Allons voir les festivals japonais !

L’histoire étonnante du festival de la neige de Sapporo

Culture Tourisme

Dans l’île septentrionale d’Hokkaidô, le festival de la neige de Sapporo (Sapporo yuki matsuri) est l’un des événements les plus importants de l’hiver. Chaque année, elle attire des foules de visiteurs venus du monde entier. Pourtant, lors de sa première édition, en 1950, elle ne comportait en tout et pour tout que six petites sculptures de neige élaborées par des lycéens de la ville.

Des débuts extrêmement modestes

Des collégiens et des lycéens de Sapporo en train de réaliser une sculpture de neige, en 1950.

Les origines du « festival de la neige de Sapporo » (Sapporo yuki matsuri) remontent à 1950. À l’époque, le Japon était encore dans la période de l’après-guerre et ses habitants avaient du mal à se procurer la nourriture et les produits de base indispensables à leur survie. Mais la municipalité et de l’office du tourisme de Sapporo – la capitale de l’île d’Hokkaidô –, n’en ont pas moins demandé à des collégiens et des lycéens de sculpter six statues de trois à cinq mètres de haut dans la septième section du parc Ôdori, où l’on entassait jusque-là la neige ramassée dans les rues du voisinage pendant l’hiver. Bien que dépourvus de toute connaissance ou expérience en la matière, les jeunes gens ont pris des outils et ils se sont mis courageusement à l’ouvrage. Ils ont procédé par tâtonnements, avec l’aide d’un professeur d’art. Et ils ont fini par réaliser le travail qu’on leur avait commandé.

« Ours », une des sculptures du 1er festival de la neige de Sapporo, en 1950.

Une fête de la neige a ainsi été organisée autour de ces six sculptures. Elle comprenait aussi d’autres attractions, en particulier des courses de chiens de traineaux, des bals et des spectacles de théâtre et de musique. Le succès de cette manifestation a été immédiat. Elle a en effet attiré 50 000 personnes. L’accueil enthousiaste réservé au premier festival de la neige s’explique par l’interminable hiver qui caractérise la ville et ne donne guère l’occasion à ses habitants de se divertir. Dès l’année suivante, la municipalité a décidé d’en faire un événement annuel. Depuis lors, les sculptures de neige n’ont pas cessé de progresser en termes de taille, de quantité et de sophistication, au même titre que le festival de la neige elle-même.

Des sculptures de neige d’une hauteur stupéfiante

Shôten (L’Ascension), une sculpture de 15 mètres de haut présentée lors du 4e festival de la neige de Sapporo, en 1953.

Le 4e festival de la neige de Sapporo, qui s’est déroulé en 1953, a été marquée par la présence d’une statue de neige géante. Une première mondiale. Cette sculpture, appelée « l’Ascension », mesurait 15 mètres de hauteur, c’est-à-dire trois fois plus grande que toutes celles qui l’avaient précédées. Les spectateurs ont été complètement sidérés par sa taille.

En 1955, les Forces d’autodéfense (FAD) japonaises ont participé pour la première fois à l’organisation du festival de la neige de Sapporo en réalisant une sculpture géante. Quatre ans plus tard, en 1959, 2 500 membres des FAD ont été mobilisés pour la construction d’un grand nombre de monuments de neige. Cette année-là, la télévision et les journaux nationaux japonais ont parlé pour la première fois du festival, ce qui a eu pour effet de multiplier le nombre des visiteurs venus du reste de l’Archipel. Et c’est ainsi que cette manifestation est devenue célèbre dans tout le pays.

Des membres des Forces d’autodéfense du Japon en train de participer activement à la réalisation de sculptures géantes, dans le cadre du festival de la neige de Sapporo.

Des sculptures de neige réalisées pour le 14e festival de la neige de Sapporo, en 1963. À l’arrière-plan, l’antenne de la télévision de la ville.

À partir de sa 16e édition, en 1965, le festival de la neige a pris encore plus d’ampleur avec l’ouverture d’un second emplacement réservé aux sculptures de neige. Ce nouveau site se trouvait sur la base des Forces d’autodéfense terrestres de Makomanai. Il a beaucoup plu aux familles parce qu’il contenait, entre autres attractions, une immense sculpture dotée d’un toboggan ainsi que des statues géantes représentant des personnages particulièrement appréciés par les enfants, comme le chat-robot Doraemon. Sept ans plus tard, en 1972, Sapporo a abrité les XIe Jeux olympiques d’hiver, ce qui a eu le mérite de focaliser l’attention du monde non seulement sur la capitale de l’île d’Hokkaidô mais aussi sur son festival de la neige.

Le concours international de sculpture sur neige de Sapporo

Le premier choc pétrolier de 1973 a eu un impact négatif sur le 25e festival de la neige de Sapporo qui s’est tenu l’année suivante, en 1974. Les organisateurs n’ont en effet pas réussi à se procurer assez de carburant pour transporter les énormes quantités de neige nécessaires pour réaliser les sculptures. Ils en sont même venus à se demander si le festival pourrait avoir lieu. Pour pallier au manque de neige, ils ont eu recours à quelque 800 cylindres d’acier qui ont servi de structure interne aux statues de neige les plus grandes. Le festival de la neige a pu ainsi se dérouler comme les autres années. Mais l’inclusion de cylindres dans les sculptures avait l’inconvénient de les rendre moins compactes et moins stables tant et si bien que la neige a commencé à fondre beaucoup plus rapidement que d’habitude. Le risque qu’elles ne s’effondrent était tel que la fin de la manifestation a été accueillie avec un grand soulagement.

« Les artistes de la nature ». Cette œuvre, présentée par la Thaïlande, a remporté le concours international de sculpture sur neige, organisé en 1989, lors du 40e festival de la neige de Sapporo.

Mais le festival de la neige n’en a pas moins continué à prendre de l’ampleur. En 1974, elle s’est résolument ouverte sur le monde en organisant un concours international de sculpture sur neige. Outre le Japon, cinq pays ont répondu à l’appel en envoyant une équipe : le Canada, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, et le Vietnam du Sud (réunifié depuis avec le Vietnam du Nord). Les spectateurs ont été enchantés par la diversité des œuvres exposées. Par la suite, le nombre des candidats n’a pas cessé d’augmenter. Le concours international de sculpture sur neige de Sapporo a accueilli non seulement d’autres pays comme l’Allemagne et l’Australie mais aussi des villes, en particulier Shenyang (Chine), Portland (Orégon, États-Unis), et Daejeon (Corée du Sud). Grâce à lui, le festival de la neige est devenu une manifestation d’envergure vraiment internationale.

À l’occasion de la 34e édition, en 1983, les organisateurs ont ouvert un troisième site, celui de Susukino, un des quartiers de divertissements de Sapporo. Les œuvres qui y ont été dès lors exposées ont la particularité d’être taillées non pas dans la neige, mais dans la glace. Elles sont alignées le long de la rue principale de Susukino et quand la nuit tombe, elles se mettent à briller de mille feux à la lumière des néons, pour le plus grand plaisir du public. En 2005, le site de Makomanai a été fermé et remplacé par l’immense complexe du « dôme communautaire de Sapporo », qui a conservé les attractions traditionnelles liées à la neige comme les toboggans et les traineaux. Le dôme lui-même comporte une zone de repos et de restauration ainsi qu’un vaste espace de jeux à l’usage des familles. Le festival de la neige est une manifestation où l’on peut goûter à tous les plaisirs qu’offre l’hiver à Hokkaidô, en parcourant chacun des trois sites qui lui sont affectés.

Cette sculpture représentant le Palais royal de Bangkok (Chakri Maha Prasat), en Thaïlande, a été réalisée pour le 58e festival de la neige de Sapporo, en 2007. (© HBC)

« Vestiges de l’Egypte », une sculpture de neige réalisée en 2008, à l’occasion du 59e festival de la neige de Sapporo. (© HBC)

Une volonté de participation de plus en plus grande

« La grande porte du Sud » (Sungnyemun) de l’enceinte de Séoul, en Corée du Sud. Une des sculptures de neige présentées lors du 60e festival de la neige de Sapporo, en 2009. (© HBC)

En 1984, la durée du festival a été portée de cinq à sept jours, ce qui a permis à un plus grand nombre de Japonais et de visiteurs venus du monde entier d’y assister. Il s’avère par ailleurs que les habitants de Sapporo font preuve d’une volonté de plus en plus grande de s’investir dans cette manifestation. Depuis la 53e édition en 2002, environ un millier de volontaires prennent part chaque année à la construction des sculptures les plus grandes. Il existe un comité chargé de réunir les bonnes volontés et de les mettre en relation avec les équipes qui travaillent sur le terrain. Il semble aussi que beaucoup de personnes – notamment parmi les familles originaires d’une autre région de l’Archipel et les étudiants étrangers venus au Japon dans le cadre d’un échange scolaire – se portent volontaires avec enthousiasme, quand ils découvrent les paysages enneigés d’Hokkaidô. Les habitants de la ville de Sapporo ont même constitué des groupes qui réalisent leurs propres petites sculptures de neige en vue du festival, mais celles-ci sont si nombreuses qu’elles ont peu de chances d’être sélectionnées, la proportion étant d’une œuvre exposée pour cinq ou six groupes.

Un exemple de « mapping vidéo », une technique utilisée pour animer les sculptures de neige grâce à des illusions d’optique, lors de la 64e Fête de la neige de Sapporo, en 2013.

En 2013, le festival de la neige a réussi un premier mondial en présentant des sculptures de neige sublimées grâce à la technique de projection 3D du « mapping vidéo » qui permet d’animer des volumes en créant des illusions d’optique. Cette nouvelle attraction a attiré des foules si grandes que les spectacles programmés les deux derniers jours du festival ont dû être annulés pour des raisons de sécurité. En 2014, le « mapping vidéo » a été étendu aux trois sites de la 65e édition. Et le nombre total des visiteurs s’est élevé à quelque 2,4 millions. Un record historique.

Il y a plus de 60 ans, la ville de Sapporo a eu l’ingénieuse idée d’utiliser de la neige en surplus pour créer des sculptures autour desquelles elle a organisé une fête de la neige, à la grande joie de ses habitants. Grâce à l’esprit innovant dont elle est aujourd’hui l’héritière, elle va continuer à convier le monde à un festival hivernal toujours plus merveilleux.

(D’après un texte en japonais de Yoshida Yayoi. Avec l’aimable autorisation du Comité d’organisation du festival de la neige de Sapporo pour les photos, et la collaboration de Dôshin Information Service Inc.)

tourisme Hokkaidô neige festival Sapporo