée, qui dura près de 10 ans, est un modèle du genre : vous pouvez regarder n’importe quel épisode au hasard, c’est toujours intéressant. Et moi, j’adore cette vision. Mon dernier film, c’est ça : si vous voulez, c’est une sitcom qui raconte l’histoire de Noa et Noé, un couple qui tient un petit troquet de hamburgers quelque part dans l’espace. À chaque épisode, un extra-terrestre différent pousse la porte. Et celui-ci, c’est l’épisode n°253. On peut continuer indéfiniment. »

La sitcom, une « hérésie » au Japon ?

« Une sitcom, fondamentalement, c’est une comédie de dialogues. Tout l’intérêt réside dans les dialogues et les relations entre les personnages. Or, le genre de la comédie prend difficilement au Japon. Si vous demandez de citer un film comique typiquement japonais, j’aurais vraiment très peu de titres à vous proposer. Réaliser une comédie, en soi, est une sorte d’hérésie au Japon. Et dans le genre de la comédie, le sous-genre de la sitcom dont tout l’intérêt réside dans les dialogues, existe encore moins. C’est l’hérésie de l’hérésie. »

© 2015 Fuji Television and Tōhō.

Pourtant, les comédies de Mitani sont très bien reçues à l’étranger. Radio no jikan, l’adaptation au cinéma qu’il a lui-même réalisée à partir de sa pièce de théâtre, a reçu le Prix spécial du jury au Festival international du film de Berlin. Comment Mitani Kôki a-t-il reçu cette récompense ?

« Lors de la projection du film à Berlin, j’étais au dernier rang dans la salle. Les spectateurs riaient beaucoup. Ils riaient plus souvent que dans les salles de cinéma japonaises. Et quand la lumière est revenue, quelle surprise de voir que tout le public était allemand ! »

The Uchôten Hotel (2006), ainsi que Suteki na kanashibari (2011), ont également été distribués à Taïwan et en Corée.

« Galaxy Kaidô est aussi construit sur les dialogues, mais ne contient pas de jeux de mots strictement japonais. Avec une bonne traduction, je pense qu’il peut plaire dans le monde entier. »

Un scénariste fan de cinéma

Pendant les deux ans qui ont séparé ce film de son film précédent Kiyosu kaigi, Mitani Kôki a écrit plusieurs scénarios, réalisé des films télé, mis en scène des pièces de théâtre.

« Je reste avant tout un scénariste metteur en scène. Plus qu’un réalisateur de cinéma, je suis surtout un fan de cinéma. Le plus important pour moi est de continuer à écrire des scénarios. Je me débrouille toujours pour garder du temps pour ça. Si je n’écris pas, je ne peux pas tourner de films, je ne peux pas mettre en scène de pièces de théâtre non plus. »

Tout en poursuivant sa carrière de metteur en scène de théâtre, Mitani continue à réaliser un film tous les deux ou trois ans en moyenne.

Actuellement, il travaille sur le scénario de la série de téléfilm historique de la NHK, Sanadamaru, qui doit passer sur les ondes dès janvier prochain.

« Maintenant, j’en suis à écrire un épisode par semaine, je passe presque toutes mes journées à écrire. »

Bien qu’extrêmement occupé, il souhaite continuer à tourner un film tous les deux ou trois ans, pour le plaisir. C’est pour cela que ses rêves de cinéma sont inépuisables.

« Je ne veux pas devenir autre chose que ce que je suis : un scénariste qui tourne ses propres scénarios. Ce qui m’intéresse, c’est travailler des genres qui me plaisent en tant que fan de cinéma. Alors comme j’ai déjà fait un film de samouraï et un film de SF, la prochaine fois je voudrais faire un film muet, ou un film de guerre, ou une comédie musicale… »

Galaxy Kaidô finit d’ailleurs sur une scène chantée. Une comédie musicale signée Mitani Kôki serait-elle dans l’air ?

(D’après un article en japonais du 23 octobre 2015. Photo de titre : Mitani Kôki dirige Ayase Haruka, l’interprète de Noé dans Galaxy Kaidô. © 2015 Fuji Television and Tōhō.)

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