Christophe Lemaire, le jockey français qui triomphe au Japon

Culture

Le jockey français Christophe Lemaire ne s’est à peine installé au Japon depuis deux ans que déjà, il crée la sensation. Nous l’avons interrogé au sujet du monde hippique japonais, et sur sa vie quotidienne dans l’Archipel.

Christophe Lemaire Christophe LEMAIRE

Né en France en 1979. Il a obtenu sa licence de jockey et commencé à monter professionnellement à l’issue de ses études secondaires en 1999. Il a visité le Japon pour la première fois en 2002, et dès cette époque, sur la base d’une licence professionnelle temporaire, il a participé à des courses locales chaque année pendant trois mois. En 2015, il est devenu le premier jockey étranger, avec l’Italien Mirco Demuro, à obtenir une licence permanente. Dès sa deuxième année, en 2016, il a abouti à un résultat remarquable : 186 victoires (2e au classement général) dont 4 en Groupe 1, courses de première catégorie, le meilleur taux de victoire (0,237) et les meilleurs gains.

2016, « l’année Lemaire »

En 2015, Christophe Lemaire a transféré entièrement la base de son activité de la France au Japon, et obtenu une licence professionnelle annuelle de la Japan Racing Association (JRA). L’année suivante, il multiplie les courses et accumule les victoires, obtenant un résultat impressionnant de 186 victoires sur l’ensemble de l’année.

Le 23 octobre 2016, il est devenu le premier jockey étranger à remporter la classique du prix Kikka-shô, une course du Groupe 1 pour chevaux de 3 ans. Pour Lemaire, c’était sa première victoire d’une classique au Japon.

Le week-end du 5 et 6 novembre, il a établi un nouveau record JRA de 10 arrivées consécutives en première ou deuxième position sur 10 montes en 2 jours, et a égalisé dimanche le record de Take Yutaka (datant de 2002) de 8 victoires en un seul jour.

Le titre du plus grand nombre de victoires s’est disputé jusqu’au dernier jour de la saison, le 25 décembre 2016. Si Lemaire s’est finalement incliné d’une victoire devant Tosaki Keita (186 victoires contre 187), il a néanmoins remporté la grande course de Groupe 1 qui clôt la saison, le prix Memorial Arima. Il a terminé avec les plus grands gains cumulés, le plus haut taux de victoire par monte, et le plus haut taux d’arrivée aux deux premières places, ainsi qu'aux trois premières places. Il n’est pas exagéré de dire que dans le monde des courses japonaises, 2016 fut l’année Lemaire.

Christophe Lemaire remporte le 77e prix Kikka-shô, sur Satono Diamond. Le 23 octobre 2016, à l’hippodrome de Kyoto (Jiji Press)

Le prix de l'Arc de Triomphe n’attend pas !

——Tout d’abord, félicitations pour votre victoire dans le prix Kikka-shô, le 23 octobre. C’est la première fois qu’une classique(*1) au Japon est remportée par un jockey étranger.

CHRISTOPHE LEMAIRE   Je vous remercie. Les classiques sont toujours quelque chose de spécial. Chaque classique est une chance unique pour un cheval. L’attention portée à ces  courses est différente des autres. Une victoire est un élément qui vous donne confiance en vous, et augmente énormément le crédit que vous accordent les fans comme les professionnels. Je suis très heureux d’avoir enfin remporté ce titre au Japon. Et je suis fier de laisser mon nom dans l'histoire des courses.

——C’était déjà Satono Diamond que vous montiez le 29 mai pour une autre classique, le Tokyo Derby(*2), où vous êtes arrivé deuxième.

C.L.   Nous avions perdu d’une toute petite marge face à Makahiki. On ne peut pas tout gagner. Satono Diamond avait donné le maximum, j’étais content de sa course. Bien sûr, il est frustrant de laisser passer une victoire de si peu, mais la semaine d’après est une autre course, le jockey ne peut pas rester sur une défaite.

——On a entendu dire que pour le Derby, le propriétaire de Makahiki vous avait demandé de le monter. Pourquoi aviez-vous préféré Satono Diamond ?

C.L.    Je monte Satono Diamond depuis ses débuts. J’avais prévenu le propriétaire de Makahiki que si les deux chevaux se trouvaient tous les deux alignés dans le Derby, je monterai Satono Diamond. Et celui-ci a très bien compris, et m’a gentiment proposé de le monter pour une prochaine course.

——Et ce fut le prix de l’Arc de Triomphe à Paris le 2 octobre 2016…

C.L.    Oui, j’ai eu la chance de pouvoir courir en France avec Makahiki. Le prix de l’Arc de Triomphe est l’une des plus grandes courses du monde. Je l’avais déjà courue, mais cette fois, c’était ma première expérience sur un cheval japonais venu spécialement du Japon…, une véritable émotion ! Malheureusement, le résultat n’a pas été à la hauteur (14e), mais j’ai remporté la course précédente (prix Niel). J’ai très envie de courir de nouveau le prix de l’Arc de Triomphe avec un cheval japonais l’année prochaine. Ce sera peut-être possible avec Satono Diamond.

——Les médias français vous ont-ils suivi de très près du fait de votre première course dans votre pays depuis votre transfert au Japon ?

C.L.    Les interviews se sont enchaînés les uns aux autres, c’était un véritable marathon médiatique (rires) ! Non seulement de la part des médias spécialisés, mais également des médias généralistes. Je pense que ça a été en même temps une bonne occasion de faire connaître un peu plus le monde des courses japonaises.

(*1) ^ Courses de la JRA du Groupe 1 réservée aux chevaux de 3 ans. Il en existe 5 : le prix Satsuki-shô, le prix Ôka-shô, le prix Yûshun Himba (ou Oaks), le prix Tokyo Yûshun (ou Tokyo Derby) et le prix Kikka-shô.

(*2) ^ Course du Groupe 1 pour chevaux de 3 ans, elle a lieu tous les ans entre fin mai et début juin. Son nom officiel est le prix Tokyo Yûshun. Le Tokyo Derby est une des courses de la « triple couronne », avec le prix Satsuki-shô et le prix Kikka-shô.

Les chevaux japonais ont atteint un niveau mondial

——Dans quelle mesure les professionnels mondiaux connaissent-ils les courses japonaises ?

C.L.    Les chevaux japonais ont déjà fait la preuve de leur niveau exceptionnel. Tout le monde a les yeux rivés sur eux à chacune de leurs participations aux courses à l’étranger, le respect est général. La réputation des éleveurs est excellente et on sait également les montants énormes que les propriétaires peuvent investir sur un pur-sang lors des enchères.

Quand les médias japonais débarquent en force sur une course à l’étranger, cela donne une bonne stimulation locale. La dernière fois aussi, Makahiki a énormément retenu l’attention des médias français. Les journalistes français m’ont posé beaucoup de questions sur la situation générale des courses de chevaux au Japon.

——Lors de la première édition de la Japan Cup en 1981, qui avait été entièrement dominée par les chevaux étrangers, on avait dit que c’était le reflet de la différence de niveau entre les deux univers.

C.L.    Tout procède par accumulation d’expérience. Le Japon ne possède pas une histoire des compétitions de chevaux aussi longue que l’Europe ou les États-Unis. L’objectif de la Japan Cup était justement d’ouvrir les portes aux chevaux étrangers en créant une course de niveau international au Japon. Certes, à ce moment-là, le niveau des chevaux japonais n’atteignait pas celui des chevaux européens ou américains, mais il a énormément progressé depuis. Aujourd’hui, plus personne ne doute que le Japon est au top mondial aussi bien pour les chevaux de course que pour les élevages, les étalons, ou les juments.

Avec l’internationalisation des courses, de plus en plus de chevaux japonais vont courir à l’étranger, et cela renforce énormément la confiance des propriétaires, tout comme des entraîneurs japonais. Ils découvrent qu’ils sont dorénavant capables de gagner des courses au-delà de leur pays. Au classement des meilleurs chevaux de course du monde, en 2014, deux chevaux japonais sont arrivés aux deux premières places, et encore une fois à la première place en 2015. Plus rien ne leur manque, désormais.

——Vous voulez dire qu’un cheval japonais pourrait remporter le prix de l’Arc de Triomphe dans un avenir proche ?

C.L.    Certainement. Ils ont dejà fini quatre fois à la deuxième place. C’est juste une dernière marche à gravir. Qu’ils atteindront dans très peu de temps, c’est sûr !

——Et l’idéal, ce serait vous sur ce cheval n’est-ce pas ?

C.L.    Gagner le prix de l’Arc de Triomphe est le rêve de tout jockey. Et vu l’enthousiasme des professionnels et des fans au Japon, je n’imagine pas de plus grand honneur que de monter le premier cheval japonais sur une victoire dans l’Arc. Donc oui, bien sûr, c’est l’un de mes grands objectifs. Mais les chevaux sont des êtres vivants, et donc jusqu’au jour de la course, tout peut arriver. L’important pour moi n’est pas de tout canaliser sur une seule course mais de vivre chaque journée dans le même état mental, et de pratiquer les entraînements jour après jour avec diligence. Puis à l’approche de la course, renforcer ma concentration et me focaliser sur ce jour-là.

Au Japon, les amateurs de courses sont de vrais supporters

——Vos journées se déroulent-elles différemment en France et au Japon ?

C.L.    Déjà, en France, il y a des courses tous les jours. Au Japon, c’est seulement le week-end. Les jours de semaine, il est rare que je participe à une course en province. En revanche, j’ai beaucoup de demandes d’interviews. Les courses reposent sur les fans alors ça fait aussi partie de notre métier, et puis c’est amusant.

——L’attitude des fans est différente ?

C.L.  En premier lieu, au Japon, les fans sont extrêmement nombreux à se déplacer à l’hippodrome. En France, on regarde principalement les courses de chevaux à la maison ou au café. L’image négative des paris colle aux courses de chevaux comme s’ils leurs étaient indissociables.

Au Japon, les aficionados des courses de chevaux sont de vrais supporters. Ils supportent et respectent vraiment les chevaux, les jockeys et les entraîneurs. Ils considèrent les courses hippiques comme sport à part entière. Je suis toujours subjugué par la façon dont les Japonais vivent les courses. Je n’imagine pas de pouvoir faire un autre métier devant une foule aussi passionnée et aussi encourageante. Si vous gagnez, vous faites plaisir aux gens, en échange du plaisir que les gens nous apportent.

2005 Memorial Arima, première victoire dans une G1 de légende

——Votre renommée au Japon a été définitivement lancée quand vous avez mené Heart’s Cry à la victoire devant Deep Impact dans le Memorial Arima(*3) en 2005.

C.L. Un mois auparavant avait eu lieu la Japan Cup, où Heart’s Cry est arrivé deuxième avec un écart de quelques centimètres. On n’avait pas pu prendre de la vitesse dans la première partie de la course. J’étais vraiment déçu.

——Mais vous avez dit tout à l’heure : « Il ne faut pas rester sur une défaite » !

C.L. Eh bien, celle-là, c’était spécial. Il m’a fallu deux semaines pour m’en remettre (rires) ! Mais le temps du vainqueur était un nouveau record du monde sur 2 400 mètres. Cela m’a convaincu du niveau de Heart’s Cry. Alors, après la course, je me suis juré que la prochaine fois que je monterais ce cheval, j’irai la chercher avec les dents, cette victoire. Avant le Memorial Arima, dans les médias c’était l’effervescence avec Deep Impact. Au cours d’un interview, quand j’ai déclaré que j’allais gagner, on m’a ri au nez. Mais j’avais une confiance en béton.

Christophe Lemaire (2e cheval à partir de la gauche, rayures jaunes et noires) remporte le 50e Prix Mémorial Arima (G1) sur Heart’s Cry. À l’extrême droite, on aperçoit Deep Impact, monté par Take Yutaka, qui terminera 2e. Le 25 décembre 2005, à l’hippodrome de Nakayama, préfecture de Chiba (Jiji Press)

——C’est-à-dire que Deep Impact avait remporté la « triple couronne »…

C.L. Avant le départ du Memorial Arima, j’ai dit à Heart’s Cry : on fonce dès le début. Pour battre Deep Impact, je me suis dit qu’il fallait rester dans les chevaux de tête dès le début et s’y maintenir. En voyant le cheval qui partait toujours du fond se placer en troisième position, tout le monde a été surpris. Mais pour moi, la course se déroulait exactement comme prévu. Dans la dernière ligne droite, Deep Impact a fait une belle remontée mais sans pouvoir rattraper Heart's Cry. Et c’est là que survient le grand séisme de 2005 qui a secoué le monde hippique japonais (rires) ! Non seulement c’était ma première G1 au Japon, mais c’était ma revanche de la Japan Cup. Sans compter que c’était se payer Deep Impact, cheval invaincu, quand même. Il n’a plus rien perdu au Japon depuis non plus. Ça, c’est une course que je n’oublierai jamais.

(*3) ^ Course du Groupe 1 qui se déroule à chaque fin d’année. Dotée de 300 millions de yens, plus forte dotation de la saison à égalité avec la Japan Cup.

De quoi ont besoin les jeunes jockeys japonais ?

——À quel âge avez-vous monté à cheval pour la première fois ? Devenir jockey était-il un rêve d’enfant pour vous ?

C.L.  J’ai dû monter à cheval pour la première fois vers l’âge de cinq ans. Mon père était un jockey de courses d’obstacles, ce qui fait que très jeune déjà, j’étais en contact avec les chevaux. Mais la première fois, c’était un poney... Très vite, j’ai voulu monter pour aller le plus vite possible, je voulais devenir jockey. Mais j’avais 10 ans quand mon père a pris sa retraite des courses, et pendant un période d’environ 4 ans, ma passion pour les courses de chevaux est retombée.

Puis, à l’âge de 14 ans, ma famille s’est déplacée dans le sud de la France et mon père est devenu commentateur d’émissions de compétitions hippiques. Cela a relancé ma passion des courses et je me suis mis à dévorer les journaux spécialisés. Mais en cachette, car mon père, connaissant les difficultés de ce métier, s’opposait à ce que je devienne jockey.

Un jour, j’ai déclaré à mon père : « Je veux aller à l’école de jockeys », il a ouvert de grands yeux, et il m’a envoyé dans un lycée normal. Mais j’avais 16 ans quand j’ai participé pour la première fois à une course, parce qu’en France, contrairement au Japon, il existe des compétitions ouvertes aux amateurs. En réalité, j’ai pu commencer à accumuler de l’expérience tout en suivant ma scolarité dans un lycée ordinaire.

——Que pensez-vous des jockeys japonais?

C.L.  Aussi bien Take Yutaka, bien sûr, que Ebina Masayoshi ou Fukunaga Yûichi…sont extrêmement talentueux et construisent de magnifiques carrières. Mais le conseil que je donnerais aux jeunes jockeys, c’est d’aller courir plus souvent à l’étranger, de multiplier les expériences dans tous les pays. Non seulement on développe notre sensibilité, mais ça nous permet également d’apprendre différentes manières de s’entraîner et de monter. Sans compter que l’on améliore sa capacité à lire sereinement une course.

Avant d’avoir 20 ans, j’ai passé 3 ans en apprentissage, à me former 3 mois à chaque fois, aux États-Unis, à Dubaï et en Inde. Cela a renforcé ma capacité à appréhender correctement n’importe quelles conditions de course.

J’aimerais bien que les jeunes jockeys japonais soient plus stimulés, en voyant des jockeys étrangers comme moi venir au Japon. C’est de la compétition que naît l’émulation. Les jockeys japonais respectent scrupuleusement ce qu’on leur a enseigné à l’école de course : qu’il faut toujours conserver sa ligne de course, qu’on ne se glisse pas entre deux chevaux… Ils ne remettent jamais en question ces enseignements. Les jockeys européens sont plus avides, plus agressifs, plus rusés pour prendre la meilleure trajectoire et aller chercher la victoire. Au Japon, on ne voit quasiment jamais les jockeys se disputer entre eux après une course. En Europe, c’est tout le temps (rires) !

——Votre première venue au Japon date de 2002, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui vous a amené ici ?

C.L.  Quand j’étais jeune, j’étais prêt à partir n’importe où une opportunité se présenterait. Mais, à l’époque, les conditions d’exercer professionnellement au Japon étaient très sévères, il n’était pas possible d’obtenir de licence sans justifier déjà d’expérience. Mon prédécesseur, Olivier Peslier, avait couru au Japon. En écoutant son vécu sur place, je me suis dit qu’il faudrait un jour aller constater de moi-même. Alors j’ai commencé à accumuler les résultats, et j’ai fait une demande de licence temporaire à la JRA. Et à partir de là, tous les hivers, je suis revenu. Cela fait 15 ans déjà. La première fois que j’ai vu la ville, j’ai pensé : « Ah ! C’est comme dans les mangas ! » (rires).

La vie en famille dans l’ancienne capitale

——À l'automne 2014, vous avez été gravement blessé en tombant de cheval.

C.L.  Oui, je me suis fracturé le tibia. Je venais juste de passer la première partie de l’examen pour obtenir ma licence de jockey, puis la deuxième partie dans la foulée au début de l’année. J’ai profité de mon séjour forcé à l’hôpital pour étudier le japonais !(*4)

Même avec une blessure, l’essentiel est de rester positif. Nous, les jockeys, nous nous entraînons sans ne prendre aucunes vacances. Au bout de quelques années à ce rythme, il y a un moment où la fatigue se fait sentir, physiquement et mentalement. Mais quand vous êtes blessé, vous n’avez pas le choix, vous êtes obligé de vous arrêter. Vous vous éloignez des courses, vous relâchez la pression. Et quand vous êtes guéri et que vous retournez en course, vous avez retrouvé une certaine fraîcheur. Vous reprenez le plaisir de monter à cheval, et la volonté revient. Il est assez courant qu’un jockey obtienne de très bons résultats tout de suite après son retour. Il faut toujours d’essayer de tirer le positif à partir du négatif.

——De fait, après cela, vous avez obtenu une licence annuelle. Comment trouvez-vous la vie au Japon ?

C.L.  Depuis que je cours au Japon, comme j’ai toujours été basé dans la région du Kansai, une fois ma licence annuelle obtenue, j’ai naturellement choisi Kyoto. Non seulement ce n’est pas loin de Rittô (où se trouve le centre d’entraînement, dans la préfecture de Shiga), mais il y a aussi une école française, c’est donc parfait pour mes enfants. Kyoto est une ville très belle, très facile à vivre. J’aime bien le style de Kyoto. La tradition est beaucoup plus présente qu’à Tokyo, et j’aime les vieilles maisons et les vieux quartiers. Lorsque je venais d’arriver, j’ai surtout visité les endroits touristiques, mais maintenant je me promène dans les petites rues, je m’amuse à découvrir de petits temples ou des jardins peu connus. Au printemps, il y a la saison des cerisiers, à l’automne, la saison des feuilles magnifiquement rougies et jaunies. Ce que j’aime au Japon, c’est que le passage d’une saison à l’autre est très net, les gens vivent en suivant ce rythme, c’est ce qui fait la cohésion de la culture.

——Vos enfants se sont-ils habitués à la vie au Japon?

C.L.  Mon garçon a 11 ans et ma fille 9 ans. C’est forcément pour un gros changement. Il a fallu une petite période d’adaptation. Au début, ils disaient assez souvent qu’ils voulaient rentrer chez nous, en France, mais je leur ai dit ceci : notre maison est ici. Il faut nous adapter. Maintenant, ils ont compris que le Japon est leur pays. Ils ont des amis, ils sont habitués à la nourriture. Ils adorent le sushi, le sashimi, les onigiri… Avec mon travail, sauf les week-ends, je peux passer du temps avec mes enfants. Je vérifie leurs devoirs, je les accompagne ou je vais les chercher à l’école. En France, c’était quasiment impossible, j’avais des courses tous les jours ! Ici, je suis plus détendu et je me sens plus libre. Même très tard la nuit, on peut se promener dans les rues sans danger. Même si quelqu’un me remarque dans la rue, je ne suis pas inquiet. Les Japonais se comportent toujours avec gentillesse et respect envers moi. Ma famille et moi comme nous nous disons que nous sommes accueillis ici, nous respectons alors en retour les gens autour de nous, et nous nous efforçons de nous intégrer. De cette manière, tout se passe bien, et nous n’avons aucun problème.

——Savez-vous combien de temps vous comptez rester au Japon ?

C.L.  Le plus longtemps possible ! Au moins tant que j’aurais la force de monter et que j’aurais des chances de gagner des courses. Les jockeys de plus de 50 ans ne sont pas si rares. Après, je ne sais pas. Travailler pour les médias pourrait être intéressant. J’aimerais faire quelque chose pour contribuer au développement des courses de chevaux. Peut-être devenir une sorte d’intermédiaire entre les mondes hippiques français et japonais. Si l’on rend visible les diverses façons de s’intéresser aux courses, si on en parle plus, je crois que cela augmentera l’intérêt des gens pour les courses de chevaux.

(Photos : Kodera Kei)

(*4) ^ L’examen de la JRA pour l’obtention d’une licence annuelle de jockey est en deux parties, la première en anglais, la seconde en japonais.

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