Les Jeux olympiques de Tokyo 2020 et l’image de marque du Japon

Culture Tokyo 2020

Les Jeux olympiques de Rio ont pris fin le 21 août 2016 par une grandiose cérémonie de clôture qui comprenait notamment un show de huit minutes donnant un aperçu des JO de Tokyo en 2020. Le Premier ministre japonais Abe Shinzô a surpris le monde entier en prenant part en personne au spectacle costumé en Mario, le héros du jeu vidéo mascotte de Nintendo. Nous avons demandé à Sasaki Hiroshi, le directeur de création de cette « bande-annonce », quel message il avait voulu faire passer et comment il envisageait les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo.

Sasaki Hiroshi SASAKI Hiroshi

Né en 1954. Directeur de création. Diplômé de l’Université Keiô de Tokyo. Est entré à l’agence de publicité Dentsu en 1977. A participé à un grand nombre de campagnes publicitaires et de projets de valorisation d’image de marque en tant que concepteur-rédacteur et directeur création. En 2003, il a créé sa propre agence, Shingata, qui a organisé des campagnes de publicité pour de grandes firmes japonaises, en particulier Toyota, SoftBank et Suntory.

Un show qui a étonné le monde

——Pendant la cérémonie de clôture des JO de Rio, le monde entier a été fortement impressionné par l’apparition d’Abe Shinzô habillé en Mario et de personnages tout droits sortis de l’imagination des Japonais tels que Doraemon, Hello Kitty ou Captain Tsubasa (Olive et Tom). Le but de cette « bande-annonce » était-il de donner une image de ce que seront les JO de Tokyo de 2020 ?

SASAKI HIROSHI  Notre principal objectif était de créer une attente vis-à-vis de Tokyo et du Japon. Beaucoup de gens dans le monde ont déjà une certaine image du Japon. Nous avons donc pensé qu’il n’était pas nécessaire de leur parler du kabuki ou de la tour de Tokyo et que mieux valait leur proposer quelque chose d’autre sous la forme d’un message original et inattendu. Un message qui les réjouisse que Tokyo ait été choisie comme ville-hôte des JO de 2020 et leur donne envie de se rendre sur place pour y assister.

Mais un slogan du genre « Tokyo est un endroit magnifique, venez à tout prix » n’aurait pas été du tout approprié. Il fallait faire passer l’idée que les Japonais sont heureux et reconnaissants que Tokyo puisse accueillir une manifestation à l’échelle de la planète. Si nous avions utilisé les huit petites minutes dont nous disposions pour vanter un à un les mérites du Japon, nous n’aurions eu aucun succès. Il en va exactement de même dans le domaine de la publicité où je travaille. J’ai pensé que l’important avant tout, c’est que notre « bande-annonce » véhicule le message fort que Tokyo est une ville enchanteresse et que les Japonais ont une passion exceptionnelle pour le sport. C’est ce genre d’images positives que j’ai cherché à transmettre.

Shiina Ringo, notre directrice musicale, nous a fait une première proposition dans le sens d’un spectacle « plein d’esprit ». C’est ainsi qu’a germé en moi l’idée de présenter Tokyo et le Japon comme des emblèmes de l’esprit et du raffinement.


Vidéo : Un aperçu du travail de préparation de la « bande-annonce » des Jeux olympiques de Tokyo 2020 pour la cérémonie de clôture des JO de Rio de 2016 (© Tokyo 2020)

Un pays attaché à la paix

SASAKI   Nous avons fortement insisté sur l’idée que les athlètes seront au cœur de ces JO. C’est pourquoi nous avons préféré montrer des images de sportifs plutôt que des danses traditionnelles ou une célébration de la culture japonaise.

Nous avons mis l’accent sur le sport en soulignant le rôle capital qu’il a joué pour les Japonais en tant que vecteur de paix dans la reconstruction du pays après la Seconde Guerre mondiale, et au moment des grandes catastrophes naturelles. Nous avons eu recours aux techniques de la réalité augmentée (RA) de façon à superposer des images à ce qui se passait vraiment dans le stade de Rio de Janeiro. Les personnages de jeux vidéo ou de dessins animés comme Mario et Doraemon sont venus se mêler aux athlètes en se transmettant une boule rouge symbolisant le drapeau national, une autre façon de porter le message de paix du Japon. Le point culminant du spectacle a été évidemment l’apparition surprise du Premier ministre Abe Shinzô costumé en Mario.

À Pékin, en 2008, la cérémonie de clôture des JO a été marquée par l’arrivée de la star du football anglais David Beckham. Et en 2012 à Londres, Pelé, la légende brésilienne du ballon rond, a participé en personne au spectacle de huit minutes donné à la fin des Jeux par la ville de Rio. Mais au Japon, il n’y a pas de superstar du sport suffisamment connue au niveau mondial pour être identifiée sur le champ. Nous avons eu alors très tôt l’idée de choisir ces personnages de fiction pour représenter le Japon. Une décision efficace pour donner à l’Archipel l’image d’un pays paisible et joyeux.

Une alchimie entre tradition et innovation

——En voyant le spectacle de la cérémonie de clôture des JO de Rio, j’ai eu le sentiment que le Japon était un pays à l’avant-garde de la technologie qui voulait montrer ce que sera le monde d’ici quatre ans.

SASAKI  Présenter les inventions technologiques les plus récentes n’était pas notre principal objectif dans la mesure où celles-ci sont très vite dépassées. Nous avons plutôt cherché à montrer Tokyo comme une ville vraiment bien placée pour organiser un événement sportif d’une aussi grande envergure que les JO parce qu’elle est à la fois l’héritière d’une longue tradition de festivals dont l’origine remonte à l’époque d’Edo (1603-1868) et l’un des grands pôles de développement des technologies de l’information et du numérique. J’ai discuté à ce sujet avec Takeuchi Makoto, alors directeur du musée d’Edo-Tokyo consacré à l’histoire de la capitale, et il m’a donné de précieux conseils.

Nous avons décidé que l’hymne national du Japon (Kimigayo) serait interprété conjointement par un chœur bulgare et un chœur de jeunes japonaises grâce à un arrangement spécial du compositeur Miyake Jun. Le résultat a été une réussite. Le présentateur de la BBC a même dit que c’était « un des plus beaux hymnes nationaux du monde ».

Des femmes montées sur des transporteurs personnels et vêtues de tenues évoquant des pliages japonais (origami) ont fait leur apparition au moment où le drapeau du Japon (Hinomaru) était à la fois hissé et projeté sur le stade de Rio grâce à la technique du mapping vidéo. Le mot « merci » dans toutes les langues matérialisé en partie par des étudiants victimes du séisme catastrophique de mars 2011 a donné ensuite une illustration parfaite de l’étiquette japonaise.

Le show de Rio comprenait aussi une séquence où 50 danseurs aux allures de gymnastes ont évolué dans le stade en faisant appel à une technique empruntée au kabuki qui leur permettait de changer instantanément de vêtement (hayakigae). Dans la chorégraphie, ou pouvait retrouver les notions d’hospitalité et de politesse des habitants de l’Archipel. Le spectacle incluait en même temps toutes sortes de créations numériques, y compris des motifs inspirés par le cristal taillé d’Edo (Edo kiriko) et les estampes ukiyo-e.

Le Japon de la tradition et celui de l’innovation, loin de former un mélange hétéroclite, ont très bien fonctionné ensemble dans une relation d’alchimie, au grand étonnement de tous. Au lieu de nous contenter de les présenter côte à côte, nous nous sommes efforcés de les réunir en un seul corps, en formant une sorte d’hybride.

Améliorer l’image de marque du Japon

——En réalisant la « bande annonce » de Rio, vous avez dû sans doute vous faire une idée de ce à quoi les JO de Tokyo devraient ressembler ? Comment voyez-vous les Jeux olympiques et paralympiques de 2020 ?

SASAKI  En dehors des cérémonies d’ouverture et de clôture, il y a un certain nombre d’améliorations que l’on peut apporter. Je pense qu’il faudrait une meilleure « mise en scène » pour présenter les manifestations sportives qui se dérouleront à cette occasion. Par exemple, mettre en valeur les épreuves moins connues que les autres. Et pour celles dominées par un pays, pourquoi ne pas mettre plus en lumière les équipes moins performantes ? Il faut également faire des efforts pour attirer l’attention sur les Jeux paralympiques.

À mon avis, le Japon doit employer en priorité des jeunes et des femmes de talent, ce qui lui permettra d’organiser efficacement des JO pleins de créativité. Nous avons été les premiers à donner l’exemple avec la « bande annonce » de Rio et les contributions remarquables de Shiina Ringo (directrice musicale), Mikiko (chorégraphe), Manabe Daito (artiste multimédia), Sugano Kaoru (directeur de la création numérique), Kodama Yûichi (directeur vidéo) et Hamabe Akihiro (directeur artistique).

Les Jeux olympiques de Tokyo ne dureront que deux semaines. Nous ne pouvons pas tout miser sur eux et risquer d’en sortir complètement épuisés. Mais j’espère bien entendu qu'ils susciteront un grand enthousiasme et qu’ils s’avèreront une expérience valorisante pour le Japon et Tokyo.

Je pense que le Japon doit éviter les écueils qui consistent à donner, comme c’est bien souvent le cas, un caractère prétentieux à la cérémonie d’ouverture et à trop se focaliser sur le nombre de médailles d’or remportées. Je souhaite que les JO de Tokyo restent dans les mémoires comme un grand moment qui a ouvert de nouveaux horizons. J’aimerais qu’ils donnent au reste du monde l’envie de mieux connaître le Japon et Tokyo et d’apprécier les habitants de l’Archipel. Et si nous réussissons à aller dans ce sens, les Jeux olympiques de 2020 permettront au Japon d’améliorer son image de marque.

(D’après un article en japonais du 3 avril 2017. Interview réalisée par Ishii Masato de Nippon.com. Photos de Ôtani Kiyohide de Nippon.com. Photo de titre : la cérémonie de clôture des JO de Rio, le 21 août 2016, au moment où le Japon a donné au monde entier « Rendez-vous à Tokyo »
pour 2020. Jiji Press)

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