Le monde miniature du photographe Tanaka Tatsuya

Culture

Tous les jours depuis 2011, Tanaka Tatsuya poste sur les réseaux sociaux des photos surprenantes mettant en scène petites figurines avec des objets du quotidien. Pionnier d’un nouveau genre, il nous invite dans son univers étonnant et nous fait découvrir l’envers du décor de ses créations.

Tanaka Tatsuya TANAKA Tatsuya

Né dans la préfecture de Kumamoto en 1981. Son projet « Miniature Calendar » lancé en 2011 a connu un grand succès sur les réseaux sociaux et a été présenté par de nombreux médias. Ses photos sont régulièrement utilisées pour des publicités et des émissions télévisées. Parmi ses collections de photographies les plus célèbres : Miniature life (publié chez Suieisha), Small Wonders (publié chez Nippan Ips).
Site internet officiel

Des œuvres amusantes pour un succès retentissant

Tanaka Tatsuya est un photographe capable de transformer du pain en train et une tranche de gâteau en piste de ski. Son travail consiste à prendre en photo des petites figurines, des objets du quotidien ou encore de la nourriture afin de créer une scène miniature originale. Depuis plusieurs années, il poste une photo par jour sur les réseaux sociaux et ses images amusantes et minutieusement travaillées ont très rapidement gagné en popularité. En mars 2024, le compte Instagram de Tanaka est suivi par plus de 3,7 millions de personnes. C’est aussi un succès international, avec une grande majorité d’abonnés situés en dehors du Japon. Ses œuvres ont déjà été exposées à Taïwan et Hong Kong.

Un Shinkansen fait en pain : le « Shin-pain-sen ». Tanaka est friand de jeux de mots lorsqu’il s’agit de trouver un titre pour ses photos. (© Tatsuya Tanaka)

« Neige de meringue ». Un shortcake à la fraise (l’un des gâteaux préférés des Japonais) sert de piste de ski. Cette tranche de gâteau est une réplique en plastique, mais Tanaka Tatsuya a souvent recours à de la vraie nourriture. (© Tatsuya Tanaka)

« Rizière en brosse ». Une brosse transformée en rizière, avec l’idée de couper une partie des fibres pour représenter la saison de la récolte du riz. (© Tatsuya Tanaka)

Tanaka Tatsuya était auparavant directeur artistique dans une société de design. Son travail consistait à créer des publicités pour des magazines. Un jour où il préparait une photo pour son compte Instagram, il a ajouté des petites figurines utilisées pour des maquettes en plastique. Ce simple ajout a conféré à l’image une dimension nouvelle et très vite de nombreux membres du réseau social ont partagé la photo. Il prenait alors l’habitude de temps à autre de poster des photos de ce type, mais en avril 2011, il a lancé le site Internet « Miniature Calendar » et depuis, il publie tous les jours sans faute une nouvelle création.

De nouvelles idées au quotidien

Pince à linge, papier toilette, fruits, légumes ou même encore du pain : toutes les photos sont composées d’objets banals que l’on peut trouver dans n’importe quelle maison. « Je m’efforce de créer des œuvres simples qui peuvent être appréciées dans le monde entier et par un public de tous âges. »

Il est néanmoins intéressant de noter que les images les plus populaires à l’étranger sont celles concernant les sakura (cerisier), les samuraï, les ninjas ou encore les sushis, qui intègrent des éléments purement nippons. Tanaka pense toujours à son public international lorsqu’il compose une photo et tente d’être original tout en ayant un attrait universel.

« Radeaux de pétales ». Des barques en fleur de cerisier. (© Tatsuya Tanaka)

« C’est du ketchup ». Un invincible samouraï qui a découpé ses ennemis. (© Tatsuya Tanaka)

La règle que Tanaka s’est imposée est de « créer une nouvelle œuvre tous les jours. »

Il explique qu’il a deux méthodes de travail : réfléchir à un objet à utiliser en particulier, ou s’imaginer la scène à recréer. En d’autres termes, il va soit décider du matériel à utiliser pour ensuite trouver une idée de photo, soit trouver une scène puis choisir les objets et les figurines qui correspondent à son idée.

Transformer les contraintes en avantages

Il lui faut environ deux heures entre le début de la séance photo et la publication sur les réseaux sociaux. La moitié du temps est utilisée à sélectionner et organiser les figurines, ainsi qu’à travailler sur l’éclairage. Ensuite, il traite l’image photographiée et réfléchit au titre et aux hashtags avant de la publier sur internet. Il ne prépare jamais à l’avance de stock de photos à publier : la plupart du temps, il publie une image qui a été prise la veille.

Le « studio » de Tanaka. Il a appris en autodidacte les techniques de photographie et d’éclairage.

On peut s’imaginer qu’il soit sous pression à l’idée de publier tous les jours une nouvelle création ou d’être à court d’idées originales.

« Pas spécialement, répond-il. Je fais juste de mon mieux pour créer le monde que j’ai en tête malgré cette limite de temps. C’est précisément cette contrainte qui est la clé de mon processus créatif. Je pense que la répétition quotidienne de ces courts laps de temps de concentration intense permet de me surpasser. »

Ses figurines sont méticuleusement organisées par métier, taille, etc.

Il possédait au début une cinquantaine de figurines ; aujourd’hui ses tiroirs en comptent plus de 10 000. Les petits personnages sont rangés en de nombreuses catégories : vêtement, saison, métier, etc. La plupart d’entre eux proviennent de Preiser, un célèbre spécialiste allemand du modélisme ferroviaire. Les figurines de ce fabricant se distinguent par la finesse des détails et leurs couleurs vives. Les plus petites ne font que 5 millimètres de haut. Tanaka possède le même modèle de personnage en plusieurs tailles différentes, ce qui lui permet de choisir ses figurines en fonction de la taille de l’objet utilisé. Ce n’est pas une simple question de détail : une différence de quelques millimètres peut avoir un impact déterminant sur le résultat final.

L’un de ses légumes préférés est le brocoli. « Les brocolis ressemblent à des arbres, c’est donc facile de s’en servir comme symbole de la nature », explique-t-il. Et de rajouter, un sourire aux lèvres : « Le seul problème, c’est que je n’aime pas manger ce légume. »

« Forêt de brocolis » (© Tatsuya Tanaka)

Des ambitions à l’international

Une importante partie des followers de Tanaka sur les réseaux sociaux sont des étrangers, en particulier de Hong Kong et de Taïwan. « Ces pays sont limités dans leur territoire, comme le Japon. Par conséquent les habitations sont petites, et c’est peut-être de là que provient cette culture d’appréciation du miniature », analyse l’artiste.

En 2016, il a organisé sa toute première exposition étrangère à Hong Kong, suite à la demande des nombreux fans locaux. Plus tard, il a aussi eu l’occasion d’exposer ses œuvres à Taïwan, où il a été surpris de constater combien son public était passionné lors d’une séance de dédicace. « Dans les pays étrangers, les personnes intéressées par mon travail n’hésitent pas à venir discuter avec moi sans se soucier de savoir si je suis célèbre ou non, ce qui n’est pas le cas au Japon. »

L’objectif de Tanaka est de présenter ses œuvres au monde entier. Il envisage en particulier de tenir des expositions aux États-Unis et en Europe. « Mais je ne suis pas encore très connu dans ces pays, donc la première étape est d’attirer l’attention sur mes photos. Pour ce faire, je vais continuer de créer tous les jours des images surprenantes afin que « Miniature Calendar » soit connu par le plus grand nombre de personnes. »

« Un jour je rêve que mon “Shin-pain-sen” soit utilisé pour le design de vrais Shinkansen », confie-t-il. À mesure que les photos de Tanaka gagnent en popularité, son univers miniature semble devenir de plus en plus réel.

(Reportage et texte de Satô Fumi. Photos de Kusano Seiichirô, sauf mention contraire. Photo de titre : Tanaka Tatsuya en pleine préparation de « Neige de meringue », son œuvre pour le Miniature Calendar du 14 février)

design photographie internet figurine